Miss Sloane est le nom d’un personnage principal, au cœur d’une intrigue complexe. Miss Sloane, trentenaire avancée, est devenue une vedette de l’art du lobbying, c’est-à-dire de la manière subtile et occulte de faire avancer ou de bloquer des textes législatifs au Congrès américain. Le lobbying use souvent de pressions morales ou, officiellement, propose de simples dossiers d’informations aux députés. Ce métier, une tradition aux Etats-Unis, est très réglementé. Si ces lobbyistes disposent d’un certain pouvoir, ils ne peuvent pas, heureusement, contraindre députés et sénateurs ni aller contre les tendances lourdes de l’opinion publique.
 
C’est pourtant le défi qu’entend relever Miss Sloane, piquée par une offre du lobby de l’armement, qu’elle estime humiliante… Alors, elle effectuera une action de lobbying pour la cause contraire, jugée perdue par excellence aux Etats-Unis, celle d’une loi visant à la restriction du commerce des armes à feu. Cette loi réglementerait le commerce des armes, interdisant leur vente totalement libre, sans aucun contrôle de l’acheteur et de ses éventuels antécédents judiciaires ou psychiatriques… Ce qui pourrait paraître raisonnable en France ne l’est pas du tout aux Etats-Unis. Le lobby dominant du droit à l’armement individuel est la célèbre NRA, dont le soutien peut être absolument essentiel aux congressistes en bien des circonscriptions américaines, en particulier dans les comtés marqués par la ruralité. Le droit absolu à posséder une arme individuelle est une tradition culturelle fondamentale aux Etats-Unis, et même un droit constitutionnel. Miss Sloane insiste dans sa campagne sur le fait qu’il ne s’agirait pas d’interdire à tout citoyen honnête d’être armé, mais de compliquer un peu la tâche des criminels et des fous ; ce discours ne passe pas partout, et, dans la réalité, toute la droite américaine sait qu’il ne s’agit que d’une première étape pour désarmer totalement les citoyens, les laisser sans défense face à un Etat totalitaire et se conformer aux directives de l’ONU qui exigent un désarmement complet de tous les individus sur l’ensemble de la planète. Un pouvoir mondial totalitaire ne saurait souffrir d’être menacé par des citoyens armés. Le film rend compte des controverses très présentes aux Etats-Unis sur de tels projets de loi. Le président Obama n’avait pas réussi à imposer des restrictions semblables à celles souhaitées par Miss Sloane… L’agitation médiatique à ce sujet est bien rendue dans le film, avec l’exploitation sans vergogne des faits divers tragiques, dans les deux sens, avec les trop réels massacres accomplis dans les écoles d’un côté – qui auraient eu lieu en tout état de cause, les armes étant d’un accès facile même en France – et les cas de citoyens lambdas armés qui ont sauvé des vies en abattant eux-mêmes des criminels de l’autre.
 
L’essentiel du travail des lobbyistes s’effectuerait dans les coulisses. Dans l’ombre seraient menées des actions guères reluisantes, y compris pour des causes présentées comme bonnes. Miss Sloane n’est pas un personnage particulièrement bon ou sympathique. L’intérêt du film y gagne. Si on peut reprocher au film de prendre parti pour une cause apparemment bonne mais fondamentalement totalitaire, ainsi que quelques outrances, il nous a paru, dans son ensemble, bon, et remarquablement bien interprété par Jessica Chastain dans le rôle principal.
 

Hector JOVIEN