Quand le “New York Times” célèbre les communistes américains

New York Times célèbre communistes américains
1947, Une salle emballée par le discours d’Eugene Dennis, chef de longue date du Parti communiste aux États-Unis.

 
Qui a dit que le communisme était mort ? Alors qu’il sévit toujours ouvertement dans de nombreux coins de la planète – à commencer par l’une des plus fortes puissances commerciales au monde, la Chine – il reste idéologiquement acceptable dans les grands médias, et le devient même de plus en plus. Passées la chute du Mur et la perestroïka, on le réhabilite finalement à grands pas, comme en témoigne le score électoral non négligeable d’un Mélenchon en France. Aux Etats-Unis, le prestigieux New York Times publiait il y a quelques jours un article célébrant les communistes américains du XXe siècle. Selon le quotidien, leurs convictions ont donné à l’Américain moyen « un sens de sa propre humanité ».
 
Facilitateurs politiques, inspirateurs des classes moyennes, gens de conviction et d’amour pour le petit peuple, les communistes sont ainsi présentés comme une force positive pour la société. Il ne s’agit même pas de célébrer les communistes d’aujourd’hui (même s’ils le sont indirectement et par ricochet), mais au temps où le communisme tuait et tuait encore, faisant au moins 100 millions de victimes répertoriées au cours du XXe siècle.
 
Sous le titre « Lorsque le communisme inspirait les Américains », l’article du New York Times qualifie le communisme de religion appuyée sur un « mythe fondateur » qui a aidé « les classes moyennes éduquées » à trouver leur place dans la politique nationale. Le communisme, une religion ? C’est plutôt une anti-religion refusant tout dogme et toute vérité au nom de la praxis. La Révolution permet tout, autorise tout, justifie n’importe quel mensonge. Et elle nie Dieu. Mais le communisme a bien une dimension messianique, qui reste semble-t-il d’actualité.
 

Les communistes américains, des agents de civilisation…

 
L’auteur de l’article, Vivian Gornick, raconte comment sa propre mère exprimait sa reconnaissance à l’égard des communistes en leur attribuant la réussite de la république américaine. Un tableau tout rose où manque la moindre référence aux ravages du communisme dans tous les pays qu’il a touchés. Et ses victimes massacrées par millions ? Elles sont absentes aussi. A peine une brève mention de l’Union soviétique vient-elle rappeler une miette de cette vérité et de ce bilan abominables.
 
Mais il est vrai que le New York Times est historiquement au nombre des « quotidiens de référence » qui ont minimisé les atrocités du communisme et encensé ses leaders et ses combattants. Au fond, rien ne change.
 
Vivian Gornick écrit ainsi qu’elle a grandi dans un foyer « progressiste », où les communistes « parlaient et pensaient à l’intérieur d’un cadre qui leur a permis de s’élever, à partir de l’obscurité anonyme et sans visage où ils étaient nés, en leur donnant la conviction qu’ils avaient des droits aussi bien que des obligations ».
 
« Ils n’étaient pas seulement les déshérités de la terre, ils étaient des prolétaires avec leur propre mythe fondateur (la Révolution russe) et une vision du monde civilisatrice (le marxisme) », ose-t-elle écrire, encensant « l’autorité morale » du parti communiste.
 
Et de reprendre l’autocritique de l’Union soviétique à l’égard de Staline à son compte. A ce titre, Vivian Gornick n’est pas sur la ligne russe actuelle, qui dénonce certains aspects de la révolution bolchevique de 1917 pour mieux réhabiliter le « petit père des peuples » et saluer son bilan patriotique de re-moralisation de la société soviétique, ainsi que son rôle dans la Seconde guerre mondiale. Et ce quitte à justifier les purges et les atrocités qu’il a commises, dans la droite ligne de l’héritage marxiste-léniniste.
 

Comme au XXe siècle, le “New York Times” célèbre le communisme

 
Gornick présente au contraire les communistes – les communistes américains en tout cas – comme de « vrais croyants incapables d’affronter la corruption de l’Etat policier au cœur de leur foi, alors que même un enfant de trois ans aurait pu voir qu’il se dévorait lui-même vivant » ; elle regrette simplement leurs réactions face aux aveux des dirigeants de l’URSS à la suite de la mort de Staline.
 
Ainsi le New York Times présente un communisme édulcoré, réduit au rôle de tendance à la mode propre aux Blancs américains au XXe siècle, une idéologie hors sol qui ne traînerait pas l’abominable bilan qu’on lui connaît.
 
Breitbart rappelle que ce communisme « souriant » est précisément celui qui a été mis en avant et, bien sûr, inventé de toutes pièces par le New York Times. Celui-ci a adopté ligne de négation les purges stalinistes, ce qui lui avait d’ailleurs valu, à l’époque, le prix Pulitzer. On se souviendra de son correspondant à Moscou pendant les années 1930, Walter Duranty, niant frontalement qu’il n’y eût jamais une famine génocidaire en Ukraine, jusqu’au moment où la réalité devenait impossible à cacher. A ce moment-là, il écrivit : « On ne peut faire une omelette sans casser des œufs ».
 
Une même couverture mensongère de la révolution castriste devait suivre dans les années 1960.
 
C’est un tour d’esprit qui est loin d’avoir disparu, de même que le communisme et le marxisme-léninisme existent toujours, sous des formes qui changent – mais cela n’est pas un problème pour une pensée révolutionnaire fondée sur la dialectique et le refus de la vérité.
 

Anne Dolhein