Le Royaume-Uni et l’Irlande découvrent la « culture du viol » dans ses écoles primaires

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Ce n’est plus l’exception, mais un système. Aux termes d’une étude réalisée par l’association « Everyone’s Invited » (« tout le monde est bienvenu »), qui recueille les témoignages de victimes d’abus sexuels à l’école, il existe plus de 1.600 écoles primaires au Royaume-Uni et en Irlande où sévit une véritable « culture du viol », tout en collectant des données policières. Depuis des cas de harcèlement sexuel, de tripotage et d’attouchements inappropriés jusqu’à ceux de « pénétration forcée », les récits sont effarants. Et ce d’autant qu’ils concernent d’enfants âgés de 5 à 11 ans…

Certes, les témoignages recueillis sont anonymes et volontairement soumis par les victimes, souvent plusieurs années après les faits. Mais c’est bien une tendance qui se dessine, ahurissante : on ne parle pas ici de d’agressions de personnes adultes sur des enfants innocents mais d’enfants pervertis qui font subir le pire à des camarades de classe. Bien souvent, ce sont des garçons qui abusent ainsi de fillettes qui ne comprennent même pas ce qui leur arrive.

« Everyone’s Invited » vient de publier une liste de 1.664 écoles primaires du Royaume-Uni et d’Irlande citées dans les témoignages et où l’on peut parler de cette « culture du viol » dénoncée par l’association, fondée en 2020 par Soma Sara, une ex-victime, stupéfaite de voir que son propre témoignage en ligne avait suscité une multitude de récits similaires de la part de victimes qui, comme elle l’explique aujourd’hui, font partie de la « première génération ayant grandi “en ligne” ».

 

Culture du viol et obsession de sa propre image dès l’école primaire

Ce sont des jeunes filles et des jeunes femmes obsédées par leur image lorsqu’elles étaient adolescentes, et qui avaient tôt compris que, moins elles mettaient de vêtements, plus elles auraient de « likes » sur les réseaux sociaux.

Mais le facteur déterminant de cette épidémie aura été l’accessibilité de la pornographie. Et de la pornographie violente.

C’est dès avant le CP que la misogynie se répand, selon l’étude (qui ne dit rien de facteurs éventuellement récurrents parmi les agresseurs où les zones de leurs écoles). Mais 1.664 écoles nommément désignées, cela correspond à une école primaire sur douze dans les îles britanniques.

Les récits sont glaçants : tel celui de cette fillette de cinq ans à qui un garçonnet du même âge annonce qu’elle est « belle et sexy »… avant de lui écraser la tête contre un lavabo. Une autre fillette de dix ans s’entend dire par un garçon qu’un autre va lui faire subir un acte sexuel, tandis qu’un autre encore annonce qu’avec des copains, ils vont donner vingt livres à celui qui la violera… elle ne comprend pas le sens du mot. Mais dans ces deux cas comme dans bien d’autres, les directions des écoles, quoique averties, n’ont rien fait. « En tant que femmes, nous devons accepter ce que les hommes nous disent », dira la principale à la fillette menacée de viol. Culture du viol ? Culture occidentale ? Ou autre chose ?

Il apparaît en tout cas que les enseignants et directeurs d’écoles sont le plus souvent désemparés devant de tels récits, et les minimisent.

 

Les personnels des écoles primaires font le constat

Pourtant, lorsque « Everyone’s Invited » a interrogé les professeurs des écoles primaire pour les besoins de leur enquête, il est apparu que « la très grande majorité des enseignants sondés par l’organisation ont confirmé que des élèves de moins de neuf ans regardent de la pornographie et utilisent un langage misogyne, violent et sexiste en classe comme en cour de récréation ». A 80 %, ces enseignants s’estiment « mal formés à la gestion de ces problèmes ».

Des problèmes qui se manifestent de plus en plus tôt : « A 13 ans, il est trop tard » pour apprendre à ces jeunes « d’interagir de manière correcte », ce qui est le but fondamental de l’association qui ne veut en aucun cas se lancer dans une opération de « cancel culture » vis-à-vis des garçons. En fait, c’est l’éducation fondamentale qui fait défaut, et sur ce terrain en friche, les images violentes et grossières s’installent et dictent les comportements.

Peut-on encore parler de protéger l’innocence dans ces conditions ? Pour Soma Sara, le problème est endémique dans l’enseignement public comme dans l’enseignement privé ; et il est constaté par tous : victimes, enseignants, personnes qui se mobilisent pour la protection de l’enfance, et la police. « Nos jeunes ne sont plus innocents en raison de ce à quoi ils sont exposés avant l’école secondaire. Internet a transformé l’enfance et le paysage sexuel. Pour les protéger, nous devons les éduquer. Ce n’est pas le moment d’être prudes », dit-elle. Même s’il est vrai qu’une certaine forme d’éducation « affective » fait précisément partie du problème.

 

Dans les écoles primaires, le smartphone forme à l’abus sexuel

Le Conseil des commissaires de la police nationale vont dans son sens : il constate une augmentation de 400 % de l’abus sexuel et de l’exploitation des enfants entre 2013 et 2024. Et pour Soma Sara, cela est imputable à ce qui se diffuse en ligne : « Peu d’enfants semblent apprendre des comportements misogynes ou abusifs de leurs parents ou des adultes qui les entourent. Mais si un seul gamin apporte un smartphone en classe, tous ses camarades ont accès à un monde de pornographie et de violence. Entrez donc dans n’importe quel café ou transport public et vous verrez des enfants de sept ans regardant défiler leur tablette, c’est de la folie. Cela leur donne un accès direct aux contenus les plus extrêmes possibles, d’un clic du doigt. » Et notamment « des contenus déshumanisants sur le dressage et le rabaissement des femmes, qui deviennent addictifs ». Les enfants doivent pouvoir en parler avec leurs parents qui doivent non seulement leur expliquer ce qui est intolérable dans ces images, mais en avoir une certaine connaissance eux-mêmes, afin de ne pas envoyer leurs enfants seuls, sans le savoir en « voyage » de longues heures dans des territoires virtuels aussi délétères, estime Soma Sara, pour laquelle interdire les portables et autres tablettes n’est pas une solution réaliste.

Mais il faudrait ajouter que les enfants et les adolescents sont aujourd’hui la cible d’une entreprise mondiale et puissante, et surtout infernale, qui cherche à les scandaliser au sens propre du terme : à les pousser au mal et au vice. Et qu’en même temps – confrontés à des obligations d’« instruction obligatoire » dans des écoles où tout cela se propage – les parents sont de plus en plus démunis, contestés dans leurs droits et dépassés par des techniques qui les ont coupés de leurs enfants.

En prendre conscience est un premier pas salutaire, et indispensable.

 

Jeanne Smits