Depuis le retour de Trump, l’actualité est si souvent secouée de gestes et d’annonces si fracassantes qu’il est nécessaire d’y revenir pour en prendre la mesure. Bruno Retailleau, notre ministre de l’Intérieur, reprenant le rôle qu’avait tenu en 2005 Nicolas Sarkozy à la même place multiplie en matière de sécurité les constatations de bon sens propres à rassurer l’électorat de droite. En visite à Grenoble la semaine dernière dans un bar où une grenade avait été lancée, il a dit sur le narcotrafic et les dangers mortels de la drogue une vérité utile. Mais deux questions se posent : pourquoi ce vieil élu d’un parti qui fut soixante ans au pouvoir fait-il mine de découvrir une situation très ancienne ? Et pourquoi omet-il de la lier à un phénomène pourtant déterminant, l’immigration massive ? Cette reconnaissance tardive et partielle laisse planer un doute sur la capacité et la volonté réelles du gouvernement de résoudre la question.
La vérité sur le narcotrafic
Le candidat à la présidence des Républicains et peut-être à la présidence de la République affiche une volonté forte. Pour « reprendre le contrôle de l’espace public dans son ensemble : sur la voirie, dans les transports, dans les halls d’immeuble mais aussi avec des fouilles dans les parties communes, les caves, pour chercher de la drogue, des armes, des cigarettes de contrebande », et parvenir à la « sécurité renforcée », il « utilisera toutes techniques, y compris les plus modernes », drones compris. Il a justement déploré la « déferlante » de la drogue qui s’est abattue sur la France ces dernières années, le « tsunami blanc » qui fait peser « une menace existentielle capable de corrompre » notre pays. Il s’exprime mal, le terme menace existentielle est sot, et il aurait dû parler de maîtrise et non de contrôle, mais il a raison de sonner enfin l’alarme et il faut l’en féliciter. La drogue est un fléau médical, moral et social qui détruit des milliers de vies et pervertit la société. Et déjà la corruption présentée comme une menace par Bruno Retailleau est un phénomène installé, dans la police, la justice, chez les élus. Il est bien tard et il faudra des méthodes à l’italienne, antimafia, pour juguler la chose.
Une vérité tardive et partielle à cause du tabou de l’immigration
Hélas les déclarations du ministre de l’Intérieur ne sont pas seulement tardives, elles sont partielles. Depuis quelques mois que Bruno Retailleau est parti en guerre contre l’insécurité et le narcotrafic, il a bizarrement omis de le lier à la réalité sociale sur laquelle il prospère, c’est-à-dire l’immigration de masse. Cette étrange pudeur, bizarrement, était déjà celle de Nicolas Sarkozy voilà vingt ans. Lorsqu’il avait promis de passer certaines banlieues au Kärcher, le ministre de l’Intérieur d’alors voulait en chasser les « racailles », mais ne faisait nullement le lien avec les bandes et les gangs produits par l’invasion migratoire. Or c’est le fait social central sur quoi prospère l’insécurité en France et en Europe aujourd’hui, toutes les statistiques l’établissent, et singulièrement le narcotrafic, qui y trouve ses quartiers interdits, donc propres à tous les actes illégaux perpétrés en toute tranquillité, son personnel, y compris les petits guetteurs d’emploi pas cher, etc.
L’ambition pousse Retailleau à combattre le narcotrafic
Dès la fin des années 80, la police avait fait remonter l’information selon laquelle des banlieues de non-droit permettaient la formation de milices et de gangs fortement organisés et armés. Les politiciens n’ont pas souhaité relayer l’information auprès du peuple français, ni traiter la question ainsi posée. Certains ont alors émis l’hypothèse, par exemple Jean-Marie Le Pen au moment de l’affaire du scandale du narcotrafic d’Air Caraïbe, que les autorités françaises auraient passé un marché avec les caïds du narcotrafic afin que ceux-ci assurent l’ordre dans les cités, évitant ordinairement l’insurrection (en dehors de périodes d’embrasement sporadiques) des banlieues contre la République, en échange de la tranquillité du commerce de la drogue. Ce drôle de deal avec les dealers pour assurer la paix sociale expliquerait la reconnaissance tardive et partielle de ce fléau par les politiciens français. Ajoutons cependant une nuance : l’envie que Bruno Retailleau a d’être élu président le poussera peut-être à faire vraiment quelque chose. Il a déclaré pour conclure sa visite : « Je ne suis pas Superman, mais j’ai une volonté implacable. Cette victoire contre le narcotrafic, nous l’obtiendrons. » C’est tout le mal qu’on lui souhaite.