Bientôt près de Moscou : un « village américain » pour immigrés conservateurs

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Le début des travaux est prévu pour 2024 : un « village américain » sortira de terre dans la région de Moscou pour accueillir 200 familles, selon un avocat spécialisé dans les affaires d’immigration, Timur Beslangurov. Réservé aux immigrés conservateurs venant des Etats-Unis et du Canada, l’entreprise vise un public de « chrétiens orthodoxes qui, pour des raisons idéologiques, souhaitent s’installer en Russie », a-t-il déclaré lors du XI’ Forum juridique international de Saint-Pétersbourg qui s’est tenu sur quatre jours la semaine dernière sous les auspices du ministère russe de la Justice.

Placé sous le signe de la « multipolarité », mot-clef de la pensée officielle russe actuelle, le Forum a reçu l’encouragement de Vladimir Poutine à travers un message appelant au « respect de la souveraineté des nations » qui constituera une « fondation solide pour un monde multipolaire plus démocratique et plus juste dont on voit l’émergence ».

 

Des immigrés conservateurs fuyant l’idéologie du genre

Dimitri Medvedev, vice-président du Conseil de sécurité russe, est venu sur place, et le ministre des Affaires étrangères est intervenu par visio-conférence : c’est dire l’importance de cette rencontre et son parfait alignement sur la politique de la Fédération de Russie. 54 pays et territoires étaient représentés par 3.800 participants, tous d’accord pour rechercher une « régulation juridique de la crise géopolitique en cours » – et surtout, pour dénoncer l’approche occidentale. Dialectique toujours !

Les 200 familles attendues en Russie apparaissent dès lors comme des cautions de la politique nationale et internationale du pays hôte. Selon l’agence Ria Novosti, partenaire du Forum, les futurs « colons » financent ce projet qui n’attendait plus que l’approbation du gouvernement régional. C’est aujourd’hui chose faite, a annoncé l’avocat.

Timur Beslangurov assure que « des dizaines de milliers de personnes aimeraient s’installer en Russie – des étrangers sans racines russes ». Ceux-ci cherchent à échapper à l’endoctrinement « radical » : « Aujourd’hui, ils ont 70 genres, et on ne sait pas ce qui s’y ajoutera demain. De nombreuses personnes normales émigrent, y compris en envisageant la Russie, mais doivent alors faire face à d’énormes problèmes bureaucratiques du fait de la législation russe sur l’immigration. »

 

Le village américain de Moscou sera peuplé de lecteurs de propagande russe

Selon lui, on compte parmi les candidats des catholiques traditionnels qui « croient très fortement à la prophétie selon laquelle la Russie restera le seul pays chrétien au monde ».

Cette prophétie est fortement promue par nombre de sites russes, comme ceux liés à l’oligarque orthodoxe Konstantin Malofeev et au philosophe gnostique Alexandre Douguine, et s’accompagne de la propagande en faveur de « Moscou, troisième Rome », qui aurait recueilli en quelque sorte l’héritage légitime de la religion chrétienne face à un Occident décadent, désormais soumis au libéralisme. Outre que ce « libéralisme » relève plutôt du marxisme culturel qui exploite de multiples formes de « lutte des classes », cette vision de la Russie passe sous silence l’hostilité de l’orthodoxie historiquement césaropapiste à l’égard de la religion catholique. Elle oublie aussi à quel point la « multipolarité » sert un relativisme assumé, chaque région du monde devant pouvoir laisser s’épanouir sa propre « idéologie », ses propres croyances : islam, religions chrétiennes, hindouisme, bouddhisme y sont sur le même plan.

Il n’est pas sûr du tout que la création d’un ghetto christiano-américain comble sur le long terme les candidats à la Russian way of life, surtout à un moment où les Etats-Unis, dans un nombre non négligeable d’Etats, connaissent une certaine réussite politique de ceux qui rejettent la culture de mort et le wokisme d’inspiration marxiste, dans un cadre de liberté.

 

Jeanne Smits