Voitures électriques : les primes d’assurance risquent de grimper en flèche sur le marché européen

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Tout s’embrouille pour la voiture électrique (VE). Alors que les ventes dégringolent et que l’Europe tente le tout pour le tout en taxant de droits de douane les véhicules chinois qui risquent de noyer un marché fragile, les assurances freinent des quatre fers. En raison d’une révision du régime britannique, les primes d’assurance pour les VE pourraient en effet s’envoler. En France, le mouvement s’est déjà enclenché avec la fin de l’exonération de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance. Mais il s’agira là d’une raison plus constitutive : les assurances reconnaissent, par-là, que l’indice de « réparabilité » de la voiture électrique est nettement moins bon.

L’Europe compte-elle vraiment avoir une flotte automobile tout électrique en 2035 ? Les objectifs climatiques nagent à contre-courant de la réalité et les constructeurs automobiles le reconnaissent d’eux-mêmes : les concessionnaires européens de Stellantis réclament d’ailleurs le report des objectifs stricts d’émissions de CO2 prévus pour 2025.

 

Le fameux indice de « réparabilité » des voitures électriques

Outre-Manche, c’est l’introduction du nouveau système de notation des risques des véhicules (Vehicle Risk Rating ou VRR) qui pourrait faire grimper en flèche le coût de l’assurance des véhicules électriques ainsi que des voitures fabriquées en Chine. Le VRR remplacera à terme le système d’assurance par groupe, qui classe les véhicules en 50 catégories de primes distinctes, nous dit The Telegraph, de la Fiat Panda à la Ferrari F430.

Cinq catégories clés entrent dans la notation VRR, notamment les performances, l’endommagement, la sécurité, la sûreté – et la « réparabilité ». Comme on peut l’imaginer, c’est ce dernier indice qui fera monter en flèche les primes des véhicules électriques, car selon le magazine Auto Express, le secteur de l’assurance n’a pas les informations requises pour offrir des primes plus basses.

L’éternel problème : la batterie. « Si vous avez une bosse de la taille d’une balle de golf dans le boîtier de la batterie de votre nouveau véhicule électrique, par exemple, il n’y a aucune sorte de référence technique disponible pour que les assureurs puissent dire avec une certitude à 100 % qu’une réparation a réparé le problème et ramené le véhicule à son état d’origine », affirme Chris Rosamond, journaliste d’Auto Express.

 

Les assurances peinent à couvrir les dommages

Pour le responsable de l’automobile chez Thatcham Research, la société de données à l’origine de ce nouveau système de notation, tous les véhicules électriques ne seraient pas forcément plus chers à assurer que les véhicules thermiques, soulignant que la VE moyenne comporte environ 20 pièces mobiles, contre « plus de 2.000 » dans une voiture à essence ou diesel.

Peut-être. Mais les fabricants chinois de véhicules électriques ont du mal à répondre à la demande de pièces détachées (même s’il faut avouer que les délais de réparation ont aussi été allongés pour les véhicules thermiques). Et les réparateurs, en Europe, manquent encore très sérieusement de compétence.

Et surtout, la moindre de ces réparations est, très vite, très chère. Les primes d’assurance peinent de plus en plus à couvrir les dommages. L’assureur mondial QBE, qui assure des flottes d’automobile d’entreprises, a déclaré que le règlement des réclamations concernant les dommages causés aux véhicules électriques pouvait être jusqu’à 25 % plus cher que pour les voitures et les fourgonnettes à moteur à combustion interne (ICE).

Le constructeur américain Tesla avait cru trouver la parade en proposant à ses clients sa propre police d’assurance pour ne pas dépendre des grands groupes. Seulement, la promesse de primes d’assurance plus faibles et d’une meilleure couverture en cas d’accident n’a pas toujours été tenue. Tesla a été lui-même pris au piège de ses réparations trop coûteuses.

 

Le prix écologique de la lutte contre le changement climatique

Et on ne parle pas de la batterie pour laquelle le moindre dommage est rédhibitoire. Il faut savoir qu’à partir du moment où l’airbag s’est déclenché lors d’un choc, la voiture est considérée comme irréparable, car certains constructeurs exigent le changement de la batterie entière par mesure de sécurité. Que la batterie ait été endommagée ou non lors de l’accident, aucun diagnostic n’est réalisé, la voiture est envoyée à la casse et l’assurance doit fournir un véhicule neuf…

Quel formidable geste écologique, dans un processus sensé servir la « durabilité » !

Sans compter que les risques inhérents à ces batteries au lithium continuent d’inquiéter et de freiner les acquéreurs. En Corée du Sud, l’incendie mortel d’une usine de batteries lithium-ion, le 24 juin dernier, ainsi qu’une série d’incendies de parkings (140 véhicules ont été réduits en cendres dans un parking souterrain en banlieue de Séoul en août) ont engendré une défiance réelle de la population.

Fin septembre, le gouverneur de Floride lui-même, Ron DeSantis, a averti ses citoyens, à l’approche de l’ouragan Hélène, de faire attention à ne pas laisser leurs véhicules électriques être inondés par l’eau en raison du risque d’incendie. En effet, si de l’eau salée submerge les batteries lithium-ion, une réaction chimique se crée, le véhicule peut prendre feu et se propager durablement aux habitations (car ce feu est quasi impossible à éteindre et tient plus de 24h).

 

La neutralité carbone de 2050 dans le marché européen ? Un miroir aux alouettes

Tout cela ne risque de pas redynamiser un marché déjà à la peine. Les capacités industrielles de l’Europe sont insuffisantes, les infrastructures adaptées tardent à s’imposer. En sus, le prix des véhicules électriques reste inabordable pour la majorité des clients selon les concessionnaires européens. Les acheteurs se détournent, à l’instar de Mr Bean ! Les ventes de voitures électriques ne progressent pas comme escompté.

En France, en août, le marché a chuté de 33 %, un phénomène également observé en Allemagne. L’industrie automobile britannique ne semble pas non plus être en mesure d’atteindre l’objectif de 22 % de ventes de voitures électriques fixé cette année par le gouvernement, selon une lettre ouverte des dirigeants du secteur. Sur toute l’Europe, à la mi-2024, le marché ne représente que 12,5 % des ventes totales de véhicules, loin derrière les véhicules hybrides et thermiques.

Tous en voiture électrique, en 2035 ? A voir… En tous les cas, ce sera très manifestement au contribuable de régler la facture de la neutralité carbone – et quoi qu’il en coûte.

 

Clémentine Jallais