La République en marche avec Macron : propagande nouvelle et vieille tambouille électorale

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François Hollande et Emmanuel Macron le 10 mai 2017.

 
Plusieurs observateurs indépendants dont Robert Ménard estiment que Macron a « ringardisé la classe politique » avec une nouvelle méthode de propagande pour la présidentielle. Mais pour les législatives, les listes de la République en marche, elles, sentent la bonne vieille tambouille électorale.
 
Rue 89 rapporte (Jean Yves Le Gallou en avait déjà parlé dans Polémia) la méthode nouvelle utilisée par Emmanuel Macron pour ajuster sa propagande à l’état de l’opinion publique française, en partant du bon vieux saucissonnage de la société. Ce qui lui a permis de tenir un discours attrape-tout optimal, ni droite, ni gauche, à la fois de gauche et de droite, ponctué de « et en même temps » qui faisaient tant rire les internautes pendant les débats, mais qui convaincu 24 % des Français.
 

As de la propagande, Macron parle comme un algorithme

 
En marche s’est inspiré de la campagne d’Obama en 2012. Il y a un an, 4.000 supporters de Macron volontaires pour lancer une grande enquête sur les souhaits et préoccupations des Français ont lancé l’application de la Grande Marche sur leurs écrans de Smartphones et tablettes. Le but : prendre le pouls des électeurs. 6.200 quartiers ont été définis pour constituer une base représentative, cent mille conversations de quatorze minutes en moyennes ont été menées, 25.000 questionnaires intégralement remplis.
 
Ce corpus a été soumis à la société Proxem, spécialiste de l’analyse des données de masse, qui a ainsi identifié les préoccupations de certaines catégories socioprofessionnelles. Pas besoin pour Emmanuel Macron et ses hommes d’aller longuement sur le terrain : ils savaient ce qu’il fallait dire pour plaire. Le discours d’En marche reprenait les mots-clefs ainsi définis sans états d’âme. Quitte à tout promettre à tout le monde en même temps, même les choses les plus contradictoires. La propagande n’a que faire de la raison, les gens sensés peuvent sourire des contradictions de Macron, ses diverses cibles sont heureuses qu’il leur parle.
 

L’orchestre cacophonique de la République en marche

 
Dans le discours de Macron, dans sa virtualité heureuse, toutes les volitions des différentes catégories d’habitants de la France se côtoient sans friction. Mais le drame de la propagande est qu’elle porte le candidat au second tour et qu’il est donc ipso facto élu. Le voilà face à la réalité, et, en attendant d’affronter la France en crise, il doit déjà former les listes de la République en marche pour les législatives. Alors, en proie aux contradictions du centre (il n’y a pas d’ailleurs dans la réalité), il ressert forcément la tambouille électorale des troisième et quatrième républiques.
 
On ne peut parler de couacs ni de bavures à propos de la liste des 428 investitures de la République en marche publiée hier : la cacophonie est complète, l’orchestre a été constitué pour jouer de fausses notes, tout est tambouille, magouille et petits arrangements.
 

La nouvelle politique électorale de Macron : du Poujade édulcoré

 
Omettons par principe les maladresses, les gens qui n’ont, disent-ils, jamais sollicité d’investiture, comme le marchand de bestiaux du rugby toulonnais Boudjelal, ou qui, assurent-ils, l’ont refusée, comme le gros maquignon franc-maçon « de droite » Xavier Bertrand. Voyons les choses dans leur ensemble. On nous dit gravement que 52 % des investis viennent de la société civile. Qu’entend-on par là ? Certes Gaspard Gantzer, par exemple, n’a jamais été député, mais, membre de la même promotion de l’ENA que François Hollande, il est son conseiller en communication. De n’avoir jamais affronté le suffrage universel fait-il de lui une vierge pure ? Non : la République en marche lui offre un pantouflage à l’Assemblée nationale, point barre.
 
La candidature d’une torera, d’un mathématicien ou de l’antédiluvien juge Halphen ne constitue pas une nouvelle manière de faire de la politique. Sans doute 95 % de ces candidats ne sont-ils pas députés sortants, mais certains ont déjà été élus, et le monsieur Loyal de Macron, Richard Ferrand, se trompe quand il affirme que « jamais un mouvement politique français » n’avait ainsi eu le courage de présenter en majorité des « citoyens qui n’ont pas un CV de professionnel de la politique » : le mouvement Poujade a présenté 100 % de novices en 1956 ! La différence est que ceux-ci avaient des convictions et prétendaient redresser la France.
 

Socialisme, vieille tambouille et nouvelle magouille

 
La propagande de Macron visant à refuser sa filiation socialiste se heurte aussi à la réalité. 24 députés socialistes sortants ont été investis par la République en marche, un ou deux verts, et pas un de l’écurie des Républicains. Sans doute l’absence de ceux-ci résulte-t-elle d’une tactique électorale (pour engranger les voix de la droite, Xavier Bertrand et ses pareils refusent le ralliement avant les élections), mais le fait est que le socle de Macron est la gauche socialiste et écologiste.
C’est pourquoi la République en marche ne présente pas de candidats contre les socialistes hollandiens compatibles avec le macronisme : Jean Marie Le Guen et Myriam El Khomry à Paris, Stéphane Le Foll dans la Sarthe, Marisol Touraine dans l’Indre et Loire, et surtout Manuel Valls dans l’Essonne ont un horizon dégagé.
 
Le dernier cas est à la fois pathétique et instructif : après avoir trahi Hamon après la primaire socialiste, Valls a quémandé l’investiture de la République en marche, qui lui a été refusée. Richard Ferrand a été trop heureux d’expliquer que le demandeur ne satisfaisait pas aux critères de la République en marche (il a été élu trop de fois), mais que, eu égard à sa qualité d’ancien premier ministre, on ne lui ferait pas de mauvaise manière : plus humiliant, tu meurs.
 

Les républicains en marche vers la république de Macron

 
La tambouille électorale de Macron a ménagé aussi, bien sûr, les appétits de la droite ou prétendue telle. Sous couleur de choisir la jeunesse, la France nouvelle, de ne pas se replier dans l’opposition systématique, Bruno Le Maire, qui se posait naguère en droitiste convaincu, s’est rué à la gamelle. En récompense, La république en marche ne lui opposera pas de candidat, pas plus qu’à Nathalie Kosciusko-Morizet, Frank Riester, Thierry Solère, Gilles Boyer, et les successeurs d’Estrosi, Bertrand, Benoist Apparu, et Edouard Philippe (dont on parle pour être premier ministre). Le marais juppéiste est ouvertement cajolé par Macron, ce qui n’est qu’un renvoi d’ascenseur. Passe-moi la rhubarbe, t’auras le séné, telle est la règle d’or de la tambouille électorale sous la république, quel qu’en soit le numéro : la cinquième a pu faire exception par moments mais c’est bien fini, l’UMPS est un fait et s’est trouvé un chef : Macron.
 

Quand Bayrou fâché, lui toujours faire ainsi

 
Il y en a toutefois un qui ne semble pas avoir son compte, c’est François Bayrou. Il a convoqué ce soir le bureau politique du Modem pour en parler mais il a déjà clairement dit qu’il n’était pas content : « La liste des investitures publiées est celle du mouvement politique En Marche !, elle n’est en aucun cas celle à laquelle le MoDem a donné son assentiment ». Et de souhaiter que « dans les heures qui viennent, un mouvement de raison permette des investitures communes dans toutes les circonscriptions comme Emmanuel Macron et moi en sommes convenus depuis le premier jour de notre entente ». A bon entendeur, salut !
 

Finie la propagande, Macron doit songer à « sauver ses fesses »

 
Ainsi y avait-il bien, dès l’origine, une entente électorale entre le centre du centre et la quintessence de l’ailleurs ; Bayrou, de mauvaise humeur, ouvre la porte de la cambuse où se fricote la tambouille républicaine. Le problème est que les deux hommes chassent le même gibier de la même manière, dans la clairière herbue et melliflue de tous les possibles, le centre. Macron a désormais le choix : ou bien bricoler un accord en avouant reprendre la vieille recette des arrangements centristes, ou bien rompre, avec les risques que cela comporte à trois semaines des législatives. Ce serait dangereux pour lui. Bayrou n’a jamais rien construit, mais c’est un tueur avisé : il a eu la peau de Giscard à l’UDF et celle de Sarkozy à l’Elysée. Deux beaux massacres dans le salon de sa maison de campagne. L’heure n’est plus pour Macron à la propagande, mais à la gestion de la réalité. Il doit déjà, pour reprendre le vocabulaire d’une ancienne étoile de la politique, Marion Le Pen, songer à « sauver ses fesses ».
 

Pauline Mille