On connaît bien Leonardo Boff, théologien de la libération et adepte de l’écologisme, prêtre défroqué et aujourd’hui marié, en bonne grâce auprès du pape François et référence pour ce dernier qui lui a demandé ses « lumières » lors de la rédaction de l’encyclique « verte » Laudato si’. Moins connu est son frère Clodovis, religieux servite qui fut lui aussi théoricien du libérationnisme avant de réviser ses positions en 2007, ayant connu ce courant de l’intérieur. Frère Clodovis a récemment publié un livre dans lequel il affirme que c’est la théologie de la libération qui a vidé les églises catholiques au Brésil, qui connaît des baisses alarmantes à la fois en termes de membres de l’Eglise catholique et de pratique religieuse au sein de celle-ci.
Nous vous proposons ci-dessous la traduction intégrale d’une intéressante recension de ce livre publiée jeudi dernier par acidigital.com, agence d’informations catholiques lusophone du groupe EWTN. Pour Clodovis Boff, la théologie de la libération a failli en mettant les pauvres au centre de l’Eglise, chassant le Christ de sa juste place. Une forme d’idolâtrie, si l’on comprend bien, dont le Fr. Clodovis met en évidence les ravages.
Le Fr. Clodovis Boff critique la théologie de la libération
Il faut noter cependant qu’en affichant, depuis 2007, son union avec les évêques d’Amérique latine, réunis cette année-là en assemblée à Aparecida, le Fr. Clodovis ne fait pas précisément profession de traditionalisme. Cette assemblée, dont la synthèse finale fut rédigée par un certain cardinal Jorge Mario Bergoglio (désormais pape François), assisté de Victor Manuel Fernandez (désormais préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi), a beaucoup promu la théologie du peuple, avatar de la théologie de la libération débarrassée de ses aspects les plus marxistes, ainsi que l’inculturation à tout va.
Malgré tout, son rejet de la théologie de la libération est important et éclairant, puisqu’il veut avant tout mettre Jésus-Christ au centre. – J.S.
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L’ex-théologien de la libération Clodovis Boff affirme qu’avoir mis les pauvres à la place de Jésus a vidé les églises au Brésil
Pour le frère Clodovis Boff, la prépondérance de la théologie de la libération est à l’origine du déclin du catholicisme au Brésil. Boff sait de quoi il parle. Jusqu’en 2007, le religieux de l’ordre des Serviteurs de Marie était un important théologien de la théologie de la libération, même s’il n’était pas aussi célèbre que son frère Leonardo. C’est cette année-là que Clodovis publia l’article « Théologie de la libération et retour aux fondements », dans lequel il accusait les théologiens de la libération de mettre les pauvres au centre au lieu de Jésus-Christ.
Aujourd’hui, Boff revient à la charge. « L’Eglise doit remettre l’accent sur le Christ en tant que prêtre, maître et seigneur, et pas seulement sur la lutte contre la pauvreté et la crise climatique », a-t-il déclaré lors du lancement du livre A crise na Igreja Católica e a Teologia da Libertação (La crise de l’Eglise catholique et la théologie de la libération), écrit en collaboration avec le père Leandro Rasera et récemment publié par Ecclesiae. « Ce sont des lignes directrices importantes, mais si l’on ne se désaltère pas au Christ, qui est la source, tout s’assèche, tout meurt. »
A la fin des années 1960, lorsque la théologie de la libération a commencé à dominer la pensée religieuse au Brésil, la population du pays était catholique à plus de 90 %.
Depuis lors, le pourcentage de catholiques dans la population brésilienne ne cesse de diminuer, pour atteindre environ 51 % selon un sondage Datafolha de 2020.
Et même ces catholiques ont un taux de participation à l’Eglise très faible. Une enquête de l’université américaine de Georgetown, menée dans 36 pays l’année dernière, a montré que seuls 8 % des catholiques brésiliens vont à la messe le dimanche. Ce taux est le troisième le plus faible parmi les pays analysés.
Pour Boff et Rasera, la baisse de la fréquentation des églises est due au fait que le dépôt de la foi n’est pas transmis.
Avec la théologie de la libération, « on assiste à une instrumentalisation de la foi en faveur des pauvres », écrit Clodovis dans le livre. « Nous tombons dans l’utilitarisme ou le fonctionnalisme en ce qui concerne la Parole de Dieu et la théologie en général. »
La théologie de la libération « fait appel à des idées telles que les “marges de gratuité” et la “réserve eschatologique” pour affirmer son respect de la transcendance de la foi. En fait, la part de la transcendance est, dans cette théologie, la plus petite et la moins pertinente, la “part du lion” revenant, comme toujours, à la “lecture libératrice” de la foi », écrit Clodovis.
Le « vide » laissé par la théologie de la libération
Pour le religieux, c’est ce vide qui a conduit de nombreux catholiques à tenter de le combler par le protestantisme, l’ésotérisme, le néo-paganisme et même le satanisme.
« Loin d’avoir disparu, il serait absurde de le dire, la foi dans le Christ continue d’être une référence pour l’Eglise », a déclaré le frère lors de la présentation en direct de son livre, dans lequel il parle notamment du thème « La crise de l’Eglise catholique : manque de foi, idéologies et mondanités ». « Mais la question décisive est de savoir si la foi dans le Christ est sa référence centrale, principale et déterminante. »
« Il ne s’agit donc pas seulement pour l’Eglise d’affirmer la centralité du Christ en termes formels et théoriques, mais de l’affirmer existentiellement et opérationnellement, comme le cœur battant de toute sa vie et de toute son action », commente le frère.
« Affirmer doctrinalement la primauté du Christ dans l’Eglise ne coûte pas grand-chose », ajoute le frère. « Mais affirmer, de manière existentielle, que le Christ est le centre absolu de l’Eglise, coûte beaucoup : cela coûte le cœur et l’âme, si ce n’est des larmes et peut-être du sang. »
Les regrets de Clodovis Boff
Dans son livre, Fr. Clodovis explique comment il a collaboré avec la théologie de la libération sous les pontificats des papes saint Jean-Paul II et Benoît XVI.
Pour lui, la théologie de la libération doit être repensée en plaçant le Christ au centre, et non les pauvres, afin qu’elle soit « opportune, utile et nécessaire », comme l’a dit le pape Jean-Paul II dans sa lettre aux évêques brésiliens en 1986.
Cette critique de la théologie de la libération a provoqué un éloignement entre les frères Clodovis et Leonardo Boff. Leonardo a quitté l’Eglise, s’est marié et est professeur retraité d’éthique, de philosophie de la religion et d’écologie à l’Université d’Etat de Rio de Janeiro (UERJ).
Clodovis vit comme religieux à Rio Branco, dans l’Etat d’Acre au Brésil.