L’UE s’attaque à la politique migratoire de la Hongrie – pas à celle de l’Italie populiste

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Il tardait à certains de voir le très mauvais élève européen, en matière migratoire, se faire rattraper par Bruxelles. Après la Pologne, la Hongrie se fait donc tancer par la Commission européenne qui a annoncé, coup sur coup, jeudi, deux mesures contre le pays de Viktor Orban : un recours devant la Cour de justice de l’UE (CJUE), au Luxembourg, et l’envoi d’une lettre de mise en demeure. Le tout pour pointer et fustiger la politique anti-migrants mise en place depuis 2015 par le Premier ministre hongrois.
 
Coïncidence (?), le ministre des Affaires étrangères, Peter Szijjarto, avait déclaré à Budapest le 18 juillet, soit la veille, que la Hongrie se retirait du Pacte mondial sur les migrations approuvé à l’ONU, soi-disant non contraignant et plus certainement « dangereux pour le monde et la Hongrie »…
 

La politique migratoire de la Hongrie, dans le viseur de l’UE

 
La bataille juridique est lancée, et comme il faut – c’est dire si le sujet est d’importance. Dans un communiqué, l’exécutif de l’UE a déclaré que la Hongrie avait été renvoyée devant la Cour de justice de l’UE (CJUE) « pour non-conformité de sa législation sur l’asile et le retour avec le droit européen », selon Reuters. Une procédure de sanction avait déjà été engagée en décembre 2015. C’en est ici la troisième étape qui pourrait aboutir à des sanctions financières contre Budapest si le tribunal confirme la ligne de la Commission.
 
Bruxelles affirme que les autorités hongroises n’ont pas réussi à fournir un accès effectif aux procédures d’asile pour les migrants. Les demandeurs d’asile sont également détenus dans des « centres de transit » pour une durée plus longue que les quatre semaines autorisées par les règles de l’UE.
 
La CJUE a déjà donné tort en septembre 2017 à la Hongrie (ainsi qu’à la Slovaquie, associée au recours hongrois) qui contestait le principe des relocalisations dans la répartition des demandeurs d’asile en Europe.
 

« Les politiques hongroises xénophobes ne peuvent pas être tolérées »

 
Autre point d’achoppement bruxellois : la loi « Stop Soros » en vigueur depuis le 20 juin dernier pour laquelle Viktor Orban a modifié la législation hongroise – il l’avait promise durant sa campagne législative, elle a été adoptée par 160 voix contre 18 ! Elle vise à introduire des sanctions pénales pour toutes les activités de soutien des ONG aux clandestins et aux demandeurs d’asile abusifs ; les sanctions vont d’une détention temporaire à un an de prison assorti d’une expulsion du pays.
 
La Commission a adressé une lettre de mise en demeure au sujet de cette loi jugée non conforme au droit européen. Budapest a deux mois pour répondre. Si la réponse n’est pas satisfaisante, la procédure d’infraction suivra son cours et pourra conduire, là aussi, à un recours devant la Cour de Luxembourg.
 
« La Commission a envoyé un message clair et sans ambiguïtés, selon lequel les politiques hongroises xénophobes ne peuvent pas être tolérées », s’est félicitée Iverna McGowan, directrice du bureau européen d’Amnesty International.
 

L’Italie populiste et « anti-migrants » donne, elle, un « exemple positif » selon Bruxelles !

 
Il semble que les quatre États membres du groupe de Visegrad (Hongrie, Slovaquie, République tchèque et Pologne) soient de plus en plus isolés et qu’une sorte de « quarantaine » européenne se mette progressivement en place, avec ses menaces et ses sanctions à venir. On voudrait qu’ils soient moins en rupture avec les droits fondamentaux de l’Union européenne qu’avec leurs propres principes qui préservent leur nation et leur identité…
 
L’Italie populiste ?! Qu’on ne se méprenne pas. Même si le nouveau gouvernement a été élu en partie sur la question migratoire et qu’il donne des preuves certaines à son électorat (on a vu que les arrivées de migrants cette année étaient inférieures de 80 % à ceux de l’année dernière), Matteo Salvini n’est pas du tout sur la même ligne que Viktor Orban quand il s’agit de traiter cette question et donne des gages de bonne conduite à Bruxelles.
 
Pour preuve, le Premier ministre Giuseppe Conte a annoncé que l’Italie avait demandé à la Commission européenne de créer une agence chargée de superviser la répartition des migrants sauvés en Méditerranée, parce qu’il porterait un « fardeau injuste » et qu’il faudrait le répartir – donc le fardeau reste le même pour l’Europe ! Dimanche, Rome a permis à quelque 450 migrants de débarquer en Sicile, mais seulement après que l’Allemagne, la France, Malte, l’Espagne, le Portugal et l’Irlande ont accepté d’accueillir un grand nombre de nouveaux arrivants. « Ce qui s’est passé dimanche devrait devenir la norme », a déclaré M. Conte au journal Il Fatto Quotidiano. Et les Nation unies se sont félicitées, jeudi, de cet « exemple positif » et solidaire… malheureusement au détriment encore et toujours de l’Europe.
 
L’Autriche de Sebastian Kurz a fait aussi de la lutte contre l’immigration illégale son cheval de bataille, ce qui l’a mené au pouvoir fin 2017, grâce à une coalition avec l’extrême droite. Et elle entend la poursuivre avec le plan anti immigration illégale du chancelier Kern. Mais encore une fois, le bras de fer restera au sein de Bruxelles.
 
Par opposition, la Hongrie sera tancée pour avoir voulu faire cavalier seul. La menace pour elle, à présent, c’est de perdre une partie de la manne des fonds structurels qui arrosent le pays et soutiennent son développement économique. Dans le cadre du projet de budget européen multi annuel, la Commission, à l’instigation de la France, propose, en effet, d’assujettir le versement des fonds de cohésion au respect de l’État de droit…
 

Clémentine Jallais