« Ancienne », « ancienne », nous dit-on…. les objectifs de la nouvelle « Route » de la Soie n’ont plus grand chose à voir avec ceux d’il y a quelque mille ans. Et les Etats-Unis sont les premiers à se poser des questions sur ce gigantesque réseau de distribution à direction de l’Europe, qui veut redéfinir les conditions économiques et financières et partant la distribution du pouvoir dans le monde de demain. Un article de Breitbart s’interroge, une fois de plus, sur cette « One Belt One Road » (OBOR), comme on l’appelle, « une ceinture, une route » – et pas deux, seulement celle de Pékin.
La Chine qui vient d’inscrire son projet dans la charte même du Parti communiste, veut créer une économie mondiale plus riche et plus connectée dont elle serait à la fois le point de départ et d’arrivée. Un statut radicalement nouveau qui pourrait remettre en cause une partie notable de l’hégémonie américaine, et étendre parallèlement une influence idéologique certaine.
Une redéfinition de l’ordre économique mondial autour du pouvoir chinois
Pas une semaine sans que de nouveaux événements ponctuent l’extension de cette monumentale entreprise transcontinentale. Mardi, le président chinois Xi Jinping a appelé les ONG des pays situés le long de la Route de la Soie à contribuer à renforcer la compréhension mutuelle, à promouvoir le développement commun et à construire une communauté de destin pour l’humanité… Quelques jours avant, le Maroc et la Chine signaient à Pékin un mémorandum d’entente intégrant le pays nord-africain.
Des raisons toujours supplémentaires pour s’inquiéter selon les journalistes de Breitbart, qui y voient davantage une altération future significative des paysages géopolitiques et économiques de l’Asie, de l’Europe et de l’Afrique.
« Ce qui est nouveau, c’est que le sens des routes de la soie s’est inversé », comme l’a analysé Jean-François Di Meglio, président du think tank « Asia Centre », interrogé par Europe1. « La première route de la soie marchait avant tout dans l’intérêt de l’Occident. Cette fois, c’est la Chine qui prend l’initiative et compte en profiter. » Qui, d’ailleurs, était absent à la mi-mai lors du sommet « OBOR » à Pékin ? Les Etats-Unis et les dirigeants du G7 (hormis l’Italie).
La Route de la Soie : vivre chinois
Ils s’inquiètent parce que One Belt One Road, c’est le mercantilisme organisé à l’échelle mondiale, en faveur de la Chine : un plan savant pour dominer le commerce international, en construisant et contrôlant un réseau de routes, pipelines, chemins de fer, ports et centrales électriques pour livrer des matières premières à la Chine et des produits finis au reste du monde.
« L’objectif à long terme d’OBOR est assez simple : la Chine veut être le fabricant dominant du monde au 21ème siècle ». Il ne suffisait pas de pouvoir fabriquer à faible coût par rapport aux pays occidentaux, il fallait encore contrôler les moyens de la livraison… La Chine contrôle déjà la majorité des ports autour du canal de Panama, la clé de la navigation entre le Pacifique et l’Atlantique face à l’Europe (mais aussi le port du Pirée). Elle veut aujourd’hui créer sa route à travers l’Asie centrale.
Plus qu’une occasion, c’est une nécessité pour ce pays dont la croissance économique ralentit depuis des années, empêtrée dans sa surproduction et avide d’une nouvelle demande.
Cela lui permettra, qui plus est, de développer pacifiquement une marine solide, que ce soit pour le transport des marchandises ou pour la sécurisation de ce dernier. Le budget de Pékin en termes militaires et navals a déjà été multiplié par plus de dix en moins de trente ans : il peut donc encore augmenter…
« Aucune nation ne devrait imposer sa loi à une Route » (secrétaire d’État américain à la Défense)
Breitbart souligne aussi le problème épineux des territoires que la Chine entend traverser, voire occuper. L’Inde, en particulier, occupe une position géographique stratégique sur la Route de la soie terrestre : des conflits ont déjà eu lieu au Bhoutan, sur un plateau revendiqué par Pékin, tout près de la frontière indienne. Et le couloir économique Chine-Pakistan (CPEC) prévu dans la région contestée du Cachemire concentre les animosités.
En Mer de Chine méridionale, la Chine s’autorise des libertés jugées illégales par la Cour permanente d’arbitrage de La Haye, installant équipements militaires sur des îles appartenant au Vietnam et aux Philippines et multipliant les navires chinois dans ces eaux étrangères… Xi Jinping lui-même a dit que toute la mer de Chine méridionale « nous a été laissée par notre ancêtre »… On peut aller loin avec ce genre d’argument.
OBOR : la contagion idéologique chino-communiste ?
Comme l’a noté The Diplomat, le territoire couvert par l’OBOR « comprend plus des deux tiers de la population mondiale et plus d’un tiers de la production économique mondiale, et pourrait impliquer des investissements chinois totalisant jusqu’à 4 billions de dollars », à travers les 65 pays associés au projet.
De quoi générer une influence considérable – un « soft power » ad hoc. Le gouvernement chinois avait d’ailleurs annoncé, en 2015, son intention de construire aussi au moins cinquante « centres culturels » chinois sur l’OBOR, ainsi que des écoles. Gageons que la pensée sera tout sauf anticommuniste. Gardons aussi à l’esprit que la Russie est un allié non négligeable pour la Route, en particulier pour les projets de traversée de l’Arctique.
Étonnant comme on se dirige vers un monde où le capitalisme libéral le plus abouti sera mis en branle et détenu par un pays communiste…. La contradiction n’était pas interne.