Peine de mort confirmée pour Asia Bibi, chrétienne convaincue de « blasphème » contre l’islam

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La condamnation à mort d’Asia Bibi pour « blasphème » à l’égard de Mahomet a été confirmée jeudi matin par la Haute Cour d’appel de Lahore, pour la plus grande joie des dignitaires de l’islam qui avaient porté plainte contre elle il y a cinq ans. Cinq ans pendant lesquels cette mère de cinq enfants a croupi en prison à attendre, toujours attendre les nouvelles péripéties de ses recours et de ses appels contre une sentence capitale prononcée dès la première instance. Cinq ans où ses enfants ont dû se mettre à l’abri, avec son mari, pour être protégés de la haine ambiante, en s’éloignant de leur modeste maison. L’enfer pour toute une famille, et maintenant le coup supplémentaire d’une confirmation de peine de mort, rarissime en la matière, même au Pakistan : quand cela s’arrêtera-t-il ?
 
Comment ne pas faire le lien avec les flambées de l’islamisme au Proche Orient, en Afrique et ailleurs ? C’est à qui sera le plus rigoureux, le plus pur, le plus observant de la charia…
 

Avocats chrétiens

 
De nombreux avocats chrétiens étaient présents pour défendre cette femme de 49 ans dont le seul tort a été de proposer de l’eau à des compagnes de travail musulmanes alors qu’elles travaillaient aux champs par une chaude journée de 2009. « Impure ! » Comment une non-musulmane oserait-elle servir à boire aux fidèles du Prophète ? La discussion s’était prolongée ; Asia demanda ce que Mahomet avait fait pour elles, ajoutant que Jésus avait donné sa vie pour la rédemption de ceux qui croient en Lui. Dialogue interreligieux ? Oui – puni de mort. La sentence fut prononcée un an plus tard.
 
La simple présence de ces avocats au procès pour démontrer l’ineptie de l’accusation est déjà un geste héroïque. On se souviendra du martyre de Shabbaz Bhatti, le ministre fédéral pour les Minorités assassiné après avoir dit que les poursuites contre Asia Bibi n’étaient pas fondées. Salman Taseer, gouverneur du Pendjab, lui aussi favorable à Asia Bibi, connu pour sa position critique à l’égard de la loi pakistanaise sur le blasphème, a été criblé de balles par son garde du corps au début de 2011.
 
Mais ils étaient là : Tahir Khalil Sindhu, ministre provincial pour les Minorités et les Droits de l’homme, chrétien, tout comme l’avocat principal, S.K. Chaudhry, et Naeem Shakir, et d’autres encore. Ils ont fait savoir qu’en accord avec le mari d’Asia, ils feront appel devant la Cour suprême du Pakistan : ils ont trente jours. Une seule procédure de blasphème est remontée à ce jour devant la plus haute juridiction pakistanaise ; elle a abouti à un acquittement, en 2002. Il est aussi question de demander un « pardon présidentiel » au chef de l’Etat.
 
Ce répit ne doit pas faire oublier l’injustice dont Asia Bibi est déjà victime : un martyre quotidien qu’elle a raconté lors d’une interview obtenue par une journaliste occidentale, Anne-Isabelle Tollet : Blasphème. Ce mot qui tue au Pakistan, et qui est si facile à lancer, au cours d’une dispute, pour régler un compte, pour dénigrer un gêneur, un concurrent, quelqu’un qu’on a dans le nez… Depuis le mois de juillet, l’état d’Asia Bibi, maintenue en isolement, toujours exposée au risque d’être attaquée ou tuée par un exalté de l’islam, s’est détérioré selon un prêtre qui a pu lui rendre visite.
 
Naeem Shakir, sortant de l’audience, a commenté sans peur : « La justice est toujours plus entre les mains des extrémistes. »
 
Il n’est pas étonnant que les minorités chrétiennes du Pakistan – souvent des familles pauvres et paysannes – soient de plus en plus « démoralisées » comme le note le président du British Pakistani Christian Association, Wilson Chowdhry. Ili dénonce « un coup dévastateur contre la cause humanitaire des chrétiens au Pakistan », une « régression » judiciaire là où ils espéraient une amélioration.
 

A l’énoncé de la peine de mort pour Asia Bibi, les mollahs se préparent à distribuer des friandises

 
Il faut dire que lors de l’audience, jeudi matin, quelque 25 mollahs étaient présents dans la salle présidée par les juges Anwae Ul Ha et Shabbaz Ali Rizvi, mettant la pression pour réclamer la confirmation de la peine de mort. Et à la sortie de la cour, l’imam Qari Saleem qui avait déposé la plainte initiale contre Asia Bibi, s’est adressé à la presse pour indiquer qu’avec ses confrères, il allait « bientôt distribuer des friandises parmi nos frères musulmans pour fêter le verdict de ce jour : c’est une victoire de l’islam ». Pendant ce temps-là, les autres mollahs se congratulaient en chantant la gloire d’Allah…
 
La défense d’Asia Bibi est assurée par l’association CLAAS, le Centre for Legal Aid Assistance & Settlement qui « sert les chrétiens persécutés ou victimes de l’esclavage au Pakistan ».