Et soudain, tout a changé. Quand Renaud Camus théorise le « grand remplacement », il est condamné par les tribunaux pour provocation à la haine raciale – la chose est arrivée plusieurs fois – et on le taxe de « conspirationnisme ». Ceux qui utilisent médiatiquement l’expression – tels Eric Zemmour, Jordan Bardella, Philippe de Villiers… – sont aussitôt désignés comme racistes, extrémistes, infréquentables. Rien de tel quand Jean-Luc Mélenchon utilise les mêmes termes. La différence, c’est qu’il l’appelle de ses vœux, ce « grand remplacement » qu’il verrait bien prendre le dessus sur la culture française à travers la « créolisation ».
Ainsi, Jean-Luc Mélenchon n’est pas désigné comme « complotiste » dans les médias acquis au tabou qui entoure l’immigration massive, dont la critique est soigneusement confinée à l’intérieur de limites bien mieux contrôlées que nos frontières. Au bout de décennies d’une politique d’immigration qui a permis l’entrée en France (et plus largement dans les vieilles chrétientés d’Europe) de populations à la religion et à la culture fort différentes des nôtres, il lui est permis de faire le constat. Il ne fallait surtout pas le permettre avant, histoire de ne pas renforcer l’attrait de partis ou de mouvements politiques qui mettaient en garde contre cette politique, et proposaient de l’inverser.
Les mots de Mélenchon sur le grand remplacement
Voici ses mots :
« Alors oui, M. Zemmour, il y a un grand remplacement. Oui, M. Bayrou, il y a un grand remplacement. Quel est ce remplacement ? Ce remplacement, c’est celui d’une génération qui vient après l’autre et qui ne ressemblera jamais à la précédente. Vous autres, qui avez eu la chance de vous mélanger et de vous découvrir de vous entendre chanter, parler, cuisiner, jouer de la musique, vous savez l’importance de ce mélange, l’importance de cette créolisation qui crée du neuf car non, le futur n’est pas voué à être le passé toujours recommencé, et il y en a assez de passer son temps à faire l’apologie de la tradition ! »
Il s’exprimait à sa manière de tribun, avec en arrière-fond une opération de mobilisation des jeunes électeurs au secours de LFI : devant lui, un public bigarré, vendredi, dans un amphi de l’Université Toulouse-II-Jean-Jaurès, qui a applaudi à tout rompre les mots « grand remplacement ». Ils avaient parfaitement compris ce que cela signifiait : non pas le remplacement d’une génération par la suivante, qui est la loi de la nature et n’entraîne pas de soi une révolution ou une rupture, mais celui d’une population qui représente la « tradition » française par une population « créolisée ». Une population ayant développé une nouvelle langue, une nouvelle culture, une nouvelle manière d’être fondée sur le mélange. Solve et coagula, disent les francs-maçons. C’est bien ça : dissoudre et figer, rejeter ce qui fut, faire du nouveau pour mieux chasser l’ancien.
Mélenchon a dit tout haut ce qu’il était interdit de constater, ou alors à voix basse, en subissant le mensonge permanent du pouvoir politico-médiatique qui disait que c’était « fantasme », « racialiste », xénophobe – pour le démographe Hervé Le Bras, toujours très bien accordé avec le discours dominant, ce serait même une « sinistre farce ». Et voilà qu’un gauchiste qui se proclame « marxiste » confirme qu’il ne s’agit en rien d’une farce, mais d’une réalité, et qu’il se voit congratulé par les pourfendeurs du « racisme ». Discours de victoire, en vérité…
Grand remplacement et « créolisation » : du pareil au même
Son idée, son objectif, sa foi, Mélenchon les a récapitulés : c’est l’« idée qui fonde l’humanité universelle comme un tout universel, qui fonde l’humanité comme sujet d’une créolisation où les cultures se rencontrent, les habitudes, les mœurs… »
C’est le discours antiraciste tel qu’il préside aux lois « antiracistes » en France depuis la loi Pleven et ses déclinaisons ultérieures, toujours soutenues par les communistes qui jouent sur la dialectique entre les groupes mais aussi et surtout contre ce qu’ils voient comme une outrecuidance : vouloir protéger la patrie, l’identité, les traditions et « la » tradition française, et les racines chrétiennes qui seules peuvent vivifier et nourrir la France. C’est le principe de la préférence étrangère et l’interdiction de hiérarchiser les cultures et les mœurs. Mélenchon l’a exprimé devant un public demandeur pour qui le « grand remplacement » n’est pas un mythe, mais un lendemain qui chante.
Dès samedi, Mélenchon est intervenu pour dire des choses semblables aux 3es Rencontres nationales des quartiers populaires à Toulouse. Non sans introduire une nouvelle dialectique : celle des banlieues – les banlieues urbaines ethniques, le plus souvent – contre les zones rurales où la paysannerie a pour ainsi dire disparu, où ceux qui réussissent rêvent de se retirer : « Que voulez-vous que je dise à une jeune fille de 14 ans : “Prends ta mobylette mobile et va dans la ruralité convaincre les fascistes de voter à gauche !” Qui pourrait me prendre au sérieux ? » Non, pour Mélenchon, c’est « dans les quartiers populaires (que) se trouvent les seules catégories ascendantes de ce pays », et c’est là qu’il fait campagne.
Mélenchon dessine les frontières de la « nouvelle France » – il n’y en a pas !
« La réalité, c’est qu’il y a une nouvelle France et que cette nouvelle France, c’est la nôtre ! », a-t-il lancé :
« Cessez donc d’imaginer une France du passé qui n’est plus là, acceptez celle qui est là ! Et dites-vous bien, comme je le dis à chacun des jeunes gens que je croise et dont je sais qu’ils sont nés comme moi au Maghreb ou bien encore ailleurs, cette partie du pays est à nous. C’est notre patrie. C’est notre pays. C’est là que naîtront vos enfants. C’est là que naîtront vos petits-enfants. Ce pays est à nous tous. Voilà pourquoi je parle de la nouvelle France ! »
Voilà qui a le mérite de la clarté.
Et pour le mieux faire comprendre, Mélenchon a ajouté, appelant de ses vœux une « décolonisation complète » :
« Décolonisation complète non seulement des territoires, mais pire encore, des esprits qui doivent renoncer une bonne fois à considérer que les uns sont les inférieurs des autres parce qu’ils auraient reçu cette qualité de je ne sais quelle couleur de peau, religion ou autre. La France, c’est celle de la République, ou bien ce n’est rien. Et la République, c’est l’égalité absolue des êtres humains entre eux. »
Et c’est ainsi qu’on abat toutes les frontières, toutes les limites, toutes les hiérarchies, toute distinction, toute vérité… Mais là encore, le propos est mensonger. Car on peut disqualifier n’importe quel adversaire en le qualifiant de fasciste…
Deux petites choses pour montrer ce que suppose et ce qui sous-tend le discours mélenchonien.
Le grand remplacement de la famille
A propos de la famille, d’abord : Mélenchon évoquait, aux Rencontres des quartiers populaires, la « précarisation des couples, (…) nouveauté absolue dans l’histoire » :
« Un mariage sur deux se termine par un divorce. La moyenne, ça va rester 17, 18, 19 ans. Un enfant mineur sur trois a des parents séparés. Et alors ? Un jour, je dis ça une copine : “Je lui dis : mais le gosse il est petit là…” Et la copine, elle me répond, “eh bien tant mieux parce que, comme ça, on va pouvoir vivre peut-être dans plus de bonheur”. Les familles recomposées existent et ce sont des familles aimantes. Et nous y avons gagné des frères et sœurs les uns et les autres. Nous y avons gagné des familles. Nous y avons gagné des liens inexplicables dans l’ancienne génération. Oui, ça aussi, c’est la nouvelle France. C’est une autre manière de penser la vie et il faut l’accepter comme une source de bonheur et de construction plutôt que d’aller pleurnichant à répéter les traditions du passé qui elles, bien sûr, n’était que bonnes ! Discuter avec vos grand-mères et vous aurez une idée de ce que ça pouvait vouloir dire que la vie en commun, enfermée et obligatoire… »
La déconstruction de la France va de pair avec la déconstruction de la famille, c’est une seule et même logique. Mais contrairement à ce que dit Mélenchon, elle n’est pas une fatalité.
Mélenchon montre le lien entre communisme et écologie politique
Deuxièmement, le communisme : Mélenchon en a parlé à plusieurs reprises au cours de ces journées de Toulouse, directement ou indirectement. Il a déclaré :
« Vous avez tous compris, au moins une chose. Tous les logiciels du passé sont épuisés. Parfois, ça serre le cœur. Le logiciel communiste qui a justifié des mobilisations et des luttes incroyables, des dévouements et des sacrifices immenses s’est écroulé avec l’URSS. Et ceux qui en avaient la charge n’ont pas été capables de formuler quel était le renouveau de cette pensée. »
Jean-Luc Mélenchon s’en arroge la paternité :
« J’estime que nous l’avons fait à partir du moment ou adoptant l’écologie politique comme une des sources essentielles de notre propre pensée, nous avons commencé à dire regardez bien, vous autres, tous autant que vous êtes, pendant un siècle et demi, vous nous avez cassé les pieds en disant que l’égalité, ça n’existait pas parce qu’il y avait des petits, des grands, des gros, des mecs, des hommes, des femmes, etc., etc. Et que si nous, on essayait de faire un régime fondé sur l’égalité, ça serait forcément un régime contre la nature. Et donc un régime violent. A présent, la terre entière a compris que nous n’avons qu’un seul écosystème compatible avec la vie humaine, ce qui est le triomphe de l’idée de base du communisme, à savoir qu’il y a des biens communs qui ne peuvent pas être aliénés de manière particulière et appropriée. Et deuxièmement, que tous les êtres humains sont semblables. Je n’ai pas dit identiques, semblables par leurs besoins et donc semblables par le droit à satisfaire ses besoins. Voilà comment nous reformons la doctrine communiste… La social-démocratie prétend corriger les inégalités. Nous prétendons les abolir. »
Mais l’écologie politique, c’est précisément le discours adopté par les ex-dirigeants de l’ex-URSS au moment où l’empire communiste s’est écroulé… pour renaître, discrètement, dans l’écologisme et la défense de la « maison commune ». Mikhaïl Gorbatchev théorisait cela dans un petit livre publié en 1995 : The Search for a New Beginning (« A la recherche d’un nouveau commencement »). Il plaidait pour le « verdissement de la politique ». Mélenchon confirme que l’écologie politique marque le « triomphe de l’idée de base du communisme ».
Décidément, ses récents discours regorgent d’aveux. Encore faut-il vouloir les comprendre.