Le tandem Retailleau-Darmanin est la vitrine du gouvernement pour rassurer les Français avides de sécurité. Le premier flic de France et le garde des Sceaux sont présentés comme des hommes de conviction et de fermeté dans un océan d’hésitation et de mollesse. C’est pourquoi l’information sur une initiative scandaleuse de Nicole Belloubet, ministre de la Justice en 2018, vient de fuiter dans la presse, avant que Darmanin ne la suspende. Voici la chose : l’administration pénitentiaire, a installé dans près de 16.000 cellules où vivent 23.000 prisonniers autant de tablettes Samsung flambant neuves. Le but de cette opération « Numérique en détention » était de « permettre aux détenus d’organiser leur vie en prison, sans devoir systématiquement passer par les gardiens », ce qui est censé alléger la charge mentale et de travail de ceux-ci. Selon l’administration pénitentiaire, « les tablettes sont reliées à un réseau sécurisé et sont encastrées dans des sarcophages inviolables ». Un luxe de précautions qui explique le prix de la chose : si l’on divise 125 millions par 23.000, cela met la tablette Samsung sécurisée et encastrée à plus de 5.000 euros la pièce ! Mais ces précautions coûteuses se sont avérées inutiles. Un détenu assure que les tablettes sont « fixées au mur de la cellule avec des rivets en métal » mais qu’on peut les « décoller ». Pour débloquer les verrous limitant son usage, « il suffisait de les réinitialiser, en appuyant en même temps sur le bouton power et le bouton volume ». Un autre qui se fait appeler « rotation_59 » sur TikTok, a trouvé le moyen de se connecter à Internet. Il en a fait un tutoriel qu’il vend 50 euros à ses camarades. Certains se vantent sur les réseaux sociaux de jouer en ligne et regarder des films. L’administration ne s’inquiète pas pour ses tablettes : « Si des détenus les détériorent, ce sont eux qui paieront. » Les gardiens, déjà débordés par la chasse aux portables, ne partagent pas ce bel optimisme : « Avec le numérique en détention, on a apporté une solution à un problème qui n’existait pas et on s’est ajouté d’autres problèmes. » L’initiative tablettes de Nicole Belloubet a été expérimentée en 2022 et généralisée depuis 2023. L’information est remontée au nouveau garde des Sceaux qui a décidé un moratoire sur la chose, gelé les crédits restants et ordonné un audit dont on attend les conclusions dans quinze jours. Un tout petit pas vers le bon sens, mais, pour l’instant, le dispositif n’est pas annulé.