Par 61,31 % des voix, les Grecs ont dit « non » aux propositions des créanciers internationaux d’Athènes lors d’un referendum qui, ces dernières semaines, ces derniers jours, aura alimenté toute l’incertitude politique sur laquelle repose l’Union européenne. Un « non » massif dans son opposition immédiate à Bruxelles, mais dont on a sans doute tort de croire, comme veulent le penser les eurosceptiques de tous bords, qu’il incarne une opposition, voire une rupture avec l’Europe économique et politique édifiée depuis plusieurs décennies.
Selon donc les résultats définitifs fournis par le ministère grec de l’Intérieur, le « non » l’a emporté par 61,31 % des voix contre 38,69 % de « oui ». Avec cette précision que la totalité des districts électoraux s’est prononcée pour le « non ».
La satisfaction des Grecs qui ont rapidement afflué sur la place Syntagma, dans le centre d’Athènes, faisait plaisir à voir. Il y avait là des milliers de gens disant leur joie d’avoir vu la démocratie l’emporter sur l’idéologie, et le bon sens sur l’austérité. Beaucoup de jeunes, la majorité des bulletins « non » ayant été glissée dans l’urne, selon un sondage, par la tranche des 18-34 ans.
Un « non » massif au referendum grec
Bien ! Mais qu’en est-il en réalité ? A quoi se résout ce scrutin présenté comme une opposition majeure, catégorique entre la Grèce et l’Europe ? Le premier ministre Alexis Tsipras l’a très clairement indiqué en félicitant cette majorité de Grecs qui l’ont suivi : « Vous avez fait un choix très courageux. (…) Le mandat que vous m’avez confié n’est pas un mandat de rupture avec l’Europe, mais un mandat qui renforce notre position de négociation afin de chercher une solution viable. »
De son côté, Yanis Varoufakis a lancé : « Le non est un outil pour tendre la main à nos partenaires. (…) Le non au referendum est un grand oui à la démocratie. » C’est beau comme l’antique – surtout à Athènes…
Peu après, ou plutôt ce matin, le ministre des Finances démissionnait, afin que ses relations tumultueuses avec les partenaires européens ne viennent pas entacher les nouvelles négociations qu’Alexis Tsipras veut leur imposer.
Alexis Tsipras prolonge l’incertitude politique
En réalité, les Grecs, qui ont pu croire voter contre l’Union européenne, sont trahis par leurs chefs dont l’idéologie s’accommode parfaitement de la construction européenne, si leur porte-monnaie souffre des modalités de son application. Il n’y a qu’à voir, pour s’en convaincre, les réactions des Mélenchon et autre Podemos. Pour se convaincre aussi que la réaction épidermique de Marine Le Pen n’a aucun fondement.
Tout est à peu près dit, et le reste est littérature…
Oh ! bien sûr, l’incertitude demeure. Jusqu’à un certain point. Car, à moins que les Européens soient assez stupides pour maintenir le couteau sur la gorge du gouvernement grec, le « Grexit » demeurera une marionnette tout juste bonne à faire peur aux enfants !
Angela Merkel et François Hollande l’ont bien compris, qui ont aussitôt, après s’être concertés tout de même, déclaré qu’ils respecteraient le vote grec. Cette bonne blague ! Il aurait fait beau voir qu’ils déclarent ne pas vouloir respecter la démocratie ! Pour le reste, on continuera comme auparavant, quitte à moduler un peu le discours…
Si Angela Merkel, soutenu par François Hollande, essaye de montrer un peu de souplesse, son ministre de l’Economie, Sigmar Gabriel, estiment « difficilement imaginables » de nouvelles négociations. Une opinion soulignée par Moscou qui veut voir dans le « non » grec un pas important vers la sortie du pays de la zone euro… et un rapprochement, bien évidemment, avec la Russie.
Le chemin étroit d’Angela Merkel
L’assouplissement visible d’Angela Merkel a plusieurs raisons. Parmi lesquelles on peut notamment retenir sa volonté de ne pas endosser la responsabilité d’être le dirigeant politique qui aurait fait imploser l’Europe ; mais aussi de recadrer, sous la menace de suivre le délicat chemin grec, les pays les plus endettés de l’Union, à commencer par… la France, qui croule sous des déficits autrement plus impressionnants que ceux de la Grèce.
Pour l’heure, les réunions, rencontres, coups de téléphone vont se multiplier à un rythme effréné pour tenter de parvenir à une solution viable. Tant pis si les traités européens ne sont pas respectés à la lettre ; tant pis si les critères de Maastricht ont un peu plus de plomb dans l’aile… Car, si la Grèce, d’une façon ou d’une autre, saute, la réaction en chaine, quoi qu’en disent aujourd’hui les politiques avisés qui croyaient avoir tout prévu, risque d’atteindre jusqu’à Bruxelles.
En attendant, il va falloir réfléchir aussi aux moyens d’expliquer à ceux qui n’ont pas eu la pression d’un referendum en leur faveur pourquoi la Grèce va bénéficier, dans une mesure dont nous connaîtrons la réalité dans les jours à venir, de facilités. Des facilités dont il n’est pas sûr que les Grecs qui ont voté « non » apprécient beaucoup la mise en œuvre…