La violence comme réponse étatique aux manifestations d’opposition à la politique gouvernementale

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Affrontements entre manifestants et policiers à l’issue du défilé contre la loi travail le 9 avril à Nantes.

 
Qu’il s’agisse des manifestations au projet de réforme du Code du travail, du rassemblement « Nuit debout », ou autres oppositions à la politique gouvernementale, la violence paraît devenue le mode de réponse étatique le plus habituel. La chose n’est certes et malheureusement pas nouvelle. On se souviendra ainsi du traitement réservé aux familles, et jusqu’aux bébés dans leur poussette, lors des fameuses et imposantes Manif pour tous. Mais aujourd’hui le traitement semble s’être généralisé, comme s’il correspondait particulièrement aux coups de menton dont Manuel Valls ponctue habituellement les expressions de sa hargne.
 
Le problème est manifestement que la violence engendre la violence. Il va de soi, en théorie, que les casseurs, qui se sont encore manifesté jeudi à l’occasion des manifestations contre le projet de loi El Khomri n’ont aucune excuse, alors que les policiers, et autres représentants des forces de l’ordre, peuvent normalement employer la force, dans les limites qu’imposent la loi et le bon sens, pour maintenir la paix civile, et la tranquillité de l’ordre…
 

Des manifestations parfois violentes en opposition à la politique gouvernementale

 
Mais lorsque toute contestation, même pacifique, mode d’expression pourtant admis en démocratie, se heurte au silence, au mépris, voire aux coups, l’escalade se trouve être la conséquence logique et malheureuse du peu d’intérêt que les autorités politiques manifestent pour leurs compatriotes.
 
Jeudi, des violences ont donc émaillé certaines des manifestations organisées à travers la France contre le projet de réforme du Code du travail, à quelques jours du début de l’examen du texte par les députés.
 
Les débordements, qui se sont produits en marge des manifestations, notamment à Paris, Nantes, Rennes et Marseille, se sont soldés au total par 124 interpellations, portant à 382 le nombre de celles-ci depuis le début de ce mouvement contre la loi sur la réforme du travail.
 

La violence comme réponse étatique aussi

 
De fait, vingt-quatre policiers et gendarmes ont été blessés au cours de la journée. Et notamment à Paris, un policier a été grièvement blessé, et son état était qualifié dans l’après-midi « d’urgence absolue », même si son pronostique vital, comme l’on dit, n’était pas engagé.
 
De même, vingt-quatre (c’est le chiffre du jour…) personnes ont été placées en garde à vue à Paris à la suite de dégradations et de violences survenues dans la nuit de jeudi à vendredi en marge du rassemblement « Nuit debout ».
 
Ces comportements sont évidemment inadmissibles, et le ministre de l’Intérieur a fermement condamné jeudi ces violences (pour ce qui est des premières) commises par « une poignée de casseurs qui ont cherché à faire dégénérer (…) ces cortèges et ces manifestations ». Bernard Cazeneuve a en outre déclaré la « détermination et fermeté totale de l’Etat », qui ne ferait preuve d’« aucune complaisance » face à ces débordements.
 
Plus laconique, Manuel Valls s’est contenté d’un tweet : « Je condamne avec force les violences d’une minorité d’irresponsables. Ils devront rendre des comptes devant la justice. Soutien aux policiers. »
 
Très bien. Mais quel curieux mode d’expression pour un premier ministre exprimant l’autorité de l’Etat !
 
Le ministre de l’Intérieur a par ailleurs appelé à la responsabilité à la fois « ceux qui ont diffusé sur la police des affiches et des propos qui ont contribué à tendre » la situation (en une allusion claire à une affiche diffusée par certains membres de la CGT et qui déplore des violences policières), et « ceux qui essaient d’instrumentaliser ce contexte à des fins politiques en proposant qu’on interdise tout ».
 

Que l’Etat donne l’exemple !

 
Nous revoilà en plein dans le sujet de la surenchère. « L’état d’urgence n’est pas un état de convenance politique », a déclaré Bernard Cazeneuve, mais ce n’est pas non plus « un état d’agitation, ce n’est pas un état d’outrance ».
 
On comprend bien que l’état d’urgence soit l’occasion de violences légales, si l’on peut dire, qui peuvent, parfois, être nécessaires. Pour autant, ainsi que certains membres du gouvernement l’admettent, ce ne saurait être un état permanent, sous peine de devenir un moyen de gouverner qui souligne la faiblesse de ceux qui en usent et abusent. Au point que les Français sont en droit d’exiger, si l’état d’urgence ne doit pas être « un état de convenance politique », que le gouvernement, que le président de la République lui-même, le manifestent clairement.
 

François le Luc