Trump défie l’UE sur le commerce et le Brexit, Bruxelles répond par la fuite en avant libre-échangiste

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L’Union européenne supranationale s’est trouvé un adversaire de poids. Le président américain Donald Trump a annoncé des mesures de rétorsion « majeures » contre l’UE et ses politiques commerciales qu’il juge « extrêmement malhonnêtes ». De plus, il a estimé que le Premier ministre britannique Theresa May n’était « pas assez ferme » sur le Brexit, au moment même où une offensive anti-Brexit se développe en Europe, le Français Pierre Moscovici qualifiant ce départ de « perdant-perdant » et l’européiste Figaro posant, samedi en Une, une question laissant deviner ses préférences : « Royaume-Uni : le Brexit aura-t-il vraiment lieu ? » Réponse de Bruxelles à Trump : accélérer des accords de libre-échange et de commerce facilité avec d’autres partenaires, Mercosur en particulier.
 

Trump dénonce les traités commerciaux discriminants

 
Trump a régulièrement dénoncé les traités commerciaux qu’il estime discriminants pour les Etats-Unis. Son commentaire sur l’Union européenne survient alors qu’il vient d’imposer une hausse des droits de douane sur les équipements solaires et les machines à laver, destinée principalement à limiter les importations depuis l’Asie. Il s’agit des premières mesures d’une série qui devrait se poursuivre. Et l’Europe est dans la ligne de mire. « J’ai beaucoup de problèmes avec l’Union européenne et ça pourrait déboucher sur quelque chose de très important de ce point de vue, d’un point de vue commercial » a menacé Donald Trump sur ITV, dans un entretien diffusé dimanche. Et d’ajouter que la réponse se ferait « vraiment au détriment » de l’UE.
 
Cet entretien, dans lequel il a annoncé par ailleurs sa venue au mariage du prince Harry, a été enregistré à Davos où, lors de son discours devant le très globaliste Forum économique mondial du Dr Klaus M. Schwab, il a expliqué que son objectif « America First » finirait par bénéficier au monde entier. Le journaliste Piers Morgan, qui a réalisé l’entretien, a jugé que l’offensive anti-UE de Donald Trump était sérieuse : « Quelqu’un pourrait-il douter que Donald Trump négocierait (le Brexit) avec plus de fermeté que Theresa May et son gouvernement ? », a-t-il lancé. Piers Morgan ajoute : « Je crois qu’il observe et se demande ce que la Grande-Bretagne est en train de négocier : s’en va-t-elle ? Essaie-t-elle de faire croire qu’elle ne s’en va pas ? Il a du mal à comprendre les sous-titres ! »
 

Trump menace l’UE : « Les Européens envoient leurs productions sans taxes, c’est inéquitable »

 
Donald Trump a ciblé la clé du problème : « Nous n’arrivons pas à exporter nos produits. C’est très, très dur. Et pourtant ils (les Européens) envoient les leurs sans taxes, ou avec des taxes très faibles ; c’est vraiment injuste. » Le journaliste Piers Morgan analyse : « Trump est particulièrement virulent au sujet de l’UE, estimant que ses négociations avec l’Europe ont été très difficiles ». Il vient ainsi d’émettre une mise en garde solennelle, prévenant qu’il allait s’en prendre à elle au niveau commercial. La vigueur de la colère présidentielle est compréhensible : le premier partenaire des Etats-Unis est l’Union européenne avec quelque 650 milliards de dollars l’an.
 
De leur côté, les Européens vont tenter de contrer la tendance protectionniste du président américain en négociant avec le Mercosur, qui réunit Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay. Ce 30 janvier à Bruxelles, une rencontre devrait relancer un accord de libre échange qui compléterait ce que l’agence globaliste Bloomberg qualifie de « traités révolutionnaires » avec le Japon et le Canada.
 

Trump invite le Royaume-Uni a résister contre Bruxelles en restant ferme sur le Brexit

 
Les (difficiles) négociations avec le Mercosur, qui avaient été lancées voici vingt ans, sont délibérément accélérées par l’oligarchie européenne pour contrer le protectionnisme de l’administration Trump. Elles avaient pourtant achoppé en décembre sur les questions explosives de l’agriculture et de l’automobile, plus qu’un détail pour des pays comme la France, puissance agricole déclinante et industrielle en déroute. Cecilia Malström, commissaire européen au Commerce, n’en a pas moins promis que l’objectif « est de conclure un accord de libre-échange ambitieux avec le Mercosur dans les semaines à venir ». « Au total, près de 140.000 tonnes de bœuf d’Amérique latine pourraient entrer sur le marché européen à droit zéro. La zone sud-américaine exporte déjà chez nous plus de 180.000 tonnes en s’acquittant, pour une partie, de droits de douane moyens d’environ 85 % », témoignait un haut fonctionnaire de Bruxelles dans les Echos. Or la filière bovine française est déjà échaudée par la hausse à venir des importations de bœuf canadien dans le cadre du CETA.
 

L’oligarchie européenne veut maintenir le libre-échange mondial face à Trump

 
L’oligarchie européenne n’en démord pourtant pas. Elle entend maintenir le libre-échange mondial face au programme anti-globalisation de Donald Trump pour, à ses yeux, garantir l’influence commerciale du bloc européen après le départ du Royaume-Uni. S’ajoutant aux accords de libre-échange entre l’UE et Singapour, le Vietnam et la Corée du Sud, un accord avec le Mercosur donnerait, estime encore Bloomberg, une dynamique politique à l’Europe alors qu’elle entame des discussions commerciales avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Mais à quel prix pour les producteurs français ?
 
Reste que les échanges entre le Mercosur et l’UE, à 105 milliards de dollars, ne représentent pas le sixième des échanges entre les Etats-Unis et l’UE. Et la question de la viande bovine constitue une pierre d’achoppement majeure, étant en particulier une quasi-mono-activité pour certains de ses membres, tels l’Argentine. Le Mercosur estime que les propositions de l’Europe en la matière – de même que pour l’éthanol et le sucre – sont insuffisantes. Le 23 janvier, Rigoberti Gauto Vielman, ambassadeur du Paraguay auprès de l’UE, a lancé : « Si nous n’obtenons par une offre significative en matière agricole, nous ne pourrons pas conclure cet accord. » Entre la fructueuse politique douanière de Trump, qui propulse l’économie des Etats-Unis à des niveaux record, et les implorations latino-américaines, la fuite en avant globaliste de l’Union européenne n’est décidément pas un long fleuve tranquille.
 

Matthieu Lenoir