Interpol, l’Organisation internationale de police criminelle, créée en 1923 à Lyon pour promouvoir la coopération policière internationale, a un nouveau président depuis jeudi. L’assemblée générale de l’organisation vient d’élire un Chinois : Meng Hongwei, qui a la particularité d’être vice-ministre de la Chine pour la Sécurité publique depuis douze ans. C’est donc un haut responsable de l’appareil communiste chinois, chargé qui plus est de l’appareil policier de cet Etat répressif, qui vient d’entrer en fonctions à la tête d’une organisation internationale avec effet immédiat dès l’instant de son élection lors d’une réunion à Bali, en Indonésie.
Et alors que la Chine se rapproche de plus en plus ouvertement de la Russie, Interpol s’est dans le même mouvement doté d’un nouveau vice-président pour l’Europe : il s’agit d’un haut responsable de la police russe, Alexander Prokopchuk.
Meng Hungwei, nouveau président d’Interpol, spécialiste de la répression communiste
Interpol rejoint ainsi le tableau de chasse de plus en plus fourni de la Chine pour ce qui est de la direction ou des postes de haute responsabilité dans des organismes supranationaux.
La presse américaine évoque à propos de l’élection de Meng Hongwei l’inquiétude des militants des droits de l’homme qui y voient de nouvelles facilités offertes à la Chine pour traquer les opposants politiques à l’étranger. Selon Nicholas Bequelin, directeur régional de la section extrême orientale d’Amnesty International, il y a lieu de s’inquiéter gravement dans la mesure où la Chine a souvent tenté d’utiliser Interpol pour arrêter des dissidents et des réfugiés à l’étranger.
Interpol n’a pas le pouvoir de dépêcher ses propres agents pour arrêter des personnes désignées sur une liste de suspects, et encore moins d’établir des mandats d’arrêt, mais il lui est possible, d’après les mandats d’arrêts émanant des autorités nationales ou des tribunaux internationaux, d’alerter les gouvernements nationaux par voie de « notice rouge » sur des personnes recherchées. En 2014, Interpol a ainsi fait circuler une liste de cent personnes désignées par la Chine comme « fugitifs financiers », parmi lesquels une trentaine ont depuis lors été rapatriés, et ce alors qu’Interpol ne peut de par ses textes constitutifs agir dans des affaires ayant un « caractère politique ».
Le ministre de la Sécurité intérieure en Chine prend la main sur la sécurité internationale
Le Los Angeles Times rappelle que le président chinois Xi Jinping mène depuis 2013 des actions vigoureuses contre tout ce qui est perçu comme constituant une menace contre le pouvoir communiste. Il est souvent question de corruption mais la dissidence est au cœur de ce dispositif qui a conduit à la sanction de plus d’un million de fonctionnaires, et on sait que des dizaines d’avocats et de journalistes militant ouvertement pour les droits de l’homme ont reçu des menaces ou ont été détenus par le pouvoir.
L’action policière des autorités chinoises se fait volontiers dans l’irrespect des protocoles internationaux : ainsi en 2015, les autorités chinoises ont détenu en les transférant illégalement en « métropole » chinoise cinq libraires de Hong Kong spécialisée dans la publication et la vente de livres politiques sur les hauts responsables communistes en Chine.
Meng Hungwei : « La politique d’abord, le parti d’abord, et l’idéologie d’abord. »
Meng apparaît quant à lui comme le parfait idéologue communiste. En 2014, lors d’exercices des « forces de paix internationales » chinoises, il avait martelé : « La politique d’abord, le parti d’abord, et l’idéologie d’abord. »
On comprend l’inquiétude des dissidents chinois. Mais plus encore, la question se pose de l’opportunité de confier un organisme au service de la répression international à un idéologue communiste auto-proclamé. C’est une décision délibérée, lourde de poids et prise en connaissance de cause…
La Chine a décidément bonne presse à Interpol : c’est elle qui recevra la prochaine assemblée générale de l’organisation en 2017, selon le bureau d’information du conseil d’État chinois.