Parfois un brin de sagesse vient de la peur des urnes. C’est semble-t-il ce qui se passe au Royaume-Uni où le Premier ministre, Rishi Sunak, a convoqué à la hâte une conférence de presse mercredi pour annoncer un moratoire de cinq ans sur la fin légale de la vente de véhicules thermiques neufs. Plus radicale encore que dans l’Union européenne, l’interdiction des moteurs diesel et essence était prévue pour 2030 pour arriver au « net zéro émission carbone ». Les Britanniques seront mangés à la même sauce que les habitants de l’UE. Et pourront continuer de vendre et d’acheter des véhicules à essence ou à diesel d’occasion même après 2035. Comme d’autres restrictions sur le « thermique », celle-là risquait de poser très lourdement sur le portefeuille des Britanniques qui n’en peuvent déjà mais des mesures censées stopper le « réchauffement climatique ». Des assouplissements similaires et même l’abandon de mesures existantes ou prévues ont été annoncés par le Premier ministre. Il en va ainsi des chauffe-eau à gaz neufs qui devaient être interdits en 2035.
Comment expliquer ce pas en arrière dans un domaine aussi sensible que celui des émissions carbone ? La grande presse britannique, un peu moins bridée que la nôtre, multiplie les articles sur le coût des remplacements des voitures, des chauffages et autres dispositifs énergivores. Sans compter les complaintes d’utilisateurs de véhicules électriques dont les trajets deviennent cauchemardesques du fait du manque de chargeurs et des temps d’attente qui ponctuent les voyages longs devenus interminables lorsqu’il faut remplir une batterie à l’autonomie succincte. La pression populaire joue ici son rôle. Tant mieux, mais cela n’empêche pas pour autant le gouvernement britannique de rester grosso modo sur les rails du net zéro, ni de promouvoir les « renouvelables » (éolien et photovoltaïque) dont l’installation sera facilitée.
Rishi Sunak est déjà en campagne
Il est clair que Rishi Sunak est déjà en campagne électorale face à un Parti travailliste on ne peut plus « Vert » mais aussi vis-à-vis de conservateurs sensibles aux charmes d’une Greta Thunberg ; en début de mois, il contestait déjà la fin de l’expansion des aéroports.
Pour les chaudières à gaz, il vient donc de déclarer que le remplacement ne sera plus obligatoire pour un cinquième des foyers dont le domicile ne peut pour diverses raisons être chauffé par une pompe à chaleur. Pour les autres, la date fatidique de 2035, où la vente de nouveaux chauffe-eau à gaz sera en principe interdite, restera en vigueur (aux dernières nouvelles) mais ils pourront bénéficier d’une aide d’Etat augmentée de 50 % pour atteindre 7.500 livres sterling… payée par le contribuable bien sûr. C’est malgré tout l’Etat qui décide au bout du compte et qui dépense la richesse des sujets de Sa Majesté. En attendant, la population ne s’est pas du tout ruée sur les aides existantes puisque seuls 14.800 demandes des bons d’aide existants, de 5.000 à 6.000 livres selon la variété de pompe, ont été réclamés à ce jour. En moyenne, l’installation d’une pompe à chaleur coûte 13.000 livres.
Rishi Sunak a promis, juré, que nul ne se verra obligé à remplacer une chaudière à gaz qui fonctionne par une pompe à chaleur.
Les chaudières à fioul devaient quant à elle être remplacées avant 2026 ; là encore la date a été repoussée à 2035.
Comme en France – et cela prouve qu’il ne suffit pas de faire un Brexit pour échapper aux exigences mondialistes dictées par le « changement climatique » – le Royaume-Uni devait également mettre en place une interdiction de louer des biens ayant un mauvais DPE (diagnostic de performance énergétique), la note « C » devant être exigée d’ici à 2025 sous peine d’amende de 30.000 livres pour les locations nouvelles, et d’ici à 2028 pour les locations en cours. A l’heure actuelle, 2,4 millions de locations privées en Angleterre devraient présenter un DPE inférieur, soit 56 % des locations privées.
Confronter l’idéologie du « net zéro » à la réalité
Mais à la différence de ce qui se passe en France, Rishi Sunak a là encore décidé d’abroger le dispositif, dans la mesure où celui-ci pouvait obliger des propriétaires à vendre ou à cesser de louer leur bien, avec en corollaire la pénurie de logement et la hausse des loyers. A l’heure qu’il est, 65.000 biens loués ont déjà été mis en vente au cours du premier trimestre de 2023, dont plus de la moitié classés D ou moins.
Sunak s’est engagé à continuer de subventionner l’efficacité énergétique mais il a promis en même temps qu’aucun foyer ne serait contraint de changer son mode de chauffage.
Autres promesses : le Premier ministre s’est engagé à ce qu’aucun plan ne soit mis en route pour obliger les gens à avoir recours au covoiturage, assurant que cela constituerait une ingérence trop importante dans la manière dont les gens vivent leur vie ; il n’y aura pas non plus de nouvelles taxes directes pénalisant les passagers qui voyagent souvent en avion.
Le gouvernement Sunak promet également de ne chercher à modifier les régimes alimentaires des habitants du Royaume-Uni en taxant la viande ou des produits laitiers en vue de réduire les émissions carbone, afin de ne pas alourdir de budget des gens qui travaillent « et de faire du tort aux agriculteurs britanniques ».
Pour finir, Rishi Sunak a annoncé que son gouvernement renonce à mettre en place de nouvelles exigences de tri sélectif. « La proposition selon laquelle nous devrions vous obliger à avoir sept poubelles différentes chez vous, je l’ai mise au rebut », a-t-il dit. Il faut dire que les municipalités avec calé devant le projet de collecter séparément les déchets organiques, les déchets verts, le métal, le plastique, le papier et le carton, outre les déchets non recyclables.
Bonnes nouvelles que tout cela, à ceci près que les promesses n’engagent évidemment que ceux à qui elles sont faites… et qu’une hirondelle ne fait pas le printemps au pays des climato-alarmistes.
Mais on retiendra la leçon : il est important de résister face à la folie, on gagne au moins un peu de temps.