Sur quel critère l’Etat juge que la dissolution d’une organisation est bonne ou mauvaise ?

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Coïncidence, au moment où le recours en référé-suspension de l’organisation écolo-contestataire les Soulèvements de la terre (SLT) contre sa dissolution est examiné par le Conseil d’Etat, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin pousse l’instruction de la dissolution de l’organisation politique Civitas. On ne lui reproche aucun acte de violence, mais elle est accusée d’« antisémitisme », alors que la première, coupable de violences caractérisées, jouit sur la place de Paris d’une réputation idéologique flatteuse, affichant un parfait conformisme climatique. L’arrêt du Conseil d’Etat en dira long sur les critères politiques auxquels obéit la plus haute juridiction administrative française, que les bobos révolutionnaires ont investie.

 

Dissolution sur le critère de l’antisémitisme ?

Gérald Darmanin a saisi le procureur de la République afin d’obtenir la dissolution de Civitas après la diffusion de « propos ignominieux » (tels sont les termes du ministre de l’Intérieur) tenus lors de son université d’été en juillet. L’essayiste Pierre Hillard attribuait l’immigration massive d’aujourd’hui en France à la faculté donnée aux étrangers de religion non chrétienne de prendre la nationalité française, dont il voit l’origine dans le décret de naturalisation des juifs en 1791. Il suggérait alors qu’une fois le catholicisme rétabli par hypothèse religion d’Etat, et la règle de catholicité restaurée, nul étranger de religion autre que catholique ne puisse devenir français : étant donné le contexte actuel, cela priverait le flot des migrants musulmans de leur future nationalité française et n’aurait rien de rétroactif.

Dans ce contexte actuel, on peut ajouter que l’hypothèse relève d’un délire irréaliste, voire provocateur. Et que l’hypothétique absence ou difficulté d’accès à la nationalité n’a pas empêché, historiquement, l’immigration massive dans d’autres pays (Suisse, Pays-Bas, Allemagne…). Pourquoi donc avoir invité le statut des Juifs dans le débat ?

Si la revendication de bâtir « une cité catholique », qui est celle affichée par le parti Civitas, l’expose davantage à la vindicte d’un Etat, qui se conforme à l’idéologie maçonnique, que la violence de mouvements éco-extrémistes, il serait sans aucun doute plus opportun de rappeler que l’Eglise catholique n’a jamais prêché l’antisémitisme – qui sous sa forme moderne est celui du gauchisme qu’ont en commun le national-socialisme et le communisme, ainsi que l’islam dans tout son totalitarisme politico-religieux. On retiendra de cette affaire que la traque de l’antisémitisme, façon Darmanin, est à géométrie variable.

 

Les Soulèvements de la terre, organisation à double langage

En juin de cette année, un collectif d’organisations subversives écologistes, emmené par Les Soulèvements de la Terre et La tête dans le sable attaquait un site agricole exploité par la fédération des maraîchers nantais à Saint-Philbert-de-Grand-Lieu près de Nantes. Plus de 2.000 manifestants arrachaient et piétinaient des centaines de milliers de pieds de mâche et de muguet, et de tuyaux d’irrigation. Cet acte de vandalisme à grande échelle causait un préjudice de plusieurs dizaines de milliers d’euros. L’un des agriculteurs visés twittait : « Les zadistes ont détruit nos serres expérimentales en sol vivant et cultures sans pesticides. En toute impunité. » Mais, pour la presse, un cortège de vélos a parcouru tout sourire une trentaine de kilomètres en portant des pancartes telles que « L.R.E.M. Libérez les Radis Et la Mâche », « Eco-résistons contre les libéraux-terroristes du climat ». Julie Laernoes, député EELV de Loire-Atlantique, était présente, comme d’autres élus, à la manifestation.

 

La solidarité du fric, du conformisme et de la révolution

On retrouve la même solidarité transpartisane pour soutenir Les soulèvements de la terre dans leur recours contre la dissolution, et la même tactique du double visage. La France insoumise, EELV et Agir pour l’environnement se sont associés au recours de l’organisation subversive, dont Amnesty International et la Ligue des droits de l’homme avaient déploré la dissolution. Le décret de dissolution ayant constaté que « ce groupement incite à la commission de sabotages et dégradations matérielles, y compris par la violence », les avocats de SLT ont tranquillement répondu que ces faits « ne peuvent être juridiquement qualifié de violences », les « dégradations contre les biens ne mettant pas en danger la vie d’autrui ». On retrouve ici l’attitude classique de l’intellectuel gosse de riche pour lequel l’atteinte au bien, vol ou vandalisme, n’est pas un crime : celui qui travaille et passe sa vie à construire et produire quelque chose a un point de vue différent.

 

Organiser son irresponsabilité pour éviter la dissolution

Mais la défense politique des Soulèvements de la terre a joué sur un autre registre, le flou même de sa composition : d’après eux-mêmes, ils n’ont ni chefs ni statuts, il s’agit d’un « collectif » revendiquant une centaine d’organisations pour 110.000 membres, fondé en janvier 2021 par des anciens de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, associant des organisations comme Dernière Rénovation, Fridays for Future, Extinction Rebellion, Youth for Climate, ATTAC. Ils s’attaquent à tout, du TGV Lyon-Turin aux méga-bassines. C’est à l’occasion des violences extrêmes qu’ils ont perpétrées dans ce dernier cas que Gérald Darmanin a parlé « d’écoterrorisme ». A quoi le collectif répond aujourd’hui que les violences « ne lui sont pas imputables » : les individus qui les ont commises ne sont pas inscrits aux Soulèvements de la terre ! Et pour cause ! Le cynisme de ces responsables irresponsables est souverain.

 

Le Conseil d’Etat contre l’Etat et pour les organisations révolutionnaires ?

Toujours pour fuir leurs responsabilités, ils refusent de reconnaître qu’ils sont « un groupement de fait », préférant se dire « un courant de pensée fondé sur un vaste mouvement, dépourvu de dirigeants comme de membres identifiés ». C’est en effet très pratique. On revendique des groupes locaux, on fait référence à la masse de militants (« plus de cent mille »), on fait donner dans les médias des « voix » multiples, et dans les prétoires des « amis » nombreux, sans que personne jamais ne puisse être tenu pour financièrement, moralement, politiquement, judiciairement, responsable : c’est de l’agitation révolutionnaire en réseau, optimisée pour faire un maximum de bruit pour un minimum de sanctions. Si le Conseil d’Etat, soit dans cette procédure de référé, soit plus tard, quand un autre recours viendra, au fond, devait donner raison aux Soulèvements de la terre, ce serait la preuve que le terrorisme vert est aussi si puissant que les derniers obstacles que peut encore lui opposer la vieille puissance régalienne de l’Etat ont définitivement sauté.

 

Pierrette Mille