Ce lundi, la commission de la Politique sociale et de la famille de la Diète polonaise, dominée par le PiS, a une nouvelle fois refusé de s’occuper du projet de loi citoyen Zatrzymaj aborcję (« Arrêtez l’avortement »). Ce projet de loi – en fait un simple amendement à la loi actuelle qui interdirait les avortements motivés par un diagnostic d’anomalie ou maladie grave et incurable de l’enfant à naître – avait pourtant reçu en mars un vote favorable de la commission de la justice et des droits de l’homme après avoir été approuvé en première lecture lors d’un vote en séance plénière de la Diète où le parti de Kaczyński dispose, avec quelques petits partis alliés au sein de la coalition Droite unie, de la majorité absolue. Lundi, seuls deux députés de la commission de la Politique sociale et de la famille ont voté en faveur d’un examen rapide de ce projet de loi, notamment le député Jan Klawiter élu sur une liste du PiS mais membre du parti Prawica Rzeczypospolitej (« Droite de la République ») du député au Parlement européen Marek Jurek, qui avait répondu en novembre dernier aux questions de Réinformation TV. Sur les quelque 38 millions d’habitants que compte la Pologne, 830.000 citoyens adultes avaient pourtant signé l’initiative citoyenne à l’origine du projet de loi Zatrzymaj aborcję. C’est huit fois plus que le minimum légal pour obliger le parlement polonais à se saisir d’un projet de loi – et c’est un record.
Le projet de loi citoyen bloqué à la Diète par le PiS
Dans l’opposition, le PiS avait toujours soutenu les différentes initiatives citoyennes présentées depuis 2011 pour interdire les avortements eugéniques. Aujourd’hui, il semble vouloir s’en remettre à la Cour constitutionnelle saisie sur cette question l’année dernière par un groupe de 100 députés du PiS, mais l’on ne sait toujours pas quand la Cour daignera examiner cette question. En attendant, ce parti qui se dit chrétien-démocrate et conservateur doit faire face aux critiques de l’Eglise, qui soutient le projet de loi, et aux attaques ouvertes des médias catholiques du groupe Lux Veritatis détenu par les pères rédemptoristes qui le soutenaient jusqu’ici : la télévision TV Trwam, la radio Radio Maryja et le quotidien Nasz Dziennik, ce qui pourrait à terme le couper de la frange la plus catholique de son électorat.
Mardi, le quotidien Rzeczpospolita annonçait par ailleurs que le parti de Marek Jurek se présenterait aux élections municipales et régionales de l’automne non plus sur les listes du PiS mais sur les listes du parti d’opposition Kukiz’15, un rassemblement hétéroclite de patriotes, libéraux-conservateurs et nationalistes. C’est le deuxième divorce de Marek Jurek avec le PiS après celui de 2007, quand Marek Jurek était maréchal (président) de la Diète et qu’il était entré en conflit avec Kaczyński sur la question d’un amendement à la constitution voulu par M. Jurek pour reconnaître le droit à la vie de la conception à la mort naturelle.
Interrogée lors d’une réunion avec les électeurs sur le sort réservé au projet de loi citoyen, Joanna Lichocka, députée du PiS, a surpris tout le monde en avril en accusant les initiateurs du projet de loi de chercher à diviser la droite en proposant une loi « inhumaine » et « très radicale » puisqu’elle obligerait les femmes à « mener à terme chaque grossesse pathologique ». L’élue a signalé qu’en ce qui concerne les enfants touchés par la trisomie 21 qui sont les premières victimes de la loi actuelle, elle comptait sur la Cour constitutionnelle pour remettre de l’ordre et interdire l’avortement « dans le cas des enfants qui peuvent vivre de manière autonome ».
Aucune préparation en cours en vue de l’interdiction de tout avortement eugénique en Pologne
Dans le même temps, le PiS n’a rien fait pour permettre aux parents d’enfants concernés par un diagnostic prénatal particulièrement défavorable d’avoir un meilleur accès aux centres de soins palliatifs périnataux et néonataux comme la Fondation Gajusz de Łódź (Lodz). Et pour couronner le tout, une occupation des locaux de la Diète par des parents d’handicapés adultes accompagnés de leurs enfants handicapés dure depuis plusieurs semaines et vient rappeler aux Polonais que les politiques sociales généreuses (à l’échelle polonaise) du PiS n’ont jusqu’ici pas beaucoup concerné les personnes handicapées malgré les promesses faites par l’ancien premier ministre Beata Szydło lorsque le PiS avait rejeté le projet de loi citoyen Stop Aborcji (« Stop à l’avortement »), après les « manifestations noires » de l’automne 2016.
Le PiS continue de décevoir la frange catholique et pro-vie de son électorat
Le PiS n’a apparemment pas fini de décevoir son électorat catholique sur les questions de bioéthique. Non seulement il n’a toujours pas mis fin au régime très libéral de la fécondation in vitro en Pologne, mais en outre, son candidat à la mairie de Varsovie, Patryk Jaki, a affirmé fin avril qu’il pourrait maintenir le financement des fécondations in vitro par cette même mairie. Un comble quand on sait que l’actuel maire de Varsovie, Hanna Gronkiewicz-Waltz du parti libéral PO, a mis en place ces remboursements de la fécondation in vitro comme l’ont fait d’autre mairies PO en Pologne après l’arrêt par le gouvernement du PiS du financement par l’Etat de cette procédure qui avait été mis en place sous Donald Tusk ! Cela dans un pays où l’espérance de vie des personnes atteintes de cancers est bien en deçà de la moyenne européenne du fait du non-remboursement des traitements les plus modernes, faute de moyens.