Synode sur la famille : pastorale de la confusion ou doctrine du mariage ?

Synode sur la famille, pastorale de la confusion ou doctrine du mariage
 
Au bout d’une semaine de synode extraordinaire sur la famille, et en attendant la seconde, une impression domine : celle d’une Eglise désemparée devant les mœurs de son temps, soucieuse de trouver le ton juste, la pastorale idéale pour ramener les brebis égarées, comme si elle ne connaissait pas la réponse contenue depuis l’origine dans la doctrine du mariage. Ce n’est pas nouveau dans l’histoire de l’Eglise et c’est sans doute l’hebdomadaire La vie (ex-catholique) qui résume le mieux la situation en quelques mots : « Le synode sur la famille prend des airs de concile. » Et pas de n’importe lequel : celui qui a abouti dans la confusion à l’aggiornamento de l’Eglise, Vatican II.
 
Là aussi, le souci fut de se mettre au goût du jour, de trouver une nouvelle « pastorale » sans toucher à la doctrine, d’attirer de nouveau à soi tous ces millions de gens qui étaient en train d’échapper à l’Eglise, la classe ouvrière, les modernes, ceux qui commençaient à trouver le carcan trop lourd. On sait ce qu’il en advint : la pratique religieuse devient l’exception et de vieux pays d’Europe jadis chrétiens sont tombés dans une sorte de religiosité athée où les bons sentiments admettent tout, supportent tout, justifient tout – à l’inverse de la charité vraie qui veut le bien de l’autre et donc son adhésion à la vérité.
 

Pastorale contre exclusion, ou pastorale contre doctrine ?

 
Au nom de la « pastorale », alors comme aujourd’hui, on recherche des pratiques qui donnent à chacun le sentiment de faire partie du groupe. Il n’y a plus d’anathème sauf contre la notion d’anathème, on s’autorise des réflexions « audacieuses » sur des solutions « nouvelles » qui permettront de « toucher les gens là où ils sont », en bannissant toute « exclusion ». Le Christ n’est-il pas venu pour les pécheurs ? L’Eglise – pour reprendre le mot du pape François – n’est-elle pas un « hôpital de campagne » chargé d’aller aux « périphéries » ?
 

Une pastorale qui minimise la doctrine

 
Le problème de ce langage, c’est qu’en définitive il ne dit rien. Les plus progressistes des participants au synode – tel le cardinal Kasper qui a lancé au dernier consistoire son ballon d’essai sur la « communion aux divorcés remariés » – se gardent la plupart du temps de s’attaquer à la doctrine catholique sur le mariage, doctrine certaine, indiscutable. Mais ils habillent sa mise en œuvre sous les apparences d’une « discipline » qui pèserait trop lourdement sur les épaules des gens ordinaires ; ses exigences deviennent des idéaux qu’on ne pourrait atteindre qu’au prix d’un « héroïsme » en pratique interdit au chrétien de base.
 
Après Walter Kasper accusant les cardinaux « idéologues » de la doctrine juste de s’en prendre au pape à travers sa propre personne, François lui-même avait laissé entendre en prononçant son homélie d’ouverture du synode qu’il se situait de ce bord-là, dénonçant « les mauvais pasteurs qui chargent sur les épaules des gens des fardeaux insupportables qu’eux-mêmes ne déplacent pas même avec un doigt ».
 

Le mariage dans une incertitude institutionnalisée

 
Pour autant, le pape François n’a rien dit de clair sur le sujet. A l’évidence, il demande le tourbillon, presque le brainstorming, le brassage de toutes les idées même hétérodoxes. Cela peut être une manière de désamorcer une fronde qui sourd partout où les chrétiens quittent peu à peu la pratique religieuse, où les pasteurs ont oublié à quel saint se vouer pour rassembler le troupeau, en forçant cette fronde à se manifester au grand jour. Seul l’avenir le dira. Mais on peut oser au moins cette remarque : avec un synode aussi médiatisé, et en même temps aussi secret – les interventions des pères synodaux se font à huis clos –, à quoi s’ajoutera une longue année de discussions et donc d’égarements possibles jusqu’au deuxième synode prévu en octobre 2015, c’est une institutionnalisation de l’incertitude et souvent de la confusion. Quelle que soit l’intention, le jeu est risqué.
 

Le mariage et les sacrements

 
Mais revenons aux brebis égarées qui ne sont pas en règle avec la doctrine catholique sur le mariage – ce qui embrasse à la fois le divorcé « remarié », l’adepte de l’union libre, l’homosexuel vivant en couple, celui qui a choisi la contraception. Ce chrétien, il faut quand même s’en occuper, semblent-ils dire – et donc trouver un moyen de lui permettre de faire pleinement partie de la « communauté », d’accéder aux sacrements que le divorcé n’ayant pas choisi la chasteté par fidélité à son époux ne peut recevoir : ni l’absolution après la confession, faute de ferme résolution de rompre avec son « adultère », ni a fortiori l’Eucharistie.
 

Le synode sur la famille : sociologie ou salut éternel ?

 
Question : se préoccupent-ils d’abord du salut éternel de ces personnes, qui est le vrai souci de l’Eglise ? Ou de leur bien-être psychologique, de manière à ce que, trouvant leur curé, leur paroisse, leurs frères et sœurs chrétiens « accueillants », elles aient le désir de ne point trop s’en éloigner ? Mais pour quoi ? Pour faire nombre ? Pour qu’ils aient l’impression de « faire partie » du groupe ? Le groupe, en l’occurrence, est le Corps du Christ…
 
Qu’il faille une « pastorale », nul ne le conteste. La question est bien de savoir à quoi elle doit servir : être sa propre fin – rassemblement du troupeau – ou servir de moyen pour que chaque membre de ce troupeau effectivement bigarré, divers, imparfait, puisse obtenir le pardon de ses fautes et les grâces nécessaires au salut.
 
Le « synode des médias » met systématiquement l’accent sur toutes les propositions visant à assouplir la « discipline » du mariage et de la sexualité, mais c’est bien parce que ces propositions sont émises, soit à l’intérieur du synode, soit par des ecclésiastiques progressistes qui semblent avoir mangé du lion en observant les débats et les penchants apparents des gens bien en cour au Vatican.
 

La confusion du mariage pour tous

 
En France, le P. Nicolas de Brémond d’Ars, prêtre et sociologue, ne prononce aucun jugement de valeur en observant que « le modèle familial par lequel on va organiser la vie des gens, c’est-à-dire ce qui gère l’enfantement et la sexualité, est en train de pivoter complètement ». C’est dans un entretien accordé au Progrès, reproduit par le site Riposte catholique, qu’il observe sans effroi « l’évolution de la société française depuis 40 ans », avec « l’avortement, le divorce, l’héritage, le pacs et, logiquement, est venu le mariage pour tous ».
 

Confusions dans la doctrine du mariage

 
Le P. Antoine Guggenheim, professeur à l’Ecole cathédrale, observe aussi, et ose, dans La Croix quant à lui, des jugements de valeur. Au nom de la « rencontre » et de « l’écoute » – nouvelles vertus cardinales et très traditionnelles tartes à la crème pour tout « chrétien engagé dans le monde d’aujourd’hui » qui se respecte – il propose de différencier l’homosexualisme idéologique niant les différences entre hommes et femmes, et « l’amour authentique » que se portent deux personnes homosexuelles, « quel que soit leur degré de chasteté », pour donner à ces dernières un « bénédiction de Dieu et de l’Eglise pour faire le bien ». Car tout homme en a besoin, dit-il.
 

Le Synode sur la famille devra dire le bien ou plaire

 
C’est là le point névralgique de tout ce « débat » à propos de choses certaines. Il s’agit, au nom d’une miséricorde dont on parle beaucoup tout en refusant sa définition exacte, de nommer bien – benedicere, bien dire – ce qui est mal, et mal ce qui est bien. A cette aune, le rappel de la doctrine devient une manière de discrimination, d’exclusion, de stigmatisation. En d’autres termes, l’homme s’arroge le droit de dire ce qui est bien, de dire ce qui est mal. Et il s’en sert pour les inverser.
 

Une confusion dans la doctrine bien ancienne

 
La tentation est fort ancienne : elle remonte au premier jardin et à la première faute. Et elle aboutit, lorsqu’on va au bout de sa logique, non pas à la miséricorde, mais à son contraire : très exactement au refus de la miséricorde aussi bien de la part de celui qui doit la communiquer que de la part de celui qui doit la recevoir, puisque le regret et le pardon en sont volontairement exclus.
 
C’est la bataille entre cette conception de l’homme et les paroles rédemptrices du Christ qui se déroule en réalité sous nos yeux. Ces paroles qu’il suffit d’aller chercher dans l’Evangile, et qui ont force et pertinence pour convertir les hommes de tous les temps et de toutes les cultures. Le pape François a-t-il ses préférences ? Il faut se rappeler ce qu’il a dit aux pères synodaux, en les invitant à parler sans craindre de déplaire : « Le pape est avec vous et il est le garant de la doctrine. » Et aussi, à propos de l’Eglise : « Les portes de l’enfer ne prévaudront pas. »
 
Cela n’empêche pas les turbulences.