Le choc des mots
“Sauvageons” : conçu pour masquer la réalité, le mot mesure au contraire l’ensauvagement de la France de Chevènement à Cazeneuve

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A vingt ans d’intervalle, deux ministres de l’intérieur ont utilisé le même euphémisme pour masquer l’agressivité de certains « jeunes », mais la réalité se venge : le mot sauvageons appliqué à l’attaque de policiers au cocktail Molotov samedi à Viry-Châtillon donne la mesure de l’ensauvagement de la France entre le ministère de Jean-Pierre Chevènement et celui de Bernard Cazeneuve.
 
Le député britannique Enoch Powell prédit en 1968 que l’immigration de masse en Europe allait produire des « rivières de sang ».
 
Elles en seront peut-être la conséquence ultime, mais pour l’instant, les pertes humaines ne sont que des « dommages collatéraux » d’un processus dont le succès dépend au contraire de son apparente bénignité. Il ne faut pas que l’agresseur soit perçu comme tel, mais au contraire comme une victime, un ami, un protégé.
 
C’est un autre prophète, Jean Raspail, qui a décrit le fonctionnement de la chose dès 1973 dans son célèbre roman Le camp des Saints. Une compassion maladive, fille adultérine d’une charité chrétienne devenue folle et de la mauvaise conscience fabriquée par la repentance, liquide nos défenses immunitaires et permet la submersion de la France par des populations allogènes.
 
Pour sidérer durablement l’opinion et stimuler cette compassion, les médias n’épargnent ni les images ni les chiffres. La photo d’un enfant sur une plage turque a fait le tour du monde, et pas une semaine ne passe sans qu’on nous dise combien de milliers de candidats à l’immigration sont morts noyés en Méditerranée.
 

Le mot pour masquer la réalité

 
Mais le mot est tout aussi important. En choisissant le bon mot, c’est-à-dire le mieux frelaté, on écarte de la conscience des peuples la réalité qu’ils vivent pour leur imposer l’utopie de leurs maîtres. Invasion se dit « accueil de l’autre » dans le vocabulaire moral para-religieux, et « quota de répartition des migrants, ou des réfugiés » dans la langue de papier de la Commission européenne – le mot migrants et le mot réfugiés étant eux-mêmes des euphémismes qui cachent le mouvement de l’im-migration, la réalité de l’invasion.
 
Ce travail sémantique a commencé dès les années quatre-vingt avec le mot « jeunes », synecdoque qui servit à masquer l’origine ethnique et religieuse des individus désignés, minimiser leurs méfaits et imputer ceux-ci à leur seul âge.
 
Lorsqu’il était ministre de l’intérieur de Lionel Jospin à la fin des années quatre-vingt-dix, Jean-Pierre Chevènement utilisa le mot « sauvageons » pour désigner ces individus. Un sauvageon est en horticulture un arbre franc de pied : le ministre signifiait ainsi qu’il expliquait les « incivilités » (autre mot servant à nier la réalité) des sauvageons par les lacunes de l’éducation que la France leur avait dispensée.
 
Aujourd’hui, hélas, les « incivilités » ont atteint un tel niveau que l’on se rapproche de la prophétie d’Enoch Powell. Si l’on n’observe encore que des ruisselets de sang, de véritables torrents de violence deviennent courants.
 
Pour masquer cette terrible réalité sociale, le système utilise une parade supérieure à l’image, au chiffre et au mot : le silence.
 
Silence dans les banlieues, silence à Calais, silence à Cologne : sur ordre du gouvernement allemand, la police a d’abord étouffé l’événement, minoré les chiffres, caché les images. Mais, grâce à Internet, les choses finissent aujourd’hui par se savoir.
 

Les sauvageons de Cazeneuve et ceux de Chevènement

 
C’est ce qui a perdu Bernard Cazeneuve. Pour commenter l’attaque des policiers de Viry-Châtillon par des agresseurs armés de cocktails Molotov, il a cru pouvoir utiliser le mot « sauvageons ». Mais l’euphémisme lui est revenu dans la figure comme un boomerang mal lancé : chacun a pu visionner des images d’une violence incroyable. Les « sauvageons » étaient des barbares sans mesure qui voulaient tuer. Alors Cazeneuve a voulu se justifier. Moins bon connaisseur de la langue française que Chevènement, il ignore l’étymologie du mot sauvageons, il s’en est tiré en disant que « dans « sauvageons » il y a sauvage. » C’est exactement cela, et le mot lancé pour euphémiser la réalité la révèle. Les bris de mobilier urbain des « sauvageons » de Chevènement n’étaient pas des « incivilités », mais des violences déjà graves ; les cocktails Molotov des « sauvageons » de Cazeneuve visent à tuer, et à tuer des policiers, qui sont le symbole de l’Etat. Le progrès dans le mal est manifeste. La maladresse sémantique d’un ministre de l’intérieur mesure l’ensauvagement de la France en vingt ans.
 

Pauline Mille