Travaillistes : pour le patron anti-Corbyn des députés, les trotskistes infiltrés dirigent le parti

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Jeremy Corbyn, le 25 mai, à Londres.

 
Dans une interview au Guardian, Tom Watson, le patron des députés travaillistes anglais accuse les trotskistes infiltrés de tirer le parti vers le socialisme révolutionnaire. Un nouvel épisode de la guerre menée par l’appareil du parti contre son chef d’extrême gauche Jeremy Corbyn, avant un congrès qui s’annonce difficile.
 
L’homme est massif et jovial, mais il fait partie de cette majorité d’élus travaillistes et d’apparatchiks de haut rang du parti qui demandent à Jeremy Corbin de démissionner depuis le succès du Brexit. Tom Watson, le patron des députés travaillistes aux Communes, n’a pas mâché ses mots : « Il y a des trotskistes qui sont revenus, et ce n’est certainement pas l’intérêt du parti qu’il ont à cœur. (…) Ils considèrent le parti comme un véhicule pour le socialisme révolutionnaire ». Tout en se réjouissant de l’afflux de nouveaux adhérents travaillistes, et en refusant de voir dans cette nouvelle génération politique une bande de « trotskistes et de bolcheviques », il déplore qu’il « y ait quelques vieilles mains qui manipulent ces jeunes bras ». Il décrit le parti en proie aux lobbies et aux factions, « et c’est ainsi que les trotskistes pratiquent l’entrisme » afin de faire adopter leurs positions extrémistes par le grand nombre. Et de conclure : « Tôt ou tard, cela finit par un désastre ».
 

Corbyn, patron des travaillistes, mal aimé des élites du parti

 
L’entourage de Jeremy Corbyn a aussitôt appelé Tom Watson à « travailler pour l’unité du parti », au lieu de se perdre en « thèses complotistes ». Lui-même a répondu en invoquant la « liberté d’expression ». Cette passe d’arme entre dans le combat sans merci livré depuis le Brexit par l’établissement du parti travailliste contre Jeremy Corbyn : il est surtout reproché à celui-ci d’avoir été très tiède dans sa campagne pour le maintien de la Grande Bretagne dans l’UE. Et l’enjeu est le vote des dizaines de milliers (100 à 130 mille selon les sources) de nouveaux adhérents travaillistes apparemment attachés à la personne de Corbyn, sans doute d’extrême gauche, mais perçu comme personnellement honnête et antisystème. Watson préconise l’abrogation de la décision d’Ed Miliband qui a confié l’élection du chef du parti à l’ensemble des membres et souhaite revenir à l’ancien collège électoral, qui donnait bien plus de poids aux députés et aux syndicats. Et il souhaite aussi que les membres du cabinet fantôme, ce gouvernement de l’opposition, soient choisis par les députés travaillistes.
 

Le patron des députés vise les trotskistes infiltrés et le pouvoir

 
Ce combat pour le pouvoir ne se borne pas aux déclarations tapageuses des uns et des autres. La cour suprême britannique ayant annulé la décision du comité électoral interdisant aux membres du parti ayant adhéré après le 12 janvier 2016 de participer à l’élection du chef du parti lors du prochain congrès au mois de septembre, Watson a fait appel. Le jugement aura évidemment une incidence électorale énorme, cinquante mille membres étant concernés, mais aussi des conséquences financières : en effet, les cotisations perçues devraient être remboursées, ce qui, à raison de 25 livres l’adhésion, causerait aux travaillistes un manque à gagner de 1,25 million de livres. S’ajoutent à cela des problèmes de sécurité, la direction du parti ayant résilié son accord avec la société qui s’occupait traditionnellement des congrès travaillistes. Le ministère de l’intérieur a prévenu qu’au cas où nulle solution satisfaisante pour la sécurité n’était trouvée, il annulerait pur et simplement le congrès. Avec ou sans trotskistes infiltrés, le parti travailliste est donc dans un beau désordre à quelques semaines de son congrès, et l’établissement britannique anti-Brexit, dont Tom Watson est un membre éminent en sa qualité de patron des députés, espère bien y trouver un moyen de se débarrasser de Jeremy Corbyn, malgré sa popularité chez les jeunes.
 

Pauline Mille