Réfugiés : Ankara demande, Bruxelles obtempère

Refugies Ankara demande Bruxelles
 
La crise des réfugiés n’en finit plus, quoi qu’ils en disent, d’inquiéter les responsables de l’Union européenne. Non tant, et c’est dans ce hiatus que réside la racine de leur erreur ou de leur mensonge sur ce dossier, du fait du débarquement effectif chez nous de pauvres hères un peu hâtivement baptisés « réfugiés », mais parce que la réaction des Européens pourrait faire vaciller leur bel édifice. C’est ce qui explique la sécheresse sur ce point particulier de la réponse d’Angela Merkel face à la menace britannique de Brexit. C’est aussi la raison des offres mirobolantes faites aujourd’hui à la Turquie, qui serait bien niaise de n’en point profiter. Ankara en effet n’a qu’à demander, et Bruxelles obtempère !
 
Pour les chefs d’Etat et de gouvernement réunis jeudi à Bruxelles, la crise des réfugiés – qu’il s’agisse effectivement de réfugiés n’a, de ce point de vue, guère d’importance – doit pouvoir se résoudre à Ankara. Le président turc Recep Tayyip Erdogan est d’accord, sous certaines conditions. Le Conseil européen les accepte, sous certaines conditions. Et le jeu de dupes continue, chacun espérant bien bluffer l’autre sans prendre soi-même de risques.
 

Ankara demande, Bruxelles obtempère

 
Le président Erdogan a, de fait, un avantage : ce sont les Européens qui sont demandeurs, ce qui le place en situation de force. Angela Merkel l’a dit très clairement aux parlementaires allemands : « Nous ne pourrons pas organiser et freiner le mouvement de réfugiés sans travailler avec la Turquie. » Cela tombe d’autant mieux que c’est précisément elle qui doit se rendre dimanche à Ankara pour discuter de la situation…
 
Les pistes du Conseil européen tournent autour de trois points, qui répondent, en gros, aux demandes faites par Ankara pour accepter le retour de certains migrants que Bruxelles voudraient bien voir repartir – tout en continuant son discours sur l’accueil.
 

Le prix des réfugiés

 
– Le premier consiste à offrir à la Turquie une aide financière qui pourrait atteindre trois milliards d’euros. En réalité, le plan européen conçu à Bruxelles ne précise pas le montant de l’aide « substantielle et concrète » qui sera apportée à la Turquie. Mais ce chiffre est correspondant au montant que les autorités turques ont demandé comme prix de leur accord.
– Le deuxième consiste à étudier la perspective d’une accélération de la libéralisation de ses visas, autre exigence d’Ankara. Intervenant à la télévision turque quelques heures avant l’ouverture du sommet de Bruxelles, le premier ministre Ahmet Davutoglu a en effet prévenu que, faute d’avancée sur le dossier des visas, Ankara ne finaliserait pas le projet d’accord sur les migrants, et leur réadmission, si l’on peut dire, en territoire turc.
 
Ce point présente plusieurs difficultés. « Il ne faudrait pas que la libéralisation des visas (…) conduise à ce qu’il y ait des personnes qui viennent de Turquie dont on ne serait pas sûr de l’identité », a résumé François Hollande.
 
De fait, la Turquie a tôt fait d’accorder un passeport à tout musulman parlant à peu près le turc. Le migrant clandestin qui rentrerait en Turquie pourrait bien, quelque temps plus tard, revenir chez nous avec des papiers en règle.
 
La situation est compliquée encore par la présence des réfugiés, en majorité syriens et irakiens, qui, pour l’heure, n’ont pas dépassé le cadre des frontières turques, et qui sont estimés à quelque 2,2 millions (!) et qu’Ankara pourrait ne pas retenir plus longtemps.
 
En attendant, ce sont tout de même 78 millions de Turcs qui seraient concernés par cette « libéralisation » des visas. On affirme qu’elle se cantonnerait, dans un premier temps, aux visas d’affaire et étudiants. Mais s’inscrire comme étudiant ne semble pas quelque chose de difficile à obtenir…
 
– Troisième point, les dirigeants européens réunis à Bruxelles se sont engagés à redonner une impulsion aux négociations sur la candidature de la Turquie à l’Union européenne, sans préciser comment pourraient être réglés les points litigieux qui existent.
 

Nouvelle sortie insane de François Hollande

 
En clair, affaiblie par une situation dans laquelle elle n’est pas sans responsabilités, l’Europe serait prête à concéder tout ce qu’Ankara demande au motif de mieux réguler la crise migratoire.
 
On ne voit pas comment cela pourrait se faire en proposant d’ouvrir davantage les frontières européennes devant la Turquie.
 
Mais nos dirigeants ne sont pas dérangés par les contradictions. Le pauvre François Hollande, qui n’en est plus, il est vrai, à une ineptie près, a profité de la circonstance pour traiter de « manipulateurs » et de « falsificateurs » ceux qui parlent d’une France envahie. Pourquoi donc participe-t-il alors à cette réflexion européenne pour renvoyer des migrants vers la Turquie ?
 
François le Luc