Trump, Taylor Swift et le Superbowl : l’arc-en-ciel pris à son propre piège

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On est revenu au bas-empire romain, où tel cocher des Verts ou des Bleus était plus riche, plus connu, et jouissait de plus de pouvoir qu’un consul. Il n’a pas donc manqué d’intellectuels démocrates de la côte Est pour relever d’un ton pincé que Donald Trump avait été le premier président des Etats-Unis en exercice à assister au Superbowl, ce qui est bien dans les manières d’un démagogue populiste. La finale du championnat de football américain, qui se tient devant 80.000 fans dans le stade et cent millions de téléspectateurs, opposait cette année les Eagles de Philadelphie aux Kansas City Chiefs. Trump y a reçu une ovation et la chanteuse Taylor Swift, dont le petit ami jouait, y a été copieusement huée. Cette mesure inattendue de leurs popularités respectives est un enseignement. Ceux qui utilisent le sport, la publicité, le médias, la « culture » de masse pour propager leur idéologie ont été pris à contrepied par Trump, pris à leur propre piège. Les arroseurs de l’arc-en-ciel sont arrosés.

 

Taylor Swift coche toutes les cases de l’arc-en-ciel

Taylor Swift est une progressiste au-dessus de tout soupçon. A trente-six ans, c’est une des plus grandes vedettes de la chanson américaine et mondiale, elle a collectionné les récompenses et a des millions d’admirateurs dans tous les pays, Chine comprise. Depuis 2010 elle fait aussi du cinéma. Elle profite de son statut de star et de son image de petite fille chérie de l’Amérique pour répandre l’idéologie qu’elle croit bonne. Elle est contre la possession d’armes, les brutalités policières et le réchauffement climatique. En 2012, Michelle Obama lui a attribué le prix de la meilleure aide pour son dévouement aux autres. Elle a donné de l’argent pour l’alphabétisation des enfants et contre les catastrophes naturelles, les crimes de haine, l’homophobie. Ses parents, à l’en croire, lui ont appris à ne jamais juger quelqu’un selon la personne qu’il aime, sa couleur de peau ou sa religion, c’est la loi Pleven à elle toute seule. Elle se définit elle-même comme « une femme à chat sans enfant ». C’est une féministe « pro-choice », autrement dit un chantre de l’avortement. Elle a appelé à voter lors de la présidentielle de 2024 pour Kamala Harris.

 

Taylor Swift fait l’unanimité, des mille pattes à l’UE

Tout cela lui vaut une vive faveur nationale et internationale dans les milieux arc-en-ciel. Une espèce de mille-pattes a été baptisée en son honneur Nannaria swiftae. Elle a été reçue docteur honoris causa de l’université de New York en 2022 et élue personnalité de l’année par le magazine Time en 2023. L’Amérique pense qu’elle inspire l’esprit du temps. On a donné à ses afficionados le nom de « swifties ». Sa fortune est immense et son influence très grande sur les musiques populaires prisée des adolescents partout dans le monde. Bref, c’est un signe des temps et une voix du village mondial. Bien qu’elle soit fervente des droits de l’homme, elle se doit à ses millions d’afficionados chinois et ne les embête pas avec des revendications sur les Ouigours ou les Tibétains, ce dont le Parti communiste chinois la remercie en exhortant, via le Global Times, les artistes chinois à l’imiter pour « réussir ». Son influence a été jugée si grande et si bénéfique que la Commission européenne lui a demandé en 2024 de sensibiliser les jeunes à l’élection. La vice-présidente, Margaritis Schinas, a déclaré : « Personne ne peut mobiliser les jeunes aussi bien que les jeunes. Je crois que ça marche mieux que des commissaires s’exprimant depuis le centre de presse. »

 

Todos, todos : l’arc-en-ciel chante Taylor Smith

Elle est très bien vue également d’un protestantisme allemand en perte de repères, témoin cette incroyable « cérémonie » relatée par Jeanne Smits en 2024. Comme son temple du Saint-Esprit, à Heidelberg, est en perte de vitesse, le pasteur Vicenzo Petracca avait décidé de persiller l’office dominical de chansons (interprétées par une prof de musique locale) de Taylor Swift, dont il vanta pour l’occasion « l’attachement au christianisme » et « la compréhension » de la foi. En fait, Taylor Swift n’a pas de mots trop durs pour « la foi hypocrite » qui met « le dogme au-dessus des gens ». Et l’affiche de « l’office » portait cette phrase sur fond d’arc-en-ciel : « Tout le monde est bienvenu. Toutes les tailles, toutes les couleurs, toutes les cultures, tous les sexes, toutes les croyances, toutes les religions, tous les âges, tous les styles, tout le monde. » Voilà qui rappelle étrangement le « todos, todos » du pape François.

 

L’éléphant Trump a démoli le piège au Superbowl

Telle est donc l’influenceuse mondiale qui a été copieusement huée lors du Superbowl. La chose l’a laissée sans voix et tout le monde en a cherché la raison. Trump a trouvé sa réponse. Il a répercuté sur son réseau Truth Social la publication d’un de ses partisans : « Trump est massivement acclamé au Super Bowl tandis que Taylor Swift est huée. Le monde est en train de guérir ! » C’est une façon de voir les choses. D’autres pensent qu’on l’a huée parce qu’elle soutenait l’équipe de son petit ami, les Kansas City Chiefs. Mouais. Pas très convaincant non plus. Ce qui est intéressant, quoi qu’il en soit, c’est que l’arc-en-ciel utilise depuis des années des gens connus pour diaboliser Trump (De Niro, Meryl Streep) ou Le Pen, et le sport pour diffuser son idéologie (footeux à genoux, échanges de petits sermons édifiants lors du mondial, déclarations de M’Bappé, entre mille autres). Aujourd’hui, cette « culture de masse » se retourne brutalement contre ses manipulateurs. Les piégeurs sont pris à leur propre piège. L’arc-en-ciel est arrosé. Je ne suis toujours pas persuadée que Trump fera du bien en profondeur, mais il nous fait grand plaisir.

 

Pauline Mille