Covid-19 : à Londres, les étudiants entendent être dédommagés par les universités

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University College London


Les étudiants britanniques ne sont pas mécontents du résultat de leur première bataille juridique contre l’University College London (UCL) à laquelle ils demandent d’être dédommagés pour tous les cours annulés ou décalés en ligne, pendant les confinements liés au Covid-19. Le premier jugement, rendu lundi par la Haute Cour, est en leur faveur : il estime que cette tentative des étudiants de demander en commun des dommages-intérêts n’est pas illégale, mais l’a fait suspendre pendant une période de 8 mois pendant laquelle il est fortement enjoint aux deux parties de trouver un terrain d’entente à l’amiable. D’autres affaires engagées contre des universités dans le même cadre pourraient tirer profit de cette toute nouvelle jurisprudence.

Une fois l’effet de sidération du covid et des confinements afférents passé, le trou dans le porte-monnaie est resté, en effet, eu égard aux heures d’enseignement jamais été données ou mal données dans ces universités souvent fort chères. Il n’y a pas de raison à ce que le bas de l’échelle paye les pots cassés.

Reste qu’au-delà, les universités ont eu, elles aussi, des professeurs à payer, après avoir subi de nombreuses grèves depuis 2018. Ce serait plutôt aux Etats « confineurs-responsables » de régler l’addition. Mais ça…

 

Une ordonnance de suspension pour encourager les parties à recourir à la médiation

Plus de 120.000 étudiants ont rejoint l’action en justice menée par le Student Group Claim, pour un recours collectif demandant des dommages-intérêts à plus de 100 universités britanniques en raison des perturbations liées à la grève et au covid, entre 2018 et 2022. Ils espèrent récupérer un tant soit peu de leur précieux argent destiné à leurs études mises, alors, en drôle de pause. Ils estiment que l’université a violé leurs contrats de scolarité : la somme totale évaluée représenterait quand même plus d’un demi-milliard de livres sterling de compensation.

L’University College de Londres, la plus ancienne université de Londres, est passée la première à la barre après que son refus de les indemniser a poussé de nombreux étudiants à engager une action conjointe en justice. Entre menace et pression, l’Université se trouve désormais contrainte de proposer une solution aux quelque 5.000 étudiants actuels ou anciens de l’UCL pour éviter le passage à la « class action » proprement dite.

 

Dédommagés des confinements du Covid-19

Première victoire : Mme le juge a déclaré qu’elle n’exigerait pas que les étudiants utilisent le Bureau de l’arbitre indépendant pour l’enseignement supérieur (OIA), pour tenter de résoudre leurs réclamations, dans la mesure où ces procédures seraient coûteuses et retarderaient l’accès à la justice.

Dans la théorie, toute affaire non réglée en interne finit obligatoirement devant l’OIA. Il faut savoir que depuis cinq ans, le nombre de plaintes des étudiants en Angleterre et au Pays de Galles a quasiment été multiplié par trois (2.850 plaintes en 2022 contre 967 plaintes en 2018). Certes, elles ne concernent pas seulement l’annulation des cours et on peut penser qu’un certain nombre d’étudiants se plaignent à tort, surtout de nos jours… Mais enfin, l’augmentation est criante et pose question. Entre la crise du coût de la vie, le covid et les grèves, le mélange est explosif.

Dans l’affaire présente, la justice permet donc aux étudiants de passer au bras de fer direct avec l’UCL. « Si les réclamations ne sont pas réglées, elles passeront en jugement. L’argument des étudiants selon lequel ils avaient le droit d’accéder au système judiciaire a été confirmé », a déclaré leur avocat.

 

Le risque d’un torrent de réclamations des étudiants contre les universités

Il faut savoir que ces étudiants ont payé, chaque année, entre 9.250 £ (près de 11.000 euros) et 40.000 £ (plus de 46.000 euros) par an pour des cours annulés ou dispensés en ligne et avaient un accès restreint aux installations du campus en raison de restrictions de confinement ou d’absence d’un corps professoral qui cumule les jours de grève depuis 2018. Cette année, encore, des dizaines de milliers d’étudiants sont affectés par les mouvements de grève organisés par le syndicat University and College Union (UCU), pour réclamer des meilleurs salaires et conditions de travail.

Et si l’UCL campe sur sa position ? L’affaire serait alors susceptible de passer en jugement – et c’est la grande crainte des universités. Cela ne garantirait pas l’aboutissement systématique des réclamations, mais ouvrirait la porte à des poursuites similaires contre plus de 100 autres universités pour des heures d’enseignement perdues et un apprentissage à distance forcé.

Dix-sept autres institutions, dont l’Imperial College de Londres et les universités de Manchester et de Leeds, ont déjà reçu des lettres d’avocats les informant d’une réclamation semblable. Dans un certain nombre d’entre elles, un modèle hybride est resté en place depuis 2020, avec le maintien partiel de l’enseignement en ligne qui avait répondu, dans un premier temps, aux restrictions covid. Trop facile !

Pour l’avocat des étudiants, « l’UCL doit enfin assumer la responsabilité des perturbations causées à ses étudiants lors des grèves des professeurs et de la pandémie de Covid-19 ».

Mais combien d’autres institutions devraient assumer la responsabilité des perturbations subies par les populations lors de ces confinements forcés ? Combien de gouvernements, surtout, devraient porter les conséquences de leurs actes ? Même si la population, elle, semble s’habituer dangereusement

 

Clémentine Jallais