Bien qu’attaché aux promesses d’espoir de Jean-Paul II et Benoît XVI, le cardinal Sarah craint qu’en se coupant de ses racines chrétiennes, l’Europe n’amène une grande crise de toute l’humanité, renouvelant les avertissements d’Alexandre Soljenitsyne. Pour l’éviter, il appelle une réforme urgente de l’Eglise catholique grâce à la « contagion de la Sainteté ». Parmi les méthodes qui pourront amener la « conversion » souhaitée figurent la prière, le silence, l’éternité, contre les reconnaissances sociales, politiques et financières. Et la maîtrise de soi que les séminaires doivent à nouveau apprendre à un clergé dont l’affaire des abus sexuels a montré qu’il n’a pas toujours été bien formé.
Sarah : l’Afrique a reçu le Christ et l’Eglise de l’Europe
Première constatation, l’apostasie d’une Europe « toute entière marquée par le christianisme », ouvrirait « une grande crise de toute l’humanité » dont le cardinal Sarah voit « de loin en loin, quelques prémices. Qui ne peut déplorer les lois sur l’avortement, l’euthanasie, les nouvelles lois sur le mariage et la famille ? » Or l’Europe a une responsabilité mondiale : « Je n’oublie pas que si j’ai reçu avec ma famille la connaissance du Christ, c’est grâce à des missionnaires français. (…) Pour nous, Africains, comment comprendre que les Européens ne croient plus à ce qu’ils nous avaient donné avec tant de joie, dans les pires conditions ? (…) Comment oublier cet héritage sublime que les Occidentaux semblent laisser sous une triste poussière ? ». Cette question angoisse l’Afrique qui a reçu la foi à travers l’Europe, comme la disparition des chrétientés d’Orient devrait nous angoisser : c’est cette régression, même locale, du christianisme, qui menace de provoquer la « grande crise de l’humanité ».
Contre la grande crise de l’humanité, une réforme est nécessaire
Comme Soljenitsyne, le cardinal Sarah attribue cette chute, en particulier, à la falsification de la notion de liberté et à l’établissement du mensonge en règle de vie. Il invite les catholiques à s’y opposer et user de leur liberté : « En France, la “Manif pour tous” donne un exemple d’initiatives nécessaires. Ce fut une manifestation du génie du christianisme. » Dans cet esprit, une réforme de l’Eglise et des chrétiens est nécessaire : « Dans ce monde affairé, où le temps n’existe ni pour la famille ni pour soi-même, encore moins pour Dieu, la vraie réforme consiste à retrouver le sens de la prière, le sens du silence, le sens de l’éternité ». En particulier pour les clercs, prêtres, évêques et cardinaux qui ne sont pas « des hauts fonctionnaires » et ne doivent pas oublier « les promesses de (leur) ordination sacerdotale ».
Pour Sarah, les clercs doivent prendre le chemin du jeûne
C’est pourquoi, tant pour ranimer leur vigueur apostolique que pour ne pas sombrer dans les abus sexuels, les clercs doivent associer le jeûne à la prière « Il serait fallacieux de mettre Dieu à la première place dans notre vie si notre corps aussi n’était pas réellement impliqué ». En lui refusant « non seulement des aliments, mais aussi certains plaisirs et besoins biologiques fondamentaux. (…) C’est pourquoi, dès le début de la tradition chrétienne, la chasteté, la virginité, le célibat consacré et le jeûne sont devenus des expressions indispensables du primat de Dieu et de la foi en Lui. » Aussi le cardinal Sarah donne-t-il en exemple à la nécessaire réforme de l’Eglise, la formation reçue des Spiritains lorsqu’il était au séminaire.
Contre la crise morale des années 70, la nécessaire réforme de l’Eglise
« Toutes nos journées étaient pensées en fonction d’une discipline de l’esprit et du corps. Cette ascèse était comprise comme un chemin de sanctification et d’imitation de Jésus ». Et de choisir la métaphore de la liane : « Elle rampe au sol jusqu’à ce qu’elle rencontre un arbre robuste. Alors elle s’accroche et grimpe jusqu’à la cime. (…) Si nous ne trouvons pas un arbre solide, dont les racines sont nourries par Dieu, pour nous faire monter vers le Ciel, il n’y a aucune chance que nous puissions voir la lumière ». Il faut donc que les jeunes vocations puissent s’enrouler autour de Dieu. C’est là-dessus que devra porter d’abord la réforme urgente que Sarah dit « voulue par François » : « Une des raisons de la crise morale trouve sans nul doute son origine dans la révolution sexuelle hédoniste des années 1970. Face à cette “libération” des corps, tournée vers des pulsions, au refus de toute entrave, et devant l’érotisation de pans entiers de la société, l’Eglise n’a pas fait l’effort de former plus profondément ses ministres. Le début de la réforme doit se concentrer sur les écoles catholiques et les séminaires ». Est-ce bien dans cette direction que vont les « chemins synodaux », eux aussi voulus par François ?