Le décompte aura été difficile, personne ne l’avait déjà fait en tenant compte des différentes sortes d’établissements de soins, mais ça y est : on sait désormais que les Pays-Bas ont « relativement peu » de patients en état végétatif chronique si on en compare la proportion avec celle enregistrée dans les autres pays du monde. C’est une litote : avec 3 personnes en état végétatif pour deux millions d’habitants, les Pays-Bas connaissent le plus bas taux du monde… Et non seulement cela, sur les 41 patients répertoriés, 17 ont semble-t-il fait l’objet d’un mauvais diagnostic.
Pourquoi les chiffres sont-ils si bas ? La réponse est simple : aux Pays-Bas, appliquer à ces personnes l’« arrêt de traitement » que l’on a prétendu infliger à Vincent Lambert pour le faire mourir va totalement de soi. S’ils manquent à l’appel, c’est qu’ils sont morts… C’est une décision que le médecin peut prendre seul, fait unique au monde selon la responsable de l’étude, Willemijn van Erp. Et en outre les traitements de réhabilitation ne sont pas remboursés par l’assurance maladie de base.
L’étude statistique est la première de son genre réalisée à la fois dans les hôpitaux, les centres de réhabilitation, les centres de soins palliatifs et les centres accueillant des personnes handicapées mentales ; le dernier recensement, réalisé en 2003, n’avait eu lieu que dans les centres de soins. L’étude présente est due à l’hôpital Radboud de Nimègue.
Erreurs de diagnostic sur l’état végétatif chronique
L’état végétatif persistant est celui qui caractérise l’état d’un patient qui se réveille d’un coma, par exemple après un traumatisme crânien, mais qu’un manque d’oxygénation du cerveau rend inconscient de son entourage : il ouvre les yeux, a des réactions réflexes mais est supposé n’avoir aucune fonction cérébrale élevée.
L’équipe du Radboud a poussé plus loin les investigations en vérifiant le diagnostic d’état végétatif persistant, pour aboutir à la conclusion que 15 des 41 cas annoncés étaient en fait des cas de « conscience minimale », où le patient est conscient de son entourage et ressent des émotions positives ou négatives (comme disent les médecins qui ne sont pas dans sa peau…). Deux autres étaient en réalité conscients.
L’étude estime que pour le groupe de personnes qui a un minimum de conscience le manque de coordination médicale et de connaissance de leur état aboutit au fait qu’elles ne reçoivent pas un traitement adapté : « Moins de la moitié bénéficient de procédures de réhabilitation spécialisées. » Et de plaider pour une « expertise en réseau » qui permettra de mieux prendre en charge les patients mais aussi leurs familles.
Aux Pays-Bas, on peut éliminer facilement ces patients
C’est une affaire à double tranchant. La même étude s’inquiète de ce que dans certains cas les patients en état végétatif continuent de recevoir des traitements, parfois très longtemps – « plus de 25 ans » – alors que les médecins ont le « droit », selon les directives applicables à ces cas, de cesser les traitements qui « prolongent la vie ». Ces personnes ne sont ni malades ni mourantes ; elles sont handicapées et dans un état dont la fréquence du mauvais diagnostic dit une partie du mystère. Arrêter de les « prolonger », comme pour Vincent Lambert, revient à les priver de nourriture et d’hydratation pour les faire mourir de cet arrêt de soins : une procédure tout ce qu’il y a de plus ordinaire aux Pays-Bas.
Mais pas encore assez… Le groupe de Radboud prône un meilleur accompagnement professionnel des familles dans ces processus de décision de continuer les « traitements » ou non.