Grande coalition Merkel-Schulz : « Groko », ultima ratio du mondialisme

Merkel Schultz Grande Coalition Groko Mondialisme
 
Louis XIV faisait graver sur ses canons Ultima ratio regum : la guerre décide, quand les rois n’ont plus d’autre argument. De même le mondialisme à bout de solutions s’en remet-il à la grande coalition droite-gauche. En Allemagne, Merkel et Schulz s’accouplent dans la « Groko », l’équivalent de l’UMPS.
 
« Habemus Groko », titre le Huffington post dans sa version allemande. Cette référence à l’élection du pape (habemus papam) vise à dire que le conclave d’où est sortie la grande coalition entre le SPD de Martin Schulz et la CDU d’Angela Merkel et la CSU de ses alliés bavarois aura été long et pénible, avant que la fumée blanche ne mette un terme à quatre mois et demi de négociations tortueuses. L’Allemagne a depuis hier sinon un gouvernement, du moins une promesse de gouvernement, si la base gauchiste du SPD et la base droitière de la CDU et de la CSU ne renâclent pas trop fort.
 

Ni Merkel ni Schulz ne voulaient de la Groko

 
Des constatations d’évidence viennent immédiatement à l’esprit. D’abord, Angela Merkel ne voulait pas renouveler la Groko qu’elle formait avec le SPD de Martin Schultz dans la précédente mandature, avant les élections législatives de l’automne. Pour plusieurs raisons. L’une est personnelle : Martin Schulz l’avait traitée durant la campagne électorale « d’opportuniste sans idées, déconnectée du réel et qui menace la démocratie ». L’autre est politique : leur grande coalition fut un échec, la politique d’immigration que CDU et SPD ont pratiquée a échoué, braquant à la fois la base populaire fortement opposée aux migrants et les intellos maximalistes de la gauche. La troisième est électorale : le fruit de tout cela fut en septembre dernier un recul historique de la CDU à moins de 33 % et du SPD à moins de 21 %, du jamais vu depuis la seconde guerre mondiale. C’est pourquoi d’ailleurs la première carte jouée par Angela Merkel fut un essai de coalition avec les libéraux du FDP et les Verts. Mais le grand écart fut impossible entre les libéraux qui ne voulaient plus entendre parler de migrants et les Verts demeurés sur une ligne gauchiste.
 

Contre le populisme, Merkel et Schulz sont contraints à la Groko

 
Voilà pourquoi, si elle entendait demeurer chancelière, Angela Merkel était-elle réduite à tenter la Groko. Et Martin Schulz, qui avait commencé la campagne des législatives avec des airs de Tartarin, a pris un tel gadin qu’il n’avait pas une grande marge de manœuvre s’il voulait garder un avenir politique. Ici, une alternative : si Schulz avait voulu, selon un processus démocratique, satisfaire sa base, il devait refuser la Groko. Pas seulement parce qu’il avait insulté Angela Merkel, pas seulement parce que le SPD au pouvoir est obligé de renier ses grandes envolées gauchisantes, mais parce que la Groko est une machine à perdre. Beaucoup craignent d’ailleurs, au SPD mais aussi à la CDU et à la CSU, que la nouvelle mandature soit un nouvel échec et ne provoque une nouvelle poussée de l’AfD, l’Alternativ für Deutschland, le parti populiste allemand – qui est la bête noire du mondialisme. Mais précisément Schultz n’agit pas ici en mandaté des électeurs socialistes allemands, il agit en mandaté du mondialisme, et c’est pourquoi il a finalement opté pour la Groko.
 

Merkel, ultima ratio du mondialisme, obligée de continuer

 
Ici, il faut noter qu’Angela Merkel est le chouchou du mondialisme. Sa dernière mandature, qui apparaît un échec sanglant aux yeux du peuple allemand, est un succès total aux yeux du mondialisme. Elle a accueilli plus d’un million de migrants, elle maintient de chômage bas (5 %) et en même temps un immense volant d’emploi précaires qui pèse à la baisse sur les salaires, elle tient des propos corrects (« Ce n’est pas l’islam la cause du terrorisme, ce sont les chrétiens qui angoissent les musulmans avec l’islamophobie »). Et, si ce n’est plus un cheval très neuf (une grande partie des Allemands juge qu’elle a fait son temps et s’apprête à un mandat de trop), elle est la seule personne qui puisse éviter ce que craint par-dessus tout le mondialisme, le retour aux urnes immédiat, que la chancelière avait d’abord envisagé mais qui se traduirait par une victoire incontrôlable de l’AfD, l’insécurité ne cessant de croître outre-Rhin et la population étant à bout de patience au sujet des migrants, l’outrecuidance d’un Erdogan n’arrangeant pas les choses.
 

La grande coalition menée par ses extrêmes

 
Mais la question qui se pose aux tenants du mondialisme qui souhaitent « continuer comme avant », est : comment y parvenir sans provoquer aux prochaines législatives une vague populiste, ce qui équivaudrait à reculer pour mieux faire sauter le système ? La réponse est dans le sacrifice d’Angela Merkel (elle avait prévenu : « Je suis prête à d’autres concessions douloureuses ») et dans une Groko tirée à hue et à dia par ses extrêmes. Expliquons la chose : Angela Merkel aurait donné, selon la presse allemande, les ministères des affaires étrangères, de la justice, de la famille, des finances, au SPD. Martin Schulz peut ainsi se vanter auprès de sa base maximaliste d’avoir obtenu la plus surprenante panoplie de ministères importants, lui le vaincu écrabouillé des élections. Mais en même temps, très macronienne, Angela Merkel offrirait le ministère de l’intérieur à son allié de droite de la CSU, Horst Seehofer, avec autorisation de mener une politique de maîtrise des frontières conforme aux demandes de son parti.
 

Les contradictions d’une Groko au service du mondialisme

 
Cela veut dire beaucoup de choses. D’abord, en mettant une sorte de moratoire à l’afflux de migrants, Angela Merkel compte à la fois satisfaire la CSU et calmer les récriminations du peuple allemand, donc stopper l’hémorragie des électeurs vers l’AfD. En même temps, en abandonnant la justice et la famille aux socialistes, elle compte imiter François Hollande qui, bloqué par le contexte politique dans d’autres domaines, soumit la France à une révolution sociétale sous son mandat. Ensuite, on aura noté qu’elle n’a gardé pour son parti qu’un ministère régalien, la Défense. Mais cela est conforme à l’évolution des Etats, dans le cadre européiste voulu par la révolution mondialiste : le régalien quitte la nation, il est dévolu peu à peu, par des abandons de souveraineté successifs, à l’échelon continental. Enfin, Angela Merkel n’a fait aucune difficulté pour donner l’économie et les affaires étrangères au SPD. Dans le cadre de la Groko européenne, déjà installée au parlement européen, et en France à l’UMPS depuis les régionales de 2015 ou En Marche depuis la présidentielle de 2017, la politique étrangère est la même, qu’elle soit menée par un homme de gauche ou un homme de droite, et la politique sociale de marché est le credo commun.
 

L’épouvantail Hitler, ultima ratio du système

 
Toute honte bue, une Angela Merkel à bout de souffle, insultée et en perte de vitesse, et un Martin Schulz écrabouillé, contraint à faire équipe avec quelqu’un qu’il hait, ont obéi au mondialisme qui les commande pour former un gouvernement chargé de garder les frontières ouvertes aux biens et services, tout en restreignant, pour quelques mois au moins et en apparence, les flux de personnes. Le mondialisme a sauvé ses fesses. Mais les contradictions vont demeurer et même croître sous la pression des réalités. De deux choses l’une : ou le nouveau gouvernement va vraiment tenter de faire quelque chose pour arrêter l’invasion et rétablir l’ordre, et il se heurtera aux migrants eux-mêmes, aux associations, à la base gauchiste du SPD et des Verts, et ce sera la crise institutionnelle, ou pire. Ou bien Angela Merkel et Martin Schulz se contenteront d’apparences, et deux scénarios sont possibles : soit la CSU fait sécession, soit, aux prochaines élections, l’AfD fait un malheur. Dans ce dernier cas le mondialisme pourra agiter l’ombre de Hitler, qui est l’ultima ratio des roitelets de nos néo-démocraties.
 

Pauline Mille