On n’avait jamais été aussi loin dans la précision et la définition. La revue Cell vient de publier une série d’observations inédites de l’anatomie d’embryons humains âgés de 6 à 14 semaines. Des photos et films magnifiques, en trois dimensions, qui font admirer la vascularisation déjà complexe d’un pied minuscule, de petits poumons formés et de ce cœur qui, déjà, bat…
Les chercheurs français peuvent être fiers du tel rendu de ce spectacle. Mais un spectacle qui fait craindre les réalités toujours plus prégnantes des manipulations sur des êtres humains. Et ces embryons, au fait, d’où venaient-ils ?!
Entre 6 et 14 semaines
« Plonger au cœur du vivant », « passer du dessin à la réalité », c’était le but d’Alain Chédotal, directeur de recherche Inserm, au sein de l’Institut de la vision. En effet, les livres de médecine n’ont jamais pu s’appuyer, jusque-là, que sur des dessins, et les cours sur des moulages en cire, l’anatomie de l’embryon étant particulièrement difficile à explorer… ( et pour cause !)
Les chercheurs ont mis en place une combinaison de trois techniques récentes d’immunofluorescence, de clarification des tissus et d’observation microscopique.
On utilise des anticorps fluorescents qui se fixent spécifiquement sur des protéines exprimées par certaines cellules permettant ainsi de les localiser. On rend les tissus embryonnaires transparents grâce à des solvants qui débarrassent les cellules de leurs lipides membranaires pour ne conserver que leur architecture/squelette. Enfin, on utilise un microscope spécial à feuillet de lumière pour scanner les différents échantillons et on passe par l’informatique à la 3D.
Des photos 3D stupéfiantes
Le résultat est, certes, magique – et l’on ne peut qu’admirer la Création divine.
« Ce que nous avons observé a confirmé les données connues en embryologie mais c’est la première fois que nous obtenons des images réelles de l’organisation des tissus avec autant de détails. Nous avons notamment découvert des choses qu’il n’était pas possible de voir sans marquage spécifique. Nous avons par exemple réussi à distinguer les nerfs sensitifs (qui transmettent des signaux sensoriels vers le cerveau) des nerfs moteurs (qui sont reliés aux muscles), ce qui était alors impossible », explique Alain Chédotal.
Autre découverte, nous indique le dossier de presse : la variabilité de l’arborescence nerveuse au niveau des mains. « Le développement des nerfs principaux est conservé dans toutes les mains mais celui des petites innervations périphériques est beaucoup plus aléatoire entre les mains gauche et droite et entre les individus ».
On peut même se faire « une idée du rythme de prolifération cellulaire pour chaque organe en comptant les cellules fluorescentes aux différents âges embryonnaires »…
« Créer une banque d’images »… et après ?
Certes, l’objectif des chercheurs est, ici, la pédagogie : « Créer une banque internationale d’images pour disposer d’un véritable atlas en 3D de l’embryon humain au cours du premier trimestre de développement, avec une recherche possible organe par organe ». Ce qui aidera les étudiants, mais peut aussi servir « les chirurgiens qui opèrent in utero ».
Mais chaque avancée, chaque progrès font craindre l’usage qui en sera fait : le dépistage des embryons non conformes, la participation au formidable mouvement eugéniste qui grandit de jour en jour.
Et quel paradoxe… plus la technique nous fait admirer la merveille de la création, de la réalité criante de ce vrai petit d’homme, plus on le manipule jusqu’à le tuer – ces images montrent des embryons pouvant presque tous être légalement avortés sur décision personnelle (stade fatidique des 12 semaines).
Et puis, sur quels embryons ont travaillé ces chercheurs ? Il faut encore se poser la question.
La Chine se met à créer des embryons humains viables pour des expériences
La transgression est permanente. Il a une dizaine de jours, une équipe chinoise a annoncé avoir « guéri » un embryon en modifiant son génome au premier stade de son développement (dans la revue « Molecular Genetics and Genomics »).
Utilisant des ovocytes issus de cycles de procréation assistée et des spermatozoïdes de deux donneurs porteurs de maladies génétiques, les chercheurs ont créé des embryons. Et ont utilisé la technique CRISPR-Cas9 pour tenter de « corriger » l’ADN de ces embryons, au stade zygote, en visant les gènes porteurs d’anomalies.
Un acte grave, car non seulement, nous indique un communiqué d’« Alliance Vita », « l’efficacité et l’innocuité de cette technique sont loin d’être atteintes. Des effets « mosaïque » ont été rapportés ainsi que des mutations, c’est-à-dire des « erreurs » intégrées par CRISPR-Cas9 à d’autres endroits du génome ».
Mais aussi et surtout, « c’est la première fois qu’une équipe dans le monde publie des travaux sur des embryons humains, cette fois considérés comme viables et fécondés dans un objectif de recherche ». On fabrique pour tuer et ça n’a l’air de gêner personne.