Suella Braverman, désormais ex-ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni, a eu deux torts : elle s’est insurgée contre la tenue d’une manifestation pro-Hamas à Londres et a demandé que la police fasse, impartialement, son travail à cet égard, et elle a voulu mettre un terme à l’arrivée de migrants par mer au mépris de la Cour européenne des droits de l’homme qui a émasculé les recours et les actions politiques à cet égard au nom des droits des clandestins. La voilà remplacée par David Cameron, qui n’a jamais réussi à mettre un frein à l’immigration et qui a même, en tant que Premier ministre, joué sa propre partition woke.
Jacob Rees-Mogg dénonce le manque de virilité politique de Rishi Sunak
Dans une tribune vigoureuse publiée par le Telegraph de Londres, le député conservateur Jacob Rees-Mogg, ancien leader de la Chambre des Communes et ancien ministre qui a quitté le gouvernement à l’arrivée de Rishi Sunak, a renoué avec des propos très vifs contre le Premier ministre en annonçant que le renvoi de Mme Braverman annonçait le refus de prendre toute vraie mesure contre une politique ferme en matière d’immigration, légale notamment.
Voici la traduction intégrale de cette tribune.
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Le renvoi de Suella Braverman vu par Jacob Rees-Mogg
Suella Braverman semble avoir été congédiée pour avoir suivi la politique et les principes conservateurs de manière trop prononcée au regard des goûts raffinés et de la sensibilité du Premier ministre.
A chaque élection depuis 2010, sous la conduite de David Cameron, les conservateurs ont promis de réduire l’immigration. Cette promesse n’a pas été honorée – l’immigration légale et illégale est montée en flèche, 606.000 personnes étant arrivées légalement l’année dernière. Cette situation n’est plus imputable à l’Union européenne ; il s’agit d’une décision consciente des décideurs politiques, encouragés par le Trésor lui-même rattaché à l’Office de la responsabilité budgétaire, dont les erreurs sont légion.
Suella voulait mettre un terme à cette situation et n’acceptait pas de poursuivre une politique d’immigration légale laxiste. Elle était également opposée à toute concession dans les accords commerciaux qui aurait pour effet d’affaiblir les contrôles. Elle a également pris acte du fait que, si l’on veut mettre un terme à l’activité des petits bateaux, ce pays pourrait être amené à quitter la Convention européenne des droits de l’homme. Sans doute, mercredi, alors que la Cour suprême doit se prononcer, aurait-elle réitéré son point de vue en faveur de la mise en œuvre de la politique du gouvernement, l’une des cinq promesses du Premier ministre, rien de moins. Elle a été remplacée, plutôt, par un nouveau ministre de l’Intérieur qui a déclaré publiquement qu’il ne voulait pas quitter la Convention, et par un ministre des Affaires étrangères qui est un Européen convaincu. Il est clair désormais que le sale boulot qui consiste à mettre en œuvre des politiques qui déplaisent dans les enceintes sacrées de l’Europe est un délit qui peut être sanctionné par un renvoi.
Suella s’est opposée aux marches antisémites et a demandé à la police de faire preuve d’impartialité. La plupart des conservateurs considéreraient ces opinions comme assez classiques – de fait, Sir Robert Peel, le père fondateur de la police, voulait une force de police indépendante et impartiale. Pourtant, la demande de Suella a été perçue comme une remise en cause de la culture woke au sein de la police métropolitaine et d’autres forces, comme en témoigne la différence de traitement policier de la veillée de Sarah Everard et des manifestations marxistes de Black Lives Matter. Le Premier ministre ne semble pas vouloir en disconvenir et a courageusement convoqué le commissaire de la police métropolitaine, Sir Mark Rowley, pour avoir une gentille discussion à ce sujet la semaine dernière. Suella, en revanche, a écrit un article sans détour pour le Times, affirmant hardiment les responsabilités de la police. Une nouvelle fois, l’air raffiné de la table d’honneur a été souillé par la franchise de Suella ; elle devait donc partir.
Hélas, du fait de son départ, le gouvernement cessera de prendre au sérieux la lutte contre l’immigration. Il veut la fin, mais n’est pas assez fort pour appliquer les moyens. L’immigration légale pourrait être gérée par des directives ministérielles. Cela ne nécessite pas de texte législatif fondamental, car les règles pourraient être durcies par une série de règlements ou d’instruments statutaires. La question de l’immigration clandestine ne sera pas réglée tant que nous obéirons à la CEDH.
Le renvoi de Suella Braverman élimine une avocate de la politique conservatrice orthodoxe si populaire dans le pays. Cela s’applique aux marches autant qu’à l’immigration. Protester participe de la liberté d’expression et doit être protégé, mais la haine, la violence et l’antisémitisme n’en font pas partie. Ceux qui se joignent à ces personnes doivent s’interroger sur leurs fréquentations et la police doit regagner la confiance de la plus grande partie de la population en contrôlant correctement ces événements.
De nombreux conservateurs verront ce remaniement et penseront que le Premier ministre ne veut pas s’occuper de leurs préoccupations. Il n’est pas assez homme pour se soucier de ces questions, celles qui préoccupent le plus les électeurs. Peut-être qu’après le populisme de Boris Johnson, c’est quasiment un anti-populisme qui s’est installé. Malheureusement, ce raffinement ne s’étend pas aux simples bonnes manières qui auraient consisté à congédier Suella face à face. Dérogeant aux conventions habituelles de la vie publique, Suella a été renvoyée par téléphone par un Premier ministre qui a peut-être trouvé la perspective de rencontrer la Boadicée de notre époque un peu trop intimidante.
Jacob Rees-Mogg