Le protectionnisme : fléau ou bénédiction ? L’exemple de l’Afrique

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La réunion annuelle du Fonds monétaire international avec la Banque mondiale à Washington la semaine dernière avait pour leitmotiv ce slogan : le protectionnisme ne peut rien pour vous. Mais la grande presse, même elle, est bien obligée de constater, fût-ce timidement, que cela n’est pas vérifié, notamment en Afrique. Fléau ou bénédiction, le protectionnisme, c’est-à-dire le maintien de frontières économiques dans le domaine des échanges internationaux ? Les globalistes ont choisi depuis longtemps, et ils s’appliquent à faire croire que les barrières douanières sont facteurs de pauvreté et d’absence de développement. Mais qu’en est-il de l’Afrique qui fait depuis des années d’expérience du libre-échange ?
 
Le FMI lui-même a dû constater lors de ses rencontres avec la Banque mondiale que la croissance est en chute libre en Afrique subsaharienne depuis le début de cette année. Son taux de croissance n’atteint que 1,4 %, contre 3,4 % en 2015 : c’est le pourcentage le plus bas depuis 25 ans, et il ne s’agit pas, comme dans les pays développés, d’une stagnation dans la richesse, mais d’un recul vers le sous-développement.
 

Le protectionnisme aurait pu protéger l’Afrique sub-saharienne

 
Les institutions mondialistes constatent que l’économie régionale africaine va croître moins vite que la population, au risque d’aggraver la pauvreté dans une région qui abrite 766 millions d’âmes, dont la moitié vivant avec moins de 1,90 dollars par jour. « Je me fais en fait du souci à propos des pays africains subsahariens », a déclaré Christine Lagarde, qui semble ne pas détester la litote.
 
Les données sont là, en effet. La région d’Afrique subsaharienne est la seule au monde qui a vu le nombre des personnes vivant dans une pauvreté extrême croître depuis 1990. C’est une « exception remarquable », selon un récent rapport de la Banque mondiale. Et cette aggravation des choses se produit précisément au moment où les pays d’Afrique subsaharienne ont ouvert leurs frontières et où les échanges commerciaux avec la Chine ont explosé, explique l’AFP.
 
Certes, la région connaît un sort diversifié selon les pays. Des pays comme le Nigéria sont ravagés par la chute du prix du pétrole ; l’Afrique du Sud connaît une quasi stagnation ; à l’inverse, la Côte d’Ivoire jouit d’une croissance confortable qui devrait atteindre 8 % cette année. A quoi s’ajoutent les aléas du climat, les problèmes sécuritaires, l’instabilité politique comme le dit pudiquement l’Agence France Presse.
 

Le FMI constate l’effondrement économique de l’Afrique noire

 
Mais selon les ONG, souligne l’AFP, la situation peu encourageante sur le plan économique reflète d’abord l’échec du libre-échange généralisé mise en place à travers les plans d’ajustement structurels imposés au cours des années 1980 et 1990 par l’Organisation mondiale du commerce.
 
Si l’Afrique a connu la réussite ces dernières années c’est essentiellement en raison de la montée des prix du pétrole et des matières premières au cours des années passées, souligne ainsi Antonio Gambini, du Centre national pour la coopération et le développement, un organisme d’aide internationale belge de tendance tiers-mondiste. « Mais les prix se sont effondrés et, soumis à l’obligation du libre-échange, ces pays se sont retrouvés dans une spirale descendante, incapables qu’ils étaient de se diversifier. » Il estime que ces pays auraient pu bénéficier d’une dose de protectionnisme qui leur aurait permis de protéger leurs économies et de les faire progresser à l’abri de la concurrence internationale.
 
Bien sûr tout cela est dit au nom de la « croissance globale inclusive », comme le dit un représentant de la non moins tiers-mondiste ONG britannique Oxfam.
 
L’AFP donne ensuite l’exemple de pays qui ont assuré leur expansion économique en s’appuyant sur une exportation importante et de fortes restrictions sur les importations pour protéger leurs marchés domestiques : le Vietnam, la Corée du Sud, Taïwan. En Afrique, l’Ethiopie, qui se voit gratifier d’une prévision de croissance aux alentours de 6,5 % en 2016, a su « jalousement garder ses propres secteurs financiers et des télécommunications. »
 

Le protectionnisme n’est pas un fléau mais une bénédiction

 
Le vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique, Makhtar Diop,  n’en continue pas moins de prêcher le libre-échangisme, dénonçant « le réflexe protectionniste des temps de crise ». Selon lui, la croissance internationale demeure « selon toutes les données disponibles » un facteur de développement. Il assure que les problèmes africains sont liés plutôt à une mauvaise distribution des richesses – mais à qui la faute ? Et les barrières protectionnistes, selon lui, sont toujours difficiles à enlever parce qu’elles servent des groupes d’intérêts particuliers cherchant à « préserver leurs avantages ».
 
La dépêche de l’AFP s’achève d’ailleurs sur ses commentaires : ce n’est pas si facile de se défaire d’une idéologie obligatoire. A côté d’elle, les faits, les retombées dramatiques des délocalisations et de la concurrence déséquilibrée, n’ont que peu d’importance.
 

Anne Dolhein