Le remède miracle de l’OCDE pour faire rétablir la croissance : l’éducation

Le remède miracle de l’OCDE pour faire rétablir la croissance : l’éducation
 
« Bénéfices énormes », « énorme vivier de croissance », « milliards de dollars »… le chaudron rempli d’or que le monde cherche vainement au pied de l’arc-en-ciel serait à notre portée, à en croire l’OCDE qui promet monts et merveilles à la planète entière pourvu que l’éducation sache faire acquérir enfin aux jeunes des pays riches et moins riches les « compétences et savoirs fondamentaux ». Lire, écrire, compter, en somme. On croirait entendre les promesses qui ont précédé l’avènement de l’euro…
 
Angel Gurria, secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économique, a tenu ces propos lors d’une présentation à Berlin du rapport que l’OCDE vient de consacrer au sujet. 110 pages pour parler des Compétences élémentaires universelles – ce que les pays ont à gagner.
 
Il est donc bien question des apprentissages de base : celles que les enquêtes PISA évaluent régulièrement chez les élèves de 15 ans. Evaluation de savoirs très rudimentaires, précisons-le tout de suite : elle ne porte pas, globalement, sur la compréhension fine et sanctionne des modes d’apprentissage qui ne la facilitent pas et n’y font pas appel.
 

Rétablir la croissance dans l’OCDE en augmentant la scolarisation des 16-29 ans

 
L’OCDE s’en prend aux exclusions liées à la déscolarisation : les 39 millions de jeunes de 16 à 29 ans (sic) qui abandonnent les études dans le sud de l’Europe par exemple ; une statistique qu’Angel Gurria relie aux crises qui ont plus durement frappé ces pays-là. Un sur deux, affirme-t-il, ne recherche même plus de travail.
 
Comme si les bulles immobilières, les emprunts publics délirants et surtout la dénatalité n’étaient pas au cœur des difficultés économiques !
 
L’OCDE constate encore que 10 % des élèves ont un niveau d’alphabétisation bas et 14 % ont de mauvaises aptitudes en calcul. Aux Etats-Unis, ce sont 24 % des jeunes qui échouent aux tests fondamentaux de PISA. Elle vise – pour 2030 – un monde où chaque élève atteindrait la « maîtrise de ces compétences de base ». Aux seuls Etats-Unis, cela se traduirait par des revenus supplémentaires de 27 milliards de dollars tandis que l’ensemble des pays riches verraient leur PIB augmenter de 3,5 % s’ils faisaient les « efforts » (traduisez : les dépenses) nécessaires en matière d’éducation.
 
Pour les pays pauvres, les bénéfices seraient encore plus grands : si les élèves parvenaient à maîtriser les compétences de base, le Ghana pourrait tripler son PIB tous les quatre ans pendant la vie professionnelle de ces élèves, annonce Gurria. Rêve de technocrate…
 
La fin de la « marginalisation des plus faibles » grâce à l’éducation sonnera-t-elle vraiment la fin de l’incapacité des progrès technologiques à produire de la croissance, comme le dit l’OCDE ?
 

Un remède miracle du genre poudre de Perlimpinpin : c’est l’éducation imposée par les organismes internationaux qui a créé le désastre !

 
Qu’il nous soit permis d’en douter. Les pays où les jeunes quittent le système scolaire sans savoir lire ni écrire sont bien souvent des jeunes qui ont passé quelque 10 ans au moins dans des classes où d’année en année, on fabrique toujours autant d’illettrés tout en multipliant des réformes qui ne produisent pas le moindre effet, sinon celui d’assurer un pourcentage toujours aussi effarants de jeunes noyés face à l’écrit. Effet qui, soyons sérieux, est parfaitement connu et maîtrisé : les pédagogies qui le produisent sont toujours les mêmes et elles sont bien répertoriées. Elles se répètent de pays en pays avec plus ou moins de violence ; elles s’installent en Afrique qui en était relativement préservée, sous la houlette des organisations internationales… De qui se moque-t-on ?
 
A quoi il faut ajouter que dans un contexte de robotisation croissante et de vieillissement des populations, on annonce dans les pays développés que les gros viviers d’emploi de demain seront les services à la personne, les professions des soins, quantité de professions ancillaires qui n’exigent pas d’études poussées…
 
A quoi il faut ajouter aussi la complainte de bien des employeurs aujourd’hui : les jeunes n’ont pas l’habitude des exigences, de l’effort, des horaires, de la parole donnée… Sans doute est-elle vieille comme le monde, cette exaspération des vieux vis-à-vis des jeunes, mais le fait est que la stabilité professionnelle n’est pas le fort des enfants élevés derrière des écrans.
 
Alors il faut bien admettre qu’il y a de l’idéologie derrière les belles perspectives dessinées par l’OCDE. L’idée que l’éducation (et de préférence l’éducation publique sans doute) est capable de régler tous les problèmes de la société, alors que l’éducation a été si largement vidée de son sens et confisquée aux familles. Ce n’est pas un hasard si Angel Gurria a terminé sa présentation du rapport en insistant sur la nécessité d’une « éducation pré-primaire de haute qualité ». Ce sont les tout petits qu’on vise, comme dans tous les totalitarismes cohérents.
 

Anne Dolhein