POLICIER/DRAME HISTORIQUE Tout l’argent du monde ♥


 
Tout l’argent du monde est la reconstitution romancée, mais avec un très grand soin porté au contexte historique général, de l’enlèvement du petit-fils du milliardaire américain Getty, dans l’Italie des années 1970. Cette « Décennie de Plomb » a été marquée par de nombreux attentats et enlèvements politiques causés par des terroristes se réclamant de mouvements radicaux d’extrême-gauche. Il y a aussi en Italie, à l’époque comme hélas encore aujourd’hui, un crime organisé redoutable, le pire relevant de la mafia. Et Rome est une ville très accessible du sud de l’Italie. Enfin, un adolescent en crise est bien capable de se livrer à de mauvaises farces immatures, comme de se cacher en faisant croire à un enlèvement ; peut-être espère-t-il en cette hypothèse s’offrir des vacances avec des amis grâce à l’argent de la rançon…
 
Tout l’argent du monde peut s’apprécier surtout si on ne connaît pas le fin mot de l’histoire. Quel groupe a réalisé l’enlèvement ? Comment cette aventure va-t-elle se finir ? Le suspens instillé est essentiel ; savoir d’avance si l’adolescent va s’en sortir ou non pourrait gâcher le plaisir de visionner le film, enfin si l’on ose employer « plaisir » pour un drame humain trop réel. On se gardera de plaindre les petits-fils de milliardaires en général ; toujours est-il que ce statut est certainement source de bien des perturbations psychologiques, et que la famille doit particulièrement veiller à l’éducation. Or, le père de l’enfant avait fini alcoolique et drogué, vivant dans la débauche au Maroc, triste exemple de ce qu’il ne fallait surtout pas faire ; le grand-père avait été absent, entre de rares crises d’autoritarisme contreproductives et de démonstrations pseudo-morales bizarres ; dans ce contexte, la mère avait fait ce qu’elle avait pu, et ça n’avait pas suffi.
 

Tout l’argent du monde, un moment de distraction sans plus

 
S’il n’ennuie pas, le film souffre parfois de quelques longueurs. Il développe surtout une charge peu subtile contre le milliardaire Getty, présenté en monstre froid, inhumain, égocentrique. Evidemment, il est facile de jouer sur la détestation jalouse et instinctive des milliardaires par le grand public. Getty était pourtant un collectionneur d’art compétent et avisé, qualité rare ; cette estimable passion est présentée ici comme une obsession maladive d’accumulation. Getty aurait été un mauvais père et grand-père, c’est bien possible et inexcusable, mais le portrait aurait gagné à davantage de nuances. Les autres personnages sont aussi quelque peu trop monolithiques : la mère est éplorée mais courageuse, ce qui se comprend ; le fils enlevé est un adolescent bête en partie victime de son inconséquence –fréquenter sans escorte la nuit les quartiers chauds de Rome -, mais pas méchant et éveillant la sympathie par son malheur. La mafia est atroce, aussi ; certes, l’on n’en disconviendra pas. Au moins échappe-t-on, de justesse, à l’histoire d’amour entre la mère divorcée et le détective envoyé quand même par le grand-père.
 
Tout l’argent du monde réussit donc à distraire, mais sans plus.
 

Hector JOVIEN

 
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