L’augmentation du taux de suicide et de dépression chez les adolescents aux Etats-Unis est liée au temps passé sur les écrans

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Après une période de régression ou au moins de stabilité, depuis 2010, le nombre de suicides et les consultations pour idées suicidaires ou dépression parmi les élèves de lycée et les étudiants aux Etats-Unis connaît une augmentation notable. Une étude des chercheurs Jean Twenge, Thomas Joiner, Megan Rogers et autres, publiée en fin d’année dernière par Clinical Psychological Science s’est penchée sur cette augmentation qui frappe le plus souvent les filles. Après avoir pris en considération d’autres facteurs, leur recherche aboutit à ce constat : les adolescents passant davantage de temps sur les réseaux sociaux et sur les nouveaux dispositifs de communication comme les Smartphones présentent un risque plus élevé de troubles de la santé mentale, alors qu’à l’inverse de ceux qui font davantage de sport, qui ont plus de rapports « réels » avec leurs amis et qui lisent davantage de textes imprimés – et qui ont une pratique religieuse – présentent moins de risques. Le temps passé sur les écrans à un lien direct avec la dégradation de l’état de santé mentale des jeunes : voilà une conclusion de la plus haute importance.
 

Passer trop de temps dans le monde virtuel conduit à une augmentation de la dépression

 
On les appelle, aux Etats-Unis, les adolescents « iGen », dont Jean Twenge dans un texte antérieur avait noté que depuis 2012, ils sont désormais dans une société où 50 % de la population possèdent un Smartphone. Même si elle ne le souligne pas, on peut supposer que cette proportion est plus importante encore chez les jeunes.
 
Les chercheurs du dernier article en date ont travaillé sur deux enquêtes nationales auprès de jeunes âgés de 13 à 18 ans, chez qui l’on a donc constaté une hausse des symptômes dépressifs et des suicides qui a coïncidé avec le moment où les adolescents ont en moyenne commencé à passer plus de temps sur leurs écrans qu’à la pratique d’autres activités, non virtuelles. Les facteurs économiques, le chômage, le cours du Dow Jones n’ont eu aucun effet…
 
Alors que les Etats-Unis connaissent une mortalité par suicide de plus de 40.000 tués par an – avec son cortège de dommages « émotionnels et économiques » – la situation est suffisamment grave pour justifier d’amples recherches, affirment les auteurs. Et ce d’autant que les services de santé des différentes universités attestent d’une augmentation forte de leur activité dans le domaine de la santé mentale depuis 2010 également. On parle ainsi d’une hausse de 30 % entre les années scolaires 2009-2010 et 2014-2015 pour l’ensemble de 93 services de conseil de différents campus, avec une mention spéciale pour l’anxiété et les idées suicidaires.
 

Le temps passé sur les écrans ne cesse d’augmenter chez les adolescents aux Etats-Unis

 
S’agit-il, comme l’affirment certains, du résultat d’un meilleur dépistage de ces troubles ? Ou d’une modification des instruments de mesure ? Serait-ce l’augmentation des devoirs personnels, une pression académique accrue ou encore la récession, voire l’instabilité familiale croissante ou l’effet de la consommation de drogues qui expliqueraient la situation, comme le suggèrent d’autres enquêtes ? Tout cela ne suffit pas à rendre compte de la situation, ou en tout cas, il y a un autre facteur très significatif.
 
Ils citent de nombreuses autres études montrant les effets néfastes de la disparition progressive des interactions sociales personnelles appelée « communication face-à-face ». Certains chercheurs ont même montré que les communications électroniques et notamment les réseaux sociaux augmentent le sentiment de solitude.
 
A partir de toutes ces données, les auteurs ont réalisé plusieurs enquêtes spécifiques auprès de jeunes de 13 à 18 ans qui leur ont notamment permis de constater une augmentation de 31 % des morts par suicide dans cette population et une augmentation continue des syndromes dépressifs. Des augmentations qui atteignent respectivement 65 % et 58 % dans ces domaines chez les filles.
 
Les corrélations avec le temps d’écran se sont révélées systématiques, quels que soient les autres facteurs en jeu comme le sexe, l’ethnie, le statut social etc., tandis que les activités « réelles », y compris la lecture de livres et de journaux et les devoirs scolaires sont systématiquement liés à un risque moindre. Tous les états d’esprit liés au suicide, depuis les idées noires jusqu’à la tentative en bonne et due forme se sont révélés plus fréquents chez les gros utilisateurs d’écrans.
 

Une augmentation très significative du taux de suicide, d’idées suicidaires et symptômes dépressifs des jeunes liée au temps passé sur les écrans

 
« Toutes les activités associées avec des symptômes dépressifs plus importants ou des actes en relation avec le suicide se sont révélées liées à l’usage d’écrans, et toutes les activités associées avec des symptômes dépressifs ou des actes en relation avec le suicide moins importants étaient liées à des activités hors-écran », observe l’étude.
 
Pour donner une idée encore plus claire : les adolescents passant trois heures ou davantage sur des écrans chaque jour présentent un risque augmenté de 34 % de faits lié au suicide, des idées noires à la tentative, par rapport à ceux qui y passaient moins de deux heures par jour. La fréquentation quotidienne des réseaux sociaux est liée quant à elle une probabilité accrue de 13 % de présenter des symptômes de dépression par rapport à un usage plus intermittent.
 
Plus l’usage des écrans augmente, plus le risque progresse d’ailleurs en proportion : chez les utilisateurs d’écrans à raison de cinq heures ou plus par jour, on a constaté chez près de la moitié (48 %) un fait lié au suicide. Les adolescents passant ce temps élevé sur écran présentent un risque lié au suicide augmenté de 66 % par rapport aux utilisateurs qui y passent une heure ou moins.
 
Des liens significatifs ont également été constatés pour les symptômes dépressifs – mais on a constaté que les jeunes utilisateurs de réseaux sociaux qui ont par ailleurs beaucoup de contacts interpersonnels réels ne présentent pas d’augmentation notable de ces symptômes.
 
A méditer, alors que la fréquence d’usage des écrans ne cesse pas non plus d’augmenter chez les jeunes en France.
 

Jeanne Smits