La Chambre des Lords du Parlement britannique a voté jeudi 19 avril un amendement à la loi organisant la sortie de l’Union européenne, qui permettrait de bloquer le processus de Brexit en maintenant le Royaume-Uni dans l’union douanière et en bridant sa liberté commerciale. Le vote de ces parlementaires non élus – les « pairs », pour la plupart nommés par la reine sur proposition du Premier ministre du moment – a suscité le lancement d’une pétition exigeant l’abolition de cette « chambre haute » de 850 membres. Si la motion populaire réussit à réunir plus de cent mille signatures, ce qui ne fait guère de doute, un débat devra obligatoirement être organisé sur le sujet au Parlement. La Chambre des Lords a vu ses pouvoirs régulièrement réduits et a perdu son rôle de Cour suprême depuis 2009.
Les Lords ont adopté l’amendement par une forte majorité rassemblant travaillistes, libéraux-démocrates et 24 conservateurs
Les Lords ont voté l’amendement permettant de bloquer un Brexit complet par une forte majorité de 123 voix, venues principalement des travaillistes et des libéraux-démocrates, auxquels se sont jointes celles de 24 conservateurs rebelles parmi lesquels les anciens ministre Lord Patten, Lord Heseltine et Lord Willetts. Il s’agit d’une véritable gifle assénée par l’oligarchie politique britannique socialiste et libérale aux plus de 17 millions de Britanniques qui ont soutenu le Brexit lors du référendum de 2016. Le texte de la pétition proteste contre le fait que la chambre des Lords soit « un groupe issue d’un copinage où des individus non élus et hors de tout contrôle détiennent une influence et un pouvoir disproportionnés susceptible d’être utilisés pour faire obstacle aux représentants élus du peuple ».
L’ancien ministre Lord Forsyth, favorable au Brexit, avait dès avant le scrutin sur l’amendement des Lords, mis en garde cette « chambre non élue » de ne « pas jouer avec le feu », taxant le débat sur le texte de « campagne qui opposera les pairs aux peuple ».
Jacob Rees-Mogg accuse la Chambre des Lords de « mépriser la démocratie »
Pour Nigel Farage, ancien dirigeant du parti souverainiste UKIP, « il est temps de fermer la chambre des Lords et d’en expulser Cameron et Blair », anciens premiers ministres europhiles devenus lords. Jacob Rees-Mogg, élu conservateur europhobe aux Communes, a quant à lui taxé les Lords « d’hommes des cavernes » totalement « déconnectés du peuple ». Il les accuse de tout faire pour empêcher le Brexit dans un réflexe de « mépris de la démocratie ». « Ces pairs gratifiés de confortables rentes versées par l’Union européenne ont voté pour protéger leurs avantages acquis », a-t-il accusé, relevant que les sondages ont constamment montré que 60 % à 70 % de l’électorat britannique a accepté le verdict du référendum contre le Brexit, « et entend bien que la décision soit appliquée ».
Suppression ou réforme de la Chambre des Lords
Un important groupe de pression, l’Electoral Reform Society, qui milite pour que la Chambre des Lords soit élue par le peuple, l’accuse d’être pléthorique et coûteuse, dressant un réquisitoire implacable : « La Chambre des Lords ne parvient absolument pas à représenter les divers talents et expériences des citoyens du Royaume Uni. Elle échappe à tout contrôle et, avec plus de 800 membres, elle est la deuxième assemblée législative par son nombre après celle de Chine ». L’Assemblée nationale populaire de Chine communiste affiche 2.980 membres « élus » au suffrage indirect à plusieurs niveaux.
La Chambre des Lords n’a pas le dernier mot mais peut retarder les décisions des Communes
La Chambre des Lords, 850 membres, comprends 92 pairs héréditaires, les 26 évêques de l’Eglise d’Angleterre (anglicane), les autres étant nommés à vie sur proposition du Premier ministre. Dans le processus législatif, la Chambre des Communes a le dernier mot, mais les Lords peuvent retarder l’adoption d’une loi ou imposer aux Communes de débattre sur ses propres propositions.
L’Electoral Reform Society propose de substituer à l’actuelle chambre des Lords une haute assemblée élue à la représentation proportionnelle, qui offrirait une meilleure représentation aux petits partis tels que l’UKIP actuellement laminés par le scrutin uninominal de circonscription à un tour pratiqué pour l’élection de la Chambre des Communes. Ce mode de scrutin reste toutefois moins brutal et oligarchique que celui pratiqué en France, lequel impose un second tour permettant les arrangements entre partis dominants pour conserver leurs places.