L’ultragauche avoue : les sabotages de TGV « arme efficace pour perturber l’ordre du monde »

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Les sabotages de trois lignes de TGV le 26 juillet qui ont perturbé le trafic de 800.000 voyageurs ont été revendiqués par collectif nommé « Délégation imprévue » sans qu’on sache si celui-ci en est l’auteur. Le ministre démissionnaire Gérald Darmanin chargé de maintien de l’ordre les attribue à « l’ultragauche ». L’enquête n’a pas abouti, mais un étudiant d’ultra gauche a été arrêté le 28 à Oissel, en Seine Maritime, sur un site de la SNCF, muni de clés d’accès aux locaux techniques et de pinces coupantes. Sur le site écologiste Reporterre, le militant d’ultragauche Victor Cachard, auteur d’une Histoire du sabotage vu comme arme politique dirigée contre le capitalisme partout dans le monde, se félicite d’une stratégie qu’il juge efficace « pour engager la bataille des idées ».

 

Pas de sabotages des TGV sans complices

Deux mots d’abord sur l’état de l’enquête. Les sabotages, des incendies, menés sur trois points névralgiques du réseau TGV (nord, ouest, sud-ouest, est) dans la nuit du 25 au 26 juillet, ne nécessitaient pas de grands moyens : il suffit de neutraliser certaines armoires électriques remplies de fils. Cependant, il faut savoir lesquelles, et cela suppose des complicités. Qui ? Des fournisseurs ? Des agents, en activité ou anciens ? La direction de la SNCF préfère se taire, et il n’est pas sûr qu’on sache jamais la vérité. En janvier 2023, le trafic gare de l’Est avait été perturbé deux jours par un incendie sur un poste d’aiguillage, provoquant des dégâts bien plus difficiles à réparer qu’aujourd’hui, et l’affaire n’est nullement résolue.

 

La nouvelle ultragauche inconnue des forces de l’ordre

Quant à Valentin M., l’étudiant arrêté à Oissel et placé en garde à vue, il nie toute intention criminelle, il était là « pour taguer ». Il portait en effet dans son véhicule des bombes de peinture, mais aussi des clés des locaux, des clés universelles, des pinces coupantes (pas très utiles pour peindre, mais utilisées lors des sabotages coordonnés sur les lignes TGV pour sectionner les réseaux de fibre optique qui commandent les signaux lumineux sur les voies), et un exemplaire de « Le vertige de l’émeute : de la Zad aux gilets jaunes » ? Il est cependant inconnu des services de police. Tel le profil type du nouveau militant d’ultra gauche, lisse, sans casier judiciaire, mais très remonté idéologiquement et propre à l’action directe, tel qu’on le voit face aux méga bassines ou sur l’autoroute A69, où des engins de chantiers ont été incendiés en masse. Un profil qu’on retrouve à Extinction Rebellion, Soulèvement de la Terre, Saccages 2024, qui passent de la désobéissance civile au sabotage et à la guérilla de plus en plus chaude contre les états.

 

Contre les JO et leur abominable complice le TGV

Le texte envoyé aux rédactions par le collectif Délégation imprévue est un mélange à prétention philosophique et de teinte écolo-décroissante. Le but qu’il assigne aux sabotages des TGV est de protester contre les JO : « Ils appellent cela une fête ? Nous y voyons une célébration du nationalisme, une gigantesque mise en scène de l’assujettissement des populations par les Etats. » Et il était légitime de frapper les TGV : « Le chemin de fer n’est pas une infrastructure anodine. Il a toujours été un moyen pour la colonisation de nouveaux territoires, un préalable à leur dévastation et une voie toute tracée pour l’extension du capitalisme et du contrôle étatique. » Leur but : « la chute d’un monde qui repose sur l’exploitation et la domination ».

 

Déçus par les grèves, ils préfèrent le sabotage, plus efficace

Le militant d’ultragauche Victor Cachard, que Reporterre présente en « chercheur sur l’histoire du sabotage », juge « efficace » l’action du 26 juillet. Il rappelle que « le sabotage du réseau ferroviaire a toujours été utilisé dans les luttes et les conflits sociaux », et rappelle l’attaque de janvier 2023. Il note cependant une « recrudescence des actes de sabotage. Les fibres optiques, les antennes 5G, les lignes de TGV et les grands projets industriels et écocidaires sont devenus les cibles de certains militants et activistes, déçus par d’autres modes d’action plus consensuels, et qui veulent passer à un cran supérieur pour affronter le pouvoir ». Aussi, quoique incapable de savoir, pas plus que la police, si « Délégation imprévue » a vraiment commis les actes qu’elle revendique, analyse-t-il le contenu du communiqué : « On y retrouve la plume de la mouvance anarchiste insurrectionnaliste. Ce sont des groupes d’individus qui privilégient les actions clandestines à toute forme de massification. Leur objectif n’est pas de rallier des gens mais d’ouvrir des brèches, de frapper des points de vulnérabilité du système, de créer une forme de désordre à partir duquel peuvent se redessiner les rapports de force et se tisser de nouvelles solidarités autonomes. »

 

Pour les sabotages, les TGV c’est plus facile que la Tour Eiffel

Si les activistes s’en sont pris aux JO, c’est contre le capitalisme dont ils listent les « activités mortifères » et les sponsors « Airbnb, Coca-Cola, Carrefour, EDF, Vinci. (…) Thales, qui produit des outils de surveillance et des armes, a également travaillé pour les JO ». Les JO incarnent à ses yeux un « modèle dévastateur ». Quant à la SNCF c’est pire : « La SNCF est un partenaire officiel des JO. De nombreux voyageurs et délégations officielles utilisent aussi les trains pour se rendre aux Jeux. Il y a plein de raisons de s’opposer aux TGV d’un point de vue anticapitaliste et écologique. Les TGV nivellent les territoires, accélèrent le temps, fonctionnent à l’énergie nucléaire, accroissent l’hypermobilité d’une minorité de riches aux dépens des territoires ruraux. » Surtout, pour un sabotage, c’est plus facile de s’en prendre au TGV qu’à la Tour Eiffel : « L’intérêt de s’attaquer aux lignes ferroviaires, c’est de prendre le moins de risques possible et de maximiser les dégâts. Ces infrastructures sont ultra vulnérables. Il est impossible de surveiller efficacement 30.000 km de voies ferrées et de mettre des caméras partout. »

 

Les sabotages sont dans l’ordre des choses

Victor Cachard s’est trouvé lui-même coincé dans les embarras du TGV le 26 juillet. Il ne « l’a pas mal vécu », il avait « un bon bouquin ». Ces moments « sont intéressants dans ce qu’ils créent. Les gens sortent enfin de leur bulle, quittent leur écran, se parlent et s’entraident ». L’homme est de la même génération que Thomas Jolly, c’est la même « altérité heureuse », à cent lieues des préoccupations terre-à-terre du populo, et, par exemple, des employés de la SNCF, choqués qu’on s’en prenne à leur outil de travail (tant ils sont « aliénés »). Il se réjouit que les sabotages se multiplient : « Des militants estiment que c’est le moment opportun pour passer à l’action. Les forces de l’ordre sont mobilisées ailleurs. Il y a une relâche sur certains territoires. Ces sabotages se ressemblent dans leur mode d’action et s’inscrivent en continuité. C’est une bonne manière de faire valoir un discours à la fois anti-étatique, anti-autoritaire et technocritique. »

 

L’ultragauche et l’ordre immoral toujours plus bêtes

S’il se confirme que Délégation inattendue est bien l’auteur des sabotages contre les TGV, Cachard inscrit cela dans une lignée déjà ancienne : « L’écosabotage est né de la rencontre et de la connexion très forte entre la mouvance anarchiste et les milieux écologistes. Avec les actions d’Earth First, les fauchages nocturnes d’OGM, la lutte antinucléaire, etc. Tout cela s’inscrit dans une longue tradition et filiation politique. On retrouve aussi le même ton humoristique. Le fait de signer “délégation inattendue”, il y a un côté ironique. Ça me fait penser au Giec, le “Groupe incendiaire d’engins de chantiers”, sur l’A69, qui a saboté des pelleteuses. » Voilà un « écogeste » follement drôle ! Les petits enfants de 1968 sont aussi bêtes que leurs grands-pères. Même mépris pour l’effort, même prétention fondée sur une idéologie à deux sous, même « humour » à deux tonnes.

 

Pauline Mille