Pornographie : l’invasion est réussie, “Playboy” a gagné et ne publie plus de photos de femmes nues

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Pendant que l’on discute au synode sur la famille à Rome de divers thèmes, parmi lesquels certains n’ont rien à y faire, un événement surprenant a eu lieu dans le monde anglo-saxon : la revue Playboy a renoncé à publier des photos de femmes entièrement nues. Reviendrait-on enfin à un peu de bon sens, un peu de pudeur – et de respect pour les « playmates » dont l’intimité est violée en échange de leurs cachets ? En réalité, c’est une fausse bonne nouvelle. Playboy n’a pas soudain découvert la beauté de la décence et de la modestie. Son choix éditorial entérine simplement le fait que les photos légères ne « vendent » plus. Pourquoi dépenser quelques euros ou quelques dollars pour acheter ce qui est à portée de chacun sur un écran haute définition dans le plus reculé des foyers relié à Internet ? La pornographie a réussi son invasion. Elle est partout. Les filles sur papier glacé n’ont plus qu’à aller se rhabiller.
 
L’analyse est partagée par la direction de Playboy elle-même. Loin de se distancer de la pornographie, le directeur exécutif de la revue, Scott Flanders, a expliqué sa décision en reconnaissant que la pornographie est d’un accès si facile à l’ère d’Internet que plus personne n’a « besoin » d’acheter Playboy pour cela. « Aujourd’hui, on est à un clic de n’importe quel acte sexuel imaginable, et gratuitement. Tout cela est juste “passé”. »
 
Autrement dit, note Albert Mohler sur LifeSiteNews, Playboy est arrivé au point où il peut plus prétendre qu’il est dans la « transgression » ; il ne peut plus repousser les frontières de la moralité. « Victime de son triste succès »… La révolution sexuelle que dont la revue a assuré la promotion l’a prise de court. Elle ne choque plus. De 8 millions de lecteurs payants, elle est tombée à 800.000 abonnés – alors même que le marché n’a jamais été aussi important.
 

“Playboy” ne publie plus de photos de femmes nues : la pornographie est à un clic pour tous

 
Chose intéressante, Flanders a présenté cette situation comme fruit d’une « bataille victorieusement menée ». Une bataille ? Mais oui, la révolution sexuelle, qui comme toutes les révolutions, avait un objectif, un but subversif : en finir avec la morale de papa qui considère la production et l’usage de la pornographie comme un péché et considère que la société et les pouvoirs publics ont le devoir d’affirmer et de protéger le mariage ainsi que le cadre juste, bon et moral de l’exercice de la sexualité.
 
La bataille était celle de Hugh Hefner, fondateur de Playboy. Scott Flanders a déclaré au New York Times que Hefner ne s’est jamais caché de vouloir détruire la morale judéo-chrétienne pour la remplacer par une philosophie de la jouissance, en vendant aux hommes un produit axé sur la chosification de la femme. Il ne cachait pas non plus qu’il ne croyait pas au Dieu de la Bible mais affirmait rendre un culte au Créateur au fond de son jardin, invitant chacun à vivre comme s’il n’y avait pas de récompense dans la vie après la mort. Spiritualité inquiétante, c’est le moins que l’on puisse dire…
 
On en arrive à une situation où la culture ambiante ne prône pas tant le « mariage pour tous » que la « sodomie pour tous » (comme l’explique cet article pour adultes avertis).
 
Mais pourquoi parler de tout cela dans le contexte du synode de la famille ? Tout simplement à cause des dommages que celle-ci subit : conséquences directes de la révolution sexuelle en ce que la pornographie détruit le regard de l’homme sur la femme et – à mesure que les femmes « consomment » elles aussi davantage de pornographie – de la femme sur l’homme. A mesure que les pires perversions peuvent être vues par n’importe qui et à force de répétition, sembler normales. A mesure que les consciences sont anesthésiées dès l’adolescence, souvent, et que la sexualité « récréative » a supplanté la sexualité ordonnée à la procréation. A mesure que l’amour – c’est ce que clament à longueur de films la production cinématographique – se concrétise quasi nécessairement au lit, et que les images sont données à la clef.
 

L’invasion de la culture par la pornographie et la destruction de la famille

 
Cette distorsion dramatique de la culture qui nous entoure est l’un des éléments clefs de la destruction de la famille et des échecs sur lesquels le synode a focalisé son attention. Avec la diffusion si large de la contraception, y compris parmi les catholiques, la pornographie devrait être l’un des soucis numéro un de quiconque veut travailler à rechristianisation. A l’heure où tant de jeunes sont « hameçonnés » sur Internet par des images de plus en plus violentes dont leurs aînés, au même âge, n’avaient pas seulement idée, n’y a-t-il pas une urgence formidable ?
 
On lit dans le Telegraph de Londres l’histoire d’une adolescente de 16 ans « amoureuse » d’un garçon de sa classe dans une banlieue de la capitale anglaise. Les deux gamins s’envoyaient des textos sur Snapchat – on peut ajouter une photo mais elle s’efface d’elle-même au bout de quelques secondes. Le garçon quémandait une photo de la jeune fille, nue. Elle finit par céder et lui envoya une photo… de son sexe. Moins de 24 heures plus tard, toute son école avait vu la photo. Le garçon l’avait récupérée avec un logiciel avant qu’elle n’eût le temps de s’effacer. D’ailleurs il avait tout prévu : avec des copains, il avait monté un plan pour obtenir le plus possible de photos du genre. La jeune fille a raconté à l’auteur de l’article que deux de ses amies proches s’étaient trouvées dans la même situation. Une triste histoire qui se répète d’école en école et de région en région au Royaume-Uni – et dont beaucoup de victimes ne parleront jamais.
 
« C’est inquiétant », dit Jon Brown, un responsable de l’association pour l’enfance, NSPCC : « C’est un phénomène de plus en plus répandu, on pourrait même dire omniprésent… Les filles pensent qu’elles n’ont guère d’autre choix que de s’exécuter. Elles se croient dans des situations “perdant-perdant”. Elles ont le choix entre être des p… ou “pas à la hauteur”. » Il s’agit d’être comme tout le monde : le rêve de tout adolescent encore un peu mal dans sa peau…
 

Le synode sur la famille passe largement à côté des éléments qui la détruisent

 
« Pour la première fois, les jeunes ont facilement accès à la pornographie légale sur Internet. Elle est aujourd’hui normalisée. On est devant un phénomène de désensibilisation. Et cela a un impact inquiétant sur le comportement sexuel, sur les rapports et sur tout ce qui tourne autour du consentement », ajoute-t-il. On constate qu’aujourd’hui les agressions et les tentatives de viols se multiplient dans les écoles. La publication de photos contre la volonté de la victime dans un cercle restreint de mineurs n’est pas considérée comme un délit (le revenge-porn ou pornographie-vengeance) et peu de faits sont rapportés à la police – même par les responsables d’école, s’ils en ont connaissance.
 
Cette situation n’augure rien de bon pour la vie adulte de ces jeunes dont le regard sur les relations humaines (et pas seulement sexuelles) est faussé. C’est un vrai sujet.
 
Au début du synode ordinaire, dans l’un des circuli minores de langue anglaise (Anglicus « D »), les Pères synodaux ont souligné que l’Instrumentum laboris fait montre d’un « manque de réflexion sérieuse sur l’idéologie du genre, le rôle des hommes et des pères aussi bien que celui des femmes, et un regard plus profond sur la nature destructrice de la pornographie et les autres abus de la technologie électronique ».
 
Paradoxe, on assiste à un synode curieusement désincarné…
 

Anne Dolhein