Le symposium sur l’« Extinction biologique » de l’Académie pontificale des sciences qui se tient du 27 février au 1er mars au Vatican se déroule à huis clos – chose éminemment suspecte étant donnée la personnalité pour le moins controversée de grand nombre des participants, comme nous l’avions écrit ici. Parmi eux, le plus connu est Paul Ehrlich, l’auteur de Population Bomb, qui a donné le ton dans un entretien accordé à The Observer quelques jours avant la conférence. Il a déclaré – les propos sont rapportés en style indirect – qu’une population mondiale d’environ un milliard d’hommes aurait un effet pro-vie généralisé.
« Avec un milliard d’hommes, on aurait une population durable pendant de nombreux millénaires, ce qui permettrait d’assurer la préservation de beaucoup plus de vies humaines sur le long terme par rapport à notre croissance actuelle incontrôlée, et la perspective d’un effondrement subit », rapporte encore The Observer en style indirect, dans un article mis en ligne sur le site du Guardian, quotidien britannique de gauche.
On ne saurait être plus clair. Paul Ehrlich, connu pour ses prédictions fantaisistes à propos d’une famine généralisée dans les années 1980 et pour son idéologie violemment malthusienne, plaide ainsi pour la disparition de près des sept huitièmes de l’humanité en associant à son appel une utilisation frauduleuse et mensongère du terme « pro-vie ». Pour arriver à une telle diminution de la population mondiale, en effet, il faut avoir recours à des mesures drastiques de contraception, de stérilisation, et d’avortement de masse, toutes choses auxquelles il est favorable.
Pliaul Ehrch invité à l’Académie pontificale des sciences
Présenter la culture de mort comme condition d’une politique « pro-vie » porte la marque du mensonge absolu. Mais cela s’inscrit parfaitement dans les systèmes philosophiques qui nient la valeur de l’individu, de la personne, pour décrire la vie comme un tout, une sorte de conscience universelle dont les êtres humains ne seraient que les expressions passagères destinées à s’y fondre dans une joyeuse indifférenciation panthéiste. Exit Dieu, exit l’âme…
L’invitation de Paul Ehrlich au Vatican a été vivement contestée par de nombreux catholiques mais la pétition de plus de 10.000 signatures recueillie par le site anglophone pro-vie LifeSite, envoyée à Mgr Marcelo Sanchez Sorondo, chancelier de l’Académie pontificale des sciences, n’a pas suscité la moindre réaction : le prélat n’a même pas accusé réception. Ehrlich était au courant et a déclaré à The Observer, à propos de la pétition : « Le pape n’a pas changé d’avis, cependant ».
L’article du Guardian, publié samedi dernier, donnait longuement et complaisamment la parole aux organisateurs de la conférence Biological Extinction. Comme une mise en paroles, présentée comme scientifique, du spectacle de lumière sacrilège Fiat lux projeté sur la basilique Saint-Pierre à Rome le 8 décembre 2015 où se succédaient des images d’espèces animales menacées et celles de l’homme prédateur et saccageur de la nature. Le symposium de l’Académie pontificale des sciences va beaucoup plus loin, présentant un catalogue interminable des catastrophes que l’homme inflige à la nature au point de déclencher « une extinction majeure ». Bien pire que la disparition des dinosaures !
Un milliard d’hommes, c’est tout ce que la Terre peut porter !
Dans le même article, l’économiste Sir Partha Dasgupta de l’université de Cambridge, lui-même fortement impliqué dans le mouvement contre la croissance de la population, remarque : « Nous devons détricoter les processus qui ont provoqué les maux auxquels nous somment aujourd’hui confrontés. C’est pourquoi les symposiums du Vatican font venir des scientifiques de la nature et des spécialistes des sciences sociales, ainsi que des universitaires travaillant dans le domaine des humanités. Le fait que les symposiums se tiennent à l’Académie pontificale est également symbolique. Cela montre que l’ancienne hostilité entre la science et la foi, au moins pour ce qui concerne la préservation des services de la Terre, a été neutralisée ».
Les vieux mythes anticatholiques ont la vie dure parmi les invités de l’Académie pontificale des sciences – et donc, quelque part, du pape. Leur point de vue s’exprime aisément : dans la mesure où la foi catholique demande le respect des exigences morales qui transcendent la science (« science sans conscience n’est que ruine de l’âme »…) l’Eglise est présentée comme obscurantiste. Rien de cela n’a changé.
Le professeur biologiste Peter Raven, du Missouri Botanical Garden, s’est lui aussi exprimé de manière alarmiste dans le quotidien britannique : « Avant le début du siècle prochain, nous serons confrontés à la perspective de perdre la moitié de la vie sauvage. Et pourtant, nous dépendons du monde vivant pour notre propre préservation. Cela fait très peur. Les extinctions à venir constituent une menace encore plus grande pour la civilisation que le changement climatique – pour la simple raison qu’elles sont irréversibles ».
Paul Ehrlich au Vatican ? Ca suffit !
Dasgupta a pour sa part souligné que selon les statistiques de l’ONU, la population mondiale passera de 7,4 milliards actuellement à 11,2 milliards d’ici à 2100. L’essentiel de la croissance de la population affectera l’Afrique où les taux de fertilité restent deux fois plus élevés que la moyenne mondiale. « Cette population passera probablement d’un milliard aujourd’hui à environ 4 milliards. Pouvez-vous seulement imaginer les tensions qui en résulteront, spécialement avec le changement climatique à venir et qui touchera ce continent bien plus qu’ailleurs ? Que pensez-vous qu’il arrivera lorsque les régions arides s’étendront, et que 100 millions d’Africains tenteront de traverser la Méditerranée à la nage ? C’est terrifiant ! »
Ça, c’est s’il reste encore des hommes – Ehrlich, incorrigibles prophètes de malheur, prévoit pour la fin de notre siècle l’effondrement de la civilisation – avec « quelques centaines de survivants » tout au plus.
Eh oui, comme le discours sur le climat, celui des anti-populationnistes joue sur les peurs et les annonces d’une Apocalypse sans Dieu – et peu importe qu’elles ne se réalisent pas, comme les prédictions charlatanesques de Paul Ehrlich…
Il faut préciser que celui-ci déclarait encore, à la fin de 2015, que l’appel du pape François à agir contre le changement climatique dans Laudato si’ ne serait qu’un « délire fou » tant que le chef de l’Eglise rejetterait le recours au contrôle de la population, comme il l’a fait effectivement dans l’encyclique. Que Paul Ehrlich soit aujourd’hui invité au Vatican ne signifie pas explicitement que le pape lui donne raison. Mais au scandale de cette invitation s’ajoute l’absence de mise au point. Que dirait-on d’une Eglise donnant la parole à un nazi partisan de l’extermination des Juifs ? Qu’est-ce que l’avortement sinon une extermination de masse d’êtres humains sans défense ? Qu’est-ce que la dénonciation de l’homme comme prédateur de la nature alors que Dieu lui-même lui a demandé de croître et de multiplier, et aussi de la dominer ?