Saint Pie X, un modèle de Pape pour l’Eglise

Pie X Pape Eglise
 
Qu’est-ce qu’un bon Pape pour l’Eglise ? Dans la confusion actuelle, la réponse n’est pas évidente. On ne s’avouera pas convaincu par la multiplication à la mode des déclarations intempestives, de valeur doctrinale faible ou nulle, ou même les grands spectacles de type JMJ, car s’il est bon que le Saint-Père rencontre les fidèles, que leur dit-il vraiment, et qu’en reste-t-il dans les âmes des spectateurs ou a fortiori les pays visités ?
A rebours des modes actuelles, le Pape Saint Pie X, rappelé à Dieu il y a exactement cent ans, ne serait-il pas un de ces pontifes modèles, injustement oublié ?
 

Un Pape issu de la méritocratie de l’Eglise

 
Contrairement à une idée reçue négative, l’Eglise sait choisir ses meilleurs éléments parmi la totalité de ses fidèles, et les promouvoir suivant leurs mérites. Ainsi Giuseppe Melchiorre SARTO né à Riese en Vénétie, dans le Nord-Est italien alors dépendant de l’Autriche, en 1835, dans une famille modeste. Après des études au séminaire de Padoue, il est ordonné prêtre en 1858. Il exerce son ministère durant ses premières années comme vicaire rural, à Tombolo. Remarqué pour ses talents très complets, il est promu chanoine à Trévise en 1875, puis évêque de Mantoue en 1884, enfin patriarche de Venise en 1893 – les autorités italiennes franc-maçonnes gênent d’ailleurs son installation. Il se distingue durant ses années par son zèle doctrinal, surveillant en particulier l’enseignement des séminaires, et pastoral, tout comme par la promotion du chant grégorien qu’il a menée avec une ferme volonté.
Son élection en 1903, après la mort de Léon XIII, constitue une surprise. Le nom de Pie X est choisi en hommage aux Papes les plus fermes portant ce prénom au XIXème siècle, c’est-à-dire Pie VII, Pie VIII, Pie IX, qui ont tous condamné la franc-maçonnerie et le libéralisme – la condamnation la plus complète des erreurs modernes se manifestant dans le Syllabus de Pie IX en 1864. Ainsi le nom de « Pie » qui signifie « pieux » en français, constitue-t-il en lui-même un engagement programmatique fort.
 

Pie X : bonne gestion et ferme doctrine

 
Pie X sait choisir un secrétaire d’Etat compétent, en la personne du cardinal Merry del Val. Rappelons que le secrétaire d’Etat tient un rôle essentiel dans l’administration de l’Eglise – il est à peu près l’équivalent du premier ministre dans l’ordre temporel. Afin d’améliorer la gestion de l’Eglise, il lance une réforme du droit canon, qui n’aboutira que sous son successeur Benoît XV en 1917. Il réorganise aussi la gestion des finances du Vatican. Dans le domaine liturgique, il favorise la restauration du grégorien, poursuivant ce qu’il faisait avant d’accéder au trône de Pierre.
La fermeté doctrinale triomphe sous son règne, avec la condamnation solennelle du modernisme, dans l’encyclique Pascendi (1907), et l’imposition aux clercs d’un serment antimoderniste (1910). Sous couleur de moderniser – comme son nom l’indique – l’Eglise, le modernisme conduit à des modifications graves de la définition de la foi catholique. Professer une foi nouvelle est ne plus professer celle que l’on répute ancienne, c’est-à-dire tout simplement celle de l’Eglise. Dans la préface de Pascendi, Pie X s’inquiète particulièrement de la présence de modernistes au sein même de l’Eglise, la sapant de l’intérieur. Le serment antimoderniste qu’il institue restera obligatoire jusqu’en 1967.
A côté de ce combat anti-moderniste majeur, il n’oublie pas de condamner d’autres erreurs, dont la démocratie chrétienne, à travers le cas français du Sillon, en 1910 par l’encyclique Notre charge apostolique. Hélas Pie XII après 1945, et plus encore Paul VI, favorables au parti de la « Démocratie Chrétienne » en Italie, ont encouragé au contraire la démocratie-chrétienne dans le monde catholique. Si l’on considère l’état de ces partis aujourd’hui, tous plus ou moins apostats, les avertissements de Pie X à propos de l’échec nécessaire des idées généreuses et confuses paraissent prophétiques.
 

Le Pape et le catéchisme

 
Sa fermeté doctrinale ne correspondait pas à un esprit passéiste égaré, comme on l’en accuse souvent aujourd’hui, mais au contraire à la nécessité de transmettre le dépôt intégral de la foi déjà très menacé. Les choses ne se sont pas arrangées un siècle plus tard sur ce point, et saint Pie X demeure une grande source d’inspiration et un saint à prier. Animé du plus grand amour pour les fidèles le Pape fit rédiger à leur intention un exposé simple, universel, de la doctrine catholique, à travers le Catéchisme de saint Pie X (1906). Il est toujours valable et précieux pour les foyers catholiques à l’heure où l’on peut entendre dans l’Eglise beaucoup de fantaisies déplorables. Cela ne l’empêchait pas d’innover, par exemple en fixant par le décret « Quam Singulari » du 8 août 1910 l’âge de la première communion dès l’âge de 7 ans – au lieu de 12 ans auparavant, à la condition, bien sûr, que l’enfant jouisse d’un clair discernement.
Toutefois, contrairement à une légende hostile courante, Pie X ne répugnait pas à mener une étude fine des contextes politiques et à les prendre en compte dans son action. Ainsi, il se refusa à condamner en France l’Action française, estimant son combat fondamentalement bon, malgré ce qu’il jugeait comme des erreurs doctrinales et la personnalité alors fermement agnostique de son chef Charles Maurras.
 

L’Eglise et les Etats

 
Pie X se montre dans la plus grande fermeté à son époque d’offensive des gouvernements fortement influencés par la franc-maçonnerie contre l’Eglise, que ce soit en France avec la loi de séparation en 1905, ou au Portugal avec une législation anticléricale semblable en 1911. Le Saint-Père ne peut empêcher ces mauvaises législations, mais il refuse fermement tout accommodement pratique, réaffirmant au contraire à ces occasions la ferme doctrine catholique. La persécution française de l’Eglise est condamnée dans les encycliques « Vehementer Nos » et « Gravissimo Offici Munere » (1906). Il démonte le sophisme qui consiste à prôner au nom de la liberté humaine la séparation totale de l’Eglise et de l’Etat, tout en respectant théoriquement la foi : une telle séparation revient à l’apostasie de toute la société. A l’époque, certains chrétiens libéraux ont jugé ses propos excessifs, voire inutilement provocateurs et contreproductifs. Un siècle plus tard, il est clair que la vision du Pape a été très juste sur le long terme. En 1905-1906, Pie X refusa aussi la mesure des « associations cultuelles » prévues par la loi de séparation de 1905. Bien qu’elles se présentassent comme purement techniques, elles tendaient en fait à transformer les structures de l’Eglise catholiques en structures démocratiques, sur le modèle des associations laïques et des consistoires protestants ou juifs. Il dénonce aussi le vol pur et simple des biens de l’Eglise qu’il y eut alors. Les associations diocésaines mises en place bien plus tard en 1923 respectent les principes hiérarchiques catholiques. Le Pape a eu donc parfaitement raison de se montrer ferme.
Les dernières semaines de son pontificat sont assombries par les très fortes tensions diplomatiques, contre lesquelles la diplomatie pontificale se trouva impuissante, refusée par les francs-maçons, les protestants, les orthodoxes, soit presque tous les Etats. La guerre de 1914 éclata, provoquant des affrontements terribles entre Nations chrétiennes. Le saint Pape en serait mort de tristesse.
 

Saint Pie X, exemple toujours actuel

 
Saint Pie X (1903-1914), rappelé à Dieu voilà cent ans le 20 août 1914, offre un modèle à la fois clair et différent : celui d’une modestie et d’une piété constantes, profondes, non ostentatoires, d’une grande charité doublée d’une fermeté doctrinale sans aucune ambiguïté. Tous ces éléments ont manqué terriblement durant ces dernières décennies aux fidèles catholiques. Ce caractère exemplaire est d’ailleurs confirmé par sa canonisation, effectuée après une procédure des plus longues et rigoureuses, le 29 mai 1954, par le Pape Pie XII. Il est fêté le 3 septembre selon le calendrier liturgique traditionnel, ou le 21 août dans le nouveau.
 
Les encycliques de Saint Pie X, comme celles des autres Papes depuis Léon XIII, sont disponibles en français sur le site vatican.va .