Narendra Modi fait la promotion de la 10e Journée internationale du yoga

Narendra Modi Journée yoga
 

Dans le contexte sa victoire relative aux élections en Inde, qui a contraint Narendra Modi à des alliances pour pouvoir entamer un troisième mandat consécutif de Premier ministre, l’homme politique a cédé le pas devant le promoteur du yoga. Son compte X le montre certes soucieux de remercier les leaders mondiaux de leurs félicitations via le même réseau social, mais privilégie ses appels à célébrer dans le monde entier la « Journée internationale du yoga » qui aura lieu le 21 juin. Il faut bien comprendre qu’il s’agit d’une spiritualité – des plus discutables du point de vue de la foi chrétienne – qui est promue par ce biais ; et non une technique de maintien en forme de la forme physique. Si ce n’était que cela, on ne serait certainement pas confronté à un tel prosélytisme de la part d’un chef d’Etat !

Non, c’est l’hindou qui parle : Narendra Modi veut répandre une pratique capable d’instaurer « l’unité et l’harmonie », ce qui ne manque pas de sel de la part du leader d’un pays traversé par les confrontations religieuses, aussi bien avec les musulmans qu’avec les chrétiens – on pense à la persécution des chrétiens au Manipur.

 

Narendra Modi, mal réélu mais toujours aussi enthousiaste pour la Journée du yoga

Vu de gauche, le voici en effet critiqué dans une tribune publiée par le média qatari Al Jazeera : Sheena Sood, enseignante de yoga basée à Philadelphie, accuse Modi de masquer derrière son prosélytisme un « programme de violence étatique ethno-nationaliste » et une « islamophobie » qui irait de pair avec des alliances et des partenariats militaires « bellicistes », « avec des Etats comme Israël, la France et les Etats-Unis ». « Islamophobe », la France ? A d’autres !

L’avis est plutôt manichéen, vu que l’Inde est aussi fortement impliqué dans l’alliance informelle du « Sud global » avec la Russie, de manière plus institutionnelle dans le groupe des BRICS, mais on aura compris l’essentiel : le yoga de Modi n’est pas à la hauteur de la pratique.

Le 11 juin, Modi a fait des déclarations en vue de la 10e Journée internationale du yoga dont il est lui-même à l’initiative, lui qui en réclama la mise en place lors de son premier mandat comme Premier ministre et sa première intervention à l’ONU en 2014. La première édition eut lieu en 2015, accompagné de rassemblement publics géants à travers le monde avec la participation de Ban Ki-moon, alors Secrétaire général. Nous notions à l’époque que l’ONU se mettait ainsi ouvertement à la remorque d’une spiritualité panthéiste qui provoque moult mises en gardes de la part de responsables catholiques sérieux, et en particulier des exorcistes.

En réponse au plaidoyer de Modi à l’ONU en 2014, les pays membres avaient accédé à sa demande en affirmant qu’une « nouvelle ère » commençait, pour entraîner l’esprit humain vers de nouveaux sommets de paix et d’harmonie.

 

La Journée internationale du yoga promet une paix et une harmonie incertaines

La suite leur a donné tort – il suffit de regarder autour de soi – mais on sait bien qu’une telle promesse fondée sur une spiritualité qui n’est pas ancrée sur Dieu mais plutôt sur soi, et qui cherche à vider les esprits de leur individualité pour se fondre dans le grand tout, repose sur le néant.

Cette année, Narendra Modi a publié une série de courtes vidéos réalisées au moyen de l’intelligence artificielle pour promouvoir différentes poses ou « asanas », présentées par une version virtuelle de sa personne, avec de courtes explications sur leurs supposés bienfaits. Soyez en paix : Narendra Modi se préoccupe de votre force musculaire, de votre santé cardiaque et même de votre transit intestinal, tout en promettant la paix, l’harmonie et le bien-être global. Faites un pont de votre corps, respirez et expirez calmement, le monde en sera changé !

En des époques moins politiquement correctes, on aurait hurlé au charlatanisme…

Mais l’affaire est plus grave qu’une simple promesse de bonheur universel à coups de poudre de perlimpinpin ou d’une dizaine de poses plus ou moins probables. Narendra Modi parle de « sanctuaire de calme », de « transcender les frontières culturelles et géographiques », de l’« unification de millions de personnes à travers le globe à la recherche d’un bien-être holistique », dans un torrent d’expressions « new age ».

La 9e journée internationale du yoga, l’an dernier, avait mis en évidence le fond du problème, lorsque Modi avait participé à un grand rassemblement dans les jardins des Nations unies où une foule avait réalisé les exercices proposés sur fond de slogans mondialistes.

 

La Journée internationale du yoga de Narendra Modi, rendez-vous annuel de la spiritualité globale

Nous écrivions alors : « La dimension spirituelle du yoga – puisque le yoga est très loin d’être une simple technique d’assouplissement et de détente – est apparue clairement. Le film de l’événement, mis en ligne sur le site de l’ONU pour permettre au monde entier de suivre, présente l’intérêt de ne pas seulement montrer la séance elle-même, mais aussi l’arrivée des participants. Entre deux messages publicitaires pour l’Inde, le réalisateur a diffusé son fond d’écran portant les titres « Full Prayer – End », et « Full Prayer – Start » (« prière complète – début – fin ») pour les fichiers d’images diffusées pendant la séance. On y voit des personnes dans la position du lotus, sans doute en pleine méditation. »

A la même occasion, le président de l’Assemblée générale des Nations unies, le Hongrois Csaba Kőrösi, vantait le yoga et son « code éthique ». Puis ce fut le tour du maire de New York, Eric Ada : « Nous ne sommes plus focalisés seulement sur le corps physique, mais sur l’anatomie de l’esprit. » Il faut faire dans la vie de tous les jours ce qu’on fait sur son tapis de yoga, dit-il, se « connecter » aux communautés, « combattre la guerre, l’oppression de genre, la violence, le manque d’eau propre, l’insécurité alimentaire, la destruction de notre planète ». Et d’ajouter : « Nous avons deux mères, celle qui nous a donné naissance et celle qui nous fait subsister, le yoga nous relie aux deux mères et nous relie entre nous. »

C’est une religion que faisait mettre en œuvre Narendra Modi, avec l’approbation des instances supranationales, et il continue. Où toutes les poses sont permises, sauf celle qui consiste à se mettre à genoux devant le vrai Dieu, Un et Trine.

Que de bienfaits, pourtant, sont attachés à cette adoration en esprit et en vérité.

 

Jeanne Smits