La Russie s’apprête à installer un ambassadeur dans la capitale occidentale de la Libye, accroissant l’influence russe dans ce pays où le groupe militaire privé russe Wagner est déjà solidement installé dans la partie orientale. Grand producteur de pétrole aux portes de l’Europe, la Libye, secouée par des guerres civiles et plate-forme pour les migrants africains cherchant à traverser la Méditerranée vers l’Italie et l’UE, est à la fois convoitée pour ses richesses énergétiques et pour son emplacement stratégique. Les Etats-Unis, quant à eux, ont conservé leurs relations diplomatiques avec la Libye mais n’ont plus d’ambassadeur à Tripoli depuis 2014, notamment en raison de l’instabilité du pays.
A qui aura finalement profité la guerre menée par l’OTAN ? Il se pourrait bien que la Russie, qui ne l’avait pas désapprouvée à l’époque, soit celle qui tire les marrons du feu.
Le groupe Wagner « représente » la Russie à l’est, un ambassadeur le fait à l’ouest
Le groupe Wagner dirigé par Evgueni Prigogine – celui qu’on surnomme le cuisinier de Poutine parce que le président aimait à fréquenter ses restaurants de luxe à Moscou – a certes dû réduire sa présence de 4.000 à 2.000 hommes depuis qu’il s’est lourdement impliqué dans la guerre contre l’Ukraine, mais sur place en Libye, il a déjà accès à d’importantes installations pétrolières. Son soutien a renforcé le blocus des exportations l’an dernier, fragilisant la situation énergétique en Europe rendue difficile du fait des sanctions contre la Russie.
Si la Russie, s’appuyant sur Wagner qui possède sur place avions de guerre et défense anti-aérienne, n’a pas cessé d’apporter son soutien à la zone orientale de la Libye sous contrôle d’un « homme fort », ancien de l’armée libyenne, le commandant Khalifa Haftar, il apparaît désormais qu’elle cherche à se rapprocher aussi du camp libyen adverse dans la zone occidentale du pays. Bloomberg note que le chef de la CIA, William Burns, s’est rendu sur place en janvier pour rencontrer les responsables orientaux et occidentaux, avec pour objectif l’éviction des hommes de Wagner.
En Libye, Russie et Etats-Unis convoitent le contrôle du pétrole
Le jeu des « services » semble ainsi aller bon train de part et d’autre, mais ce ne sont pas les Etats-Unis qui sont actuellement en position de force, ceux-ci étant contraints de tenter de s’imposer à distance alors que la Russie a ses troupes, fussent-elles mercenaires, sur le terrain. Cette même Russie marque des points dans les pays arabes, qui ont refusé de suivre les injonctions occidentales visant à isoler Poutine par le jeu des sanctions à la suite de l’invasion de l’Ukraine, les alliés traditionnels des USA comme l’Arabie Saoudite se rapprochant désormais de la Syrie et de l’Iran, grâce notamment à l’entremise de la Chine.
Quand la Russie dénonce le « néocolonialisme » des Etats-Unis et de l’Occident, en Afrique et ailleurs, on est bien dans un scénario d’hôpital se moquant de la charité – ou si vous préférez, de groupe de mercenaires se moquant des soldats réguliers. Ce dont Wagner, au demeurant, ne se prive pas.