Un rapport officiel des services du Premier ministre du Royaume-Uni vient de confirmer que le pays est « obligé » de se soumettre aux lois de l’Union européenne et à ses décisions de justice. Long de 96 pages, le rapport a été publié sans tambour ni trompette, et on le comprend, puisqu’il est pain bénit pour les partisans du Brexit. Du point de vue juridique, il n’y a rien de fondamentalement nouveau dans ce rapport, mais il a le mérite d’appuyer là où ça fait mal et les opposants à Bruxelles lui ont donné ce nom parlant : « Le rapport du gouvernement que Downing Street ne veut pas vous voir lire. »
Dominic Raab, ministre de la justice britannique, lui-même eurosceptique, s’est réjoui de la parution du rapport qui permet d’établir des vérités sur lesquelles tous peuvent s’accorder : « Le rapport concède que la loi de l’Union européenne transcende la loi britannique, et que la Cour européenne peut casser les décisions de la Cour suprême britannique. Alors que plus de 60 % des lois britanniques sont rédigées, ou trouvent leur origine à Bruxelles, l’UE fait peser sur le contrat démocratique une tension qui le mène jusqu’au point de rupture. Que vous soyez de gauche ou de droite, le peuple britannique doit reprendre avec force le contrôle démocratique le 23 juin. »
Les partisans du Brexit enchantés par un rapport sur le pouvoir de l’UE
Le rapport souligne en effet que le Royaume-Uni et les autres pays membres doivent « adopter toutes lois nécessaires » en vue d’assurer que les lois nationales « rendent effectives » celles de l’Union européenne. En outre, « les Etats membres doivent s’assurer que toutes actions entreprises par eux s’accordent aux lois de l’Union européenne. (…) Les cours nationales partagent la responsabilité de l’application de la loi de l’UE avec la Cour européenne de justice. Toute personne ou société a le droit de traduire le gouvernement du Royaume-Uni (ou dans certains cas une autre personne ou société) en justice devant une cour britannique pour défaut d’application de la loi de l’UE. Lorsqu’une cour domestique juge qu’une personne a transgressé la loi de l’Union européenne, elle prendra les mesures nécessaires pour assurer l’application de la loi de l’UE, ce qui peut conduire à ne pas appliquer une loi nationale en conflit avec celle-ci. Dans certains cas, elle peut également accorder des dommages et intérêts. »
Priorité aux lois de l’Union européenne : le Royaume-Uni découvre la lune
Le rapport met également l’accent sur la Charte des droits fondamentaux de l’Union que la Cour de justice européenne est en droit d’appliquer. Tony Blair avait obtenu pour le Royaume-Uni la possibilité de ne pas appliquer cette Charte, mais les eurosceptiques comme le maire de Londres Boris Johnson se demandent si cette exemption va pouvoir durer, à l’heure où l’Union européenne laisse de moins en moins de place aux décisions nationales et que la Cour européenne se distingue par son « activisme ».
Un point particulièrement sensible a été mis en évidence dans le rapport qui confirme que les migrants d’origine européenne ont pleinement droit d’« entrer, vivre et travailler » au Royaume-Uni.
La question de la transcendance des lois européennes sur les lois nationales est au cœur de la construction fédéraliste de l’UE. Même si le Royaume-Uni a obtenu un certain nombre de dérogations, son gouvernement se trouve aujourd’hui placé devant l’évidence : il n’est plus possible de dissimuler l’étendue des abandons de souveraineté que comporte l’adhésion à l’Union européenne.