L’opération est présentée comme un exploit au Royaume-Uni : une femme de 40 ans a donné son utérus à sa sœur âgée de 34 ans au cours d’une transplantation réussie. Plus de neuf heures d’opération ont été nécessaires pour insérer l’utérus dans le corps de la receveuse qui espère pouvoir donner le jour à un enfant en recourant cet automne à une procédure de fécondation in vitro réalisée à partir de ses propres embryons congelés, avec à la clef, si tout fonctionne, une césarienne. Au cours de l’opération, elle a perdu plus de sang que prévu. La donneuse a pour sa part subi plus de 8 heures d’intervention.
L’affaire a coûté 25.000 livres – près de 30.000 euros – alignées par une association caritative britannique « Womb Trasplant ».
Une transplantation réussie mais très coûteuse sur tous les plans
C’est la médicalisation, la technicisation à l’extrême de la procréation : la donneuse a subi une lourde et douloureuse opération ; la receveuse idem, avec en outre un traitement immunodépresseur tant qu’elle portera l’utérus de sa sœur. Il lui sera enlevé une fois qu’elle aura donné naissance, voire après une deuxième naissance puisqu’elle envisage d’ores et déjà une deuxième grossesse. A quoi s’ajoute bien sûr la récolte d’ovules, autre procédure extrêmement pénible, suivie de leur fécondation artificielle par injection directe de spermatozoïdes puis de congélation des cinq embryons qui ont atteint le stade de blastocytes.
Les deux sœurs se disent aujourd’hui « aux anges » selon les deux chirurgiens concernés, ravis d’avoir réussi l’opération la plus stressante de leur carrière.
Don d’utérus et morale ne font pas bon ménage
Mais qu’en est-il sur le plan moral ?
D’aucuns salueront la générosité de la donneuse. Mais c’est une bonté dévoyée : cette femme mariée, mère de deux enfants, a consenti à se laisser stériliser (première transgression), en se laissant gravement mutiler (deuxième transgression) pour assouvir le désir de maternité de sa sœur. Porter atteinte à l’intégrité du corps est moralement admissible pour préserver la santé ou la vie de son propre corps, ce qui n’est certes pas le cas ici. Quant à la fin altruiste, il ne s’agit nullement de sauver la vie d’une proche comme cela se fait par un don de rein par exemple, mais de céder à ce qu’il faut bien appeler un caprice face aux épreuves de la nature, à travers une procréation artificielle qui entraînera sans nul doute son lot de destruction d’embryons, comme c’est le cas lors de la plupart des fécondations in vitro, elles-mêmes gravement immorales à l’aune de la loi naturelle. Enfin, si le remplacement d’un utérus non fonctionnel peut théoriquement s’envisager d’un point de vue moral, à travers le don d’organe d’une personne effectivement morte, il est acquis que dans le cas présent il ne pourra nullement fonctionner de manière normale.
C’est en réalité toute la panoplie des folies des apprentis sorciers qui est ici déployée, dans une procédure qui commence à s’installer dans le paysage. La première transplantation d’utérus réussie – c’est-à-dire suivie d’une naissance – a eu lieu en Suède où le premier enfant « fabriqué » par ce moyen a vu le jour en 2014. Depuis lors, quelque 50 bébés sont nés ainsi de femmes qui n’avaient pas un utérus fonctionnel mais qui ont pu bénéficier de l’implantation provisoire de l’utérus d’une autre femme.
Généralement, c’est une femme proche de la receveuse qui donne son utérus, mais on en a aussi récolté sur des femmes en état de « mort cérébrale » lors des quelque 90 transplantations qui ont eu lieu à travers le monde depuis 2014.
Au Royaume-Uni, on envisage la transplantation d’utérus pour les transgenres d’ici à 10 ou 20 ans
D’autres pourront profiter à l’avenir de cette coûteuse intervention : selon les médecins, le Royaume-Uni pourra l’offrir chaque année à 20 ou 30 femmes… Ou pas. On parle en effet aux Etats-Unis d’étendre la procédure aux hommes transgenres qui se font opérer pour « devenir femmes » ; au Royaume-Uni, le corps médical se montre plus circonspect, estimant que les techniques ne sont pas au point du fait des différences d’anatomie pelvienne et vasculaire, tandis que le microbiote est lui aussi différent. Façon très détournée de dire qu’un homme n’est pas une femme et vice versa. Mais pas question de s’interdire cette évolution.
Il faudra « 10 à 20 » ans pour y arriver, selon le Pr Richard Smith qui a dirigé la première transplantation d’utérus réussie au Royaume-Uni. Il précise : « Nous sommes très conscients du fait que la loi sur l’égalité de genre de 2010 impose le traitement égal au bénéfice des femmes cisgenres comme des femmes transgenres. Mais cela suppose la faisabilité technique. Et à l’heure actuelle, celle-ci n’est pas au rendez-vous. »
Les considérations morales et éthiques, elles, sont déjà aux oubliettes.