Les autorités marocaines ont recensé environ 54.000 tentatives ratées de passage illégal en Europe entre janvier et août de cette année contre environ 64.000 tentatives pour toute l’année 2017. L’été dernier, Rabat a resserré la vis, après une période de relâche que certains affirmaient liée à la négociation d’un nouvel accord de pêche avec l’UE. Néanmoins, souligne un reportage sur place du Digital Journal publié ce 25 octobre, le problème des autorités marocaines est que les immigrants d’Afrique noire, ou Afrique subsaharienne, reviennent encore et toujours dans le nord du Maroc où opèrent les réseaux de passeurs. Ces immigrants clandestins (les « migrants », en novlangue) sont en effet très motivés, encouragés qu’ils sont dans leur entreprise d’émigration par le laxisme prévalant en Europe, et notamment depuis le printemps en Espagne. Ce pays a ainsi dépassé cette année l’Italie et la Grèce comme principale porte d’entrée vers le continent européen avec près de 42.500 « migrants » arrivés depuis janvier par voie de mer (chiffres de l’OIM au 17 octobre) et environ 6.000 par voie de terre dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, frontalières avec le Maroc.
L’Europe et l’Espagne entre discours d’accueil et lutte à reculons contre l’immigration illégale
La politique officielle d’ouverture du gouvernement de Pedro Sánchez n’y est certainement pas pour rien, même s’il prétend le contraire tout en commençant à se plaindre, comme le gouvernement italien, des renvois à chaud opérés en dehors de toute procédure à sa frontière nord par les policiers et les gendarmes français. Du reste, malgré ses déclarations et les pressions de la CEDH de Strasbourg, le gouvernement espagnol poursuit lui-même à sa frontière sud, à Ceuta et Melilla, la politique de renvois à chaud de Mariano Rajoy. Malgré leurs déclarations, les Espagnols ont d’ailleurs finalement fait appel de la condamnation des juges de Strasbourg concernant ce mode opératoire qui ne permet pas à l’immigrant clandestin de demander l’asile s’il se fait prendre au moment de sa tentative de passage illégal de la frontière. La coopération entre l’Espagne et le Maroc continue donc comme avant, et Rabat a annoncé lundi son intention de rapatrier dans leur pays les 141 « migrants » arrêtés la veille alors qu’ils prenaient d’assaut la clôture frontalière de Melilla. Ce jour-là, environ 200 immigrants illégaux ont réussi à passer, faisant douze blessés parmi les membres des forces de l’ordre espagnoles.
Le Maroc critique le rôle des ONG européennes qui encouragent et guident les clandestins
Madrid prétend néanmoins toujours démanteler les barbelés au sommet des clôtures de Ceuta et Melilla, tout en assurant que ces barbelés seront remplacés par d’autres systèmes de sécurité. Mais le Maroc pourrait bien finir par se lasser de ces contradictions entre politique d’accueil des pays européens et lutte contre l’immigration illégale. Au début du mois, dans un entretien avec l’agence de presse espagnole EFE, Kahlil Zerouali, le directeur de l’immigration et de la surveillance des frontières au ministère de l’Intérieur marocain, affirmait que le royaume chérifien « commence à être dépassé » par l’immigration clandestine à destination de l’Europe et il demandait « une implication permanente et durable » de l’UE dans le contrôle des frontières.
Zerouali assure que son pays a, entre septembre 2017 et août 2018, démantelé pas moins de 60 réseaux de migration clandestine sur son territoire, alors que le nombre de tentatives de passage illégal du Maroc vers l’Espagne aurait doublé en quatre ans. Comme le ministre de l’Intérieur italien Matteo Salvini, le Marocain met directement en cause l’action des ONG européennes et la « flotte d’ONG actives dans l’espace méditerranéen qui encourage et guide les migrants ». Critiquant ces ONG, Khalil Zerouali estime, à l’instar de Salvini, « que le trafic d’être humain n’est pas un acte charitable et a un but lucratif, car toute traversée est soutenue par un réseau de trafiquants ».