Au jeu des questions-réponses « télépathiques » il est désormais possible de tricher, s’il faut en croire une équipe de chercheurs de l’université de Washington menée par Andrea Stocco : ils ont réussi à relier deux cerveaux humains de façon à ce qu’une personne puisse « lire » les pensées de l’autre. On devine que les applications de cette toute nouvelle technologie ne se limiteront pas aux jeux de salon…
Le test a consisté à « mettre en réseau » deux personnes situées à plus d’un kilomètre et demi l’une de l’autre sur le campus de l’université de l’Etat de Washington : l’un portait une casquette parsemée d’électrodes reliée à un électroencéphalographe relevant les signaux électriques en provenance du cerveau, l’autre une casquette comportant un ressort magnétique positionné au-dessus de la partie du cerveau qui contrôle le cortex visuel.
La mise en réseau de deux cerveaux humains à l’université de Washington ne permet pas seulement de jouer à des jeux de salon
Les cobayes ont alors joué au jeu de « Qui suis-je », où le premier pense à un objet et où le second pose une série de questions auxquelles le premier ne répondra que par « oui » ou par « non ». Au cours de l’expérience, le deuxième joueur sélectionnait des questions sur son écran d’ordinateur au moyen d’une souris ; pour répondre, le premier se contentait de regarder une lumière clignotante. La réponse « oui » envoyait un signal au deuxième joueur par Internet, et pour le « non » il n’y avait pas de signal.
C’est l’activité cérébrale du premier jouer qui déclenchait le signal transmis au ressort électrique qui à son tour provoquait une interruption visuelle ou un éclair lumineux (un phosphène). Selon les cobayes, une fois le dispositif bien calé, la sensation visuelle était variable. De manière quasi systématique, ils ont bien interprété la réponse du premier joueur (à plus de 90 %), devinant la réponse au jeu dans 72 % des cas.
Des jeux de contrôle où aucun signal n’était envoyé aboutissaient à une réponse correcte dans 18 % des cas seulement.
Andrea Stocco veut relier les cerveaux humains à des fins thérapeutiques ou pour transmettre des données
Andrea Stocco, maître d’œuvre de l’expérience, a déjà prétendu avoir relié des cerveaux en 2013, en captant les signaux envoyés par un comparse, Rajesh Rao : les signaux provoquaient des contractions involontaires de ses doigts. L’expérience avait été accueillie avec scepticisme par nombre de spécialistes des neurosciences.
La nouvelle expérience se situe à un tout autre niveau puisque celui qui pose les questions expérimente consciemment le transfert d’information ; « deux personnes collaborent pour résoudre un problème », s’enthousiasme Chantel Prat, membre du Centre des sciences du cerveau de l’université de Washington.
Andrea Stocca espère à terme « nbsp;envoyer nbsp;» non plus des signaux indéterminés mais des formes précises, ce qui laisse prévoir des développements qui pourraient en effet aboutir à la mise en réseau véritable des cerveaux humains.
On parle aussi d’applications thérapeutiques : par exemple pour les personnes souffrant de troubles du déficit de l’attention à qui l’on pourrait « envoyer » une configuration cérébrale de personne attentive.
L’équipe, qui a reçu un don d’un million de dollars de la W.M. Keck Foundation pour mener ses recherches, envisage même à terme un « tutorat » cérébral qui permettrait de réparer les dommages causés par une attaque, voire de transmettre des données directement d’un professeur à son élève.
Et c’est bien l’élément le plus inquiétant de ces recherches qui ouvrent de tout nouveaux champs à la manipulation mentale.