La mort de la vie privée, jusque dans la finance : la preuve par les Panama Papers

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L’éditorialiste Jeremy Warner du Telegraph de Londres publie ce vendredi une mise en garde contre l’omniprésence de la surveillance. On peut s’irriter en effet de l’omniprésence des caméras publiques – elles sont partout au Royaume-Uni et de plus en plus présentes en France. Mais aujourd’hui, ce sont les Smartphones et autres engins électroniques qui mettent la vie privée de chaque individu à nu à travers la puissance d’Internet. A des fins commerciales, évidemment. Mais l’affaire des Panama Papers, souligne-t-il, montre qu’un domaine jusqu’ici relativement épargné, celui de la finance, est en passe de subir le même sort que tous les autres aspects de la vie : le client va pouvoir dire adieu à toute confidentialité, à tout secret.
 

Les Panama Papers démontrent que rien ne peut rester secret, même dans la finance

 
La finance était jusqu’ici l’exception dans un monde où chacun de nos achats, de nos déplacements, de nos désirs même peut être répertorié et analysé à travers les Big Data. Pour les détenteurs de comptes discrets où leur « argent offshore » était à l’abri des regards, le secret restait assuré. Un secret pas forcément coupable : la plupart des sociétés boîtes aux lettres sont « légales » et leur objectif, tellement louable, est de « faciliter le commerce international et la circulation du capital ». Mais beaucoup ne le sont pas.
 
Jeremy Warner rappelle que les sociétés offshore attirent de nombreux Chinois qui cherchent à échapper aux contrôles draconiens sur les sorties de capitaux : la Chine interdit la sortie de grosses sommes d’argent du pays. « Ce n’est pas étonnant que les autorités chinoises aient censuré toute couverture de ces informations. Seul l’Occident, semble-t-il, a le droit de connaître la corruption et le “deux poids deux mesures” dont bénéficient les ploutocrates chinois. »
 

Internet a signé la mort de la vie privée

 
L’éditorialiste souligne l’importance du respect de la vie privée et de la confidentialité dans les affaires, y compris pour éviter « la fraude et le vol ». « Mais quand ces protections sont utilisées à des fins néfastes elles perdent de leur légitimité publique », souligne Warner : « Dans les démocraties occidentales… les Panama Papers ont bien pu marquer leur dernier soubresaut. » « Il y toujours moins d’endroits pour se cacher des rapaces autorités fiscales de l’Europe », constate-t-il.
 
Par quel moyen s’exerce la surveillance ? Par Internet, souligne le journaliste : « C’est Internet qui menace de forcer les portes de ces derniers carrés de résistance, ceux qui restent attachés à leur vieillotte exigence de respect de la vie privée. »
 
La société panaméenne au cœur de l’affaire, Mossack Fonseca, a ainsi été victimes de hackers. La fuite de plus de dix millions de documents n’est pas d’origine interne, protestent les responsables, mais résulte d’une intrusion pirate. Dans les deux cas, la vulnérabilité du système serait établie. On peut penser que la réussite des hackers (si Mossack Fonseca est sincère) est plus inquiétante encore si le piratage est fait à des fins criminelles.
 

Le preuve de l’omniprésence potentielle de la surveillance par les Panama Papers

 
La solution, selon Warner, serait d’en finir avec la complexité des systèmes fiscaux qui est une invitation à la manœuvre pour éviter la pression de l’impôt, « de manière légale ou non ». Une fiscalité simplifiée, avec une « flat tax » – un taux d’imposition unique pour les différents revenus et profits, sans exceptions, empêcherait une bonne part des fraudes tout en permettant le respect de la confidentialité.
 
Jeremy Warner pense que cela ne se fera jamais, hélas. On peut le penser avec lui, puisque la flat tax a l’inconvénient de mettre tout le monde au même régime, ce qui ne concorde pas avec le principe marxiste de la progressivité de l’impôt, ni avec le pouvoir démesuré de contrôle et de pression que donne la complexité des règles aux administrations fiscales elles-mêmes.
 

Anne Dolhein