Pologne-Norvège : intérêts économiques contre défense d’une famille menacée par le Barnevernet dans l’affaire de l’asile pour Silje Garmo 

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La Norvégienne Silje Garmo a trouvé refuge en Pologne en mai 2017 avec sa fille Eira, alors âgée de quelques mois, de crainte que le bien mal nommé Office de protection des droits des enfants (Barnevernet) norvégien ne lui prenne son enfant. Elle y a demandé l’asile et l’Office polonais des étrangers a reconnu, après enquête, que ses droits fondamentaux pourraient être violés en Norvège si l’asile lui est refusé. Mais pour que la Pologne accorde l’asile à Silje Garmo, ce qui n’est pas la même chose que lui reconnaître le statut de réfugié, encore faut-il que le ministre des Affaires étrangères considère qu’une telle décision irait dans le sens des intérêts nationaux. La décision du ministre Jacek Czaputowicz est imminente selon les avocats de l’ONG pro-famille Ordo Iuris qui viennent de divulguer les opinions défavorables remises au ministre par les fonctionnaires de son ministère. Ces opinions font en effet clairement passer les intérêts économiques de la Pologne avant l’exigence de défendre la famille conformément à la constitution polonaise.
 

La question des importations de gaz depuis la Norvège pour la Pologne qui cherche à diversifier son approvisionnement

 
Face à la demande d’asile de Mme Garmo, le ministère des Affaires étrangères insiste sur le fait que la Pologne cherche à créer de nouvelles routes de transport du gaz naturel depuis les côtes norvégiennes et à accroître les importations de gaz norvégien. Il attire l’attention sur les compagnies polonaises qui exploitent des gisements norvégiens et souligne encore les liens économiques et politiques étroits entre les deux pays, la Norvège ayant placé la Pologne au rang de ses principaux partenaires stratégiques aux côtés des pays scandinaves et de l’Allemagne.
 
Un autre argument qui pencherait en faveur d’un refus, selon le ministère, c’est la crainte que la Pologne soit accusée de discrimination si elle accorde l’asile à cette citoyenne norvégienne alors qu’elle le refuse à des familles tchétchènes. Les fonctionnaires polonais soulignent aussi que l’image de la Norvège est celle d’un pays qui respecte les droits de l’homme. Le récent rapport de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur le Barnevernet n’est pas mentionné. En ce qui concerne les huit affaires en cours contre la Norvège à la CEDH de Strasbourg, dans lesquelles les pratiques du Barnevernet sont mises en cause, il est précisé qu’elles n’ont pas encore donné lieu à des jugements. L’une de ces affaires a d’ailleurs été intentée par une mère de famille avec la double nationalité norvégienne et polonaise.
 

Ces Polonais qui fuient le Barnevernet norvégien

 
Les autorités polonaises craindraient-elles, si l’asile est accordé à Silje Garmo, des rétorsions du Barnevernet contre les familles polonaises en Norvège ? Apparemment pas, même si en 2017 les parents de 68 enfants auxquels s’intéressaient les services sociaux norvégiens se sont tournés vers le consul de Pologne à Oslo. Sur ce nombre, la moitié ont préféré quitter la Norvège pour ne pas prendre le risque de se voir enlever leurs enfants. Selon Me Jerzy Kwaśniewski de l’Institut Ordo Iuris, cette proportion serait encore plus élevée si les familles polonaises n’étaient pas souvent coincées en Norvège par leurs hypothèques.
 

Les risques si l’asile est refusé à Silje Garmo et à sa fille Eira

 
Interpellé par le ministère des Affaires étrangères polonais, l’ambassadeur de Norvège a certes répondu en février que toutes les poursuites contre Silje Garmo avaient été abandonnées. Néanmoins, selon Me Kwaśniewski interrogé ce matin au téléphone par Réinformation TV, si les poursuites ont été abandonnées par la Norvège, c’est uniquement en raison de la procédure d’asile en cours en Pologne. Sur la base de son expérience des procédures conduites sur initiative du Barnevernet, Me Kwaśniewski dit craindre une réactivation des poursuites par la Norvège une fois l’asile refusé à sa citoyenne puisqu’il sera alors possible d’obtenir son extradition. La mère et sa fille seraient alors très probablement séparées de force une fois rapatriées.
 
S’il refuse l’asile à cette maman norvégienne et à sa fille, le gouvernement du PiS risque en outre de décevoir à nouveau ses électeurs attachés à la défense de la vie et de la famille. A défaut de donner la priorité aux considérations morales, espérons que le ministre des Affaires étrangères polonais tiendra compte de ce facteur.
 

Olivier Bault