Dans la famille Clinton, c’est conflits d’intérêt et corruption à tous les étages… Les courriels récemment révélés par WikiLeaks démontrent que Cheryl Mills, chef de cabinet d’Hillary Clinton au département d’Etat – le ministère des Affaires étrangères des Etats-Unis – était en même temps conseillère à la Fondation Clinton, un organisme privé à but partisan. Ce mélange des genres, même au pays du « spoil system » qui voit changer la haute fonction publique à chaque alternance, fait pour le moins désordre. Dans le cadre de leur emploi public, les hauts responsables sont tout de même priés de faire au moins semblant de servir l’intérêt général.
Les courriels montrent que tout en travaillant au Département d’Etat chaque jour, avec Hillary comme patronne, Mills travaillait en même temps pour restructurer la Fondation Clinton… avec encore Hillary pour patronne, écrit le journaliste américain Mitchell Shaw. La frontière entre le ministère des Affaires étrangères et la Fondation Clinton était donc devenue très virtuelle et il était difficile de dire où commençait l’une et où finissait l’autre.
Cheryl Mills, chef de cabinet multi-casquettes au département d’Etat
Le conflit d’intérêt engendré par la situation illégale dans laquelle se trouvait Mills n’était en fait pas vraiment nouveau. L’an dernier, le site The New American avait révélé une situation similaire avec le cas d’Huma Abedin, femme chef de cabinet adjoint d’Hillary quand cette dernière était à la tête du Département d’Etat. Le sénateur républicain de l’Iowa Chuck Grassley avait exigé des éclaircissements sur le « statut particulier de haut fonctionnaires spéciaux » dont bénéficiait Abedin. « En 2012, alors qu’elle était encore en poste comme conseillère de la Secrétaire d’Etat de l’époque, Hillary Clinton, Abedin travaillait parallèlement pour préparer la sortie de la future candidate démocrate à la présidentielle de son poste de ministre et son retour sur le ring politique », écrivait The New American. Une telle ambiguïté avait amené Grassley à écrire à Abedin et à celui qui entre-temps était devenu secrétaire d’Etat, John Kerry, pour leur demander « comment le contribuable pouvait savoir exactement pour qui travaillait ce type de hauts fonctionnaires spéciaux et à quels moments ». Et « comment le responsable des questions d’éthiques du Département d’Etat en était informé ».
Durant cette période de double emploi, Huma Abedin avait préparé un voyage officiel d’Hillary Clinton en Irlande du Nord, au titre de la fonction de Secrétaire d’Etat qu’elle exerçait encore. Dans un courriel daté du 30 novembre 2012, la conseillère montrait qu’elle concoctait en même temps une réunion, dans un club privé, destinée aux donateurs de la future campagne présidentielle de Clinton et de la Fondation Clinton, de même que son autre patron, Declan Kelly, PDG de Teneo Holdings, société new-yorkaise de conseil, d’investissement et de renseignement économique. Or ce Kelly était par ailleurs l’envoyé spécial économique américain en Irlande du Nord, désigné par Hillary Clinton en personne. Dans ce courriel, Abedin écrivait : « Nous pourrions nous réunir pour un apéritif-souper et HRC (Hillary Rodman Clinton) pourrait nous rejoindre aussi longtemps qu’elle le peut ».
Au service de Hillary au ministère comme à fondation Clinton
Abedin avait donc bien monté cette réunion avec Hillary, et Hillary s’y rendit effectivement. Mais il est aujourd’hui bien difficile d’établir à quel titre : celui de Secrétaire d’Etat, à un titre purement personnel, au titre de la Fondation Clinton ou à celui de future candidate à la présidence ? Quoi qu’il en soit, quelle que soit la réponse et la casquette qu’elle portait lors de cette soirée, elle était bien la patronne d’Abedin – ou en tous cas l’un de ses chefs. On comprend pourquoi Grassley suspecta là un conflit d’intérêts.
Plus d’un an après, les courriels montrent que ces frontières élastiques étaient encore plus élastiques qu’on ne l’avait cru auparavant. Rien d’ailleurs pour surprendre quiconque connaît bien la « morale » qui semble baigner à peu près tout ce que font les Clinton.
Un nom revient dans ces mélanges de genres, c’est celui de Teneo Holdings, société fondée par Doug Band, un associé de longue date des Clinton. Bill Clinton fut conseiller de Teneo. Huma Abedin, comme nous venons de l’écrire, travailla pour Teneo. Et Cheryl Mills – nous y revoilà – en fut aussi, travaillant à maintenir un épais rideau de fumée pour dissimuler soigneusement tous ces mélanges de genres aux yeux du bon public crédule.
Wikileaks révèle de nouveaux conflits d’intérêts autour des Clinton
Mills travaillait main dans la main avec la Fondation Clinton et avec Bill Clinton lui-même. Elle fut chargée, par exemple, au sein même du Département d’Etat, d’aider à éviter que les conférences rémunérées de l’ancien président et ses travaux bénévoles ne fussent frappés d’une incrimination pour conflit d’intérêts. Pour preuve ce courriel daté du 13 janvier 2013, dans lequel Mills envoyait un message à Bill via son assistant. Le texte était intitulé : « WJC infrastructure paradigm » et définissait les moyens pour M. Clinton de reconfigurer ses affaires personnelles afin de gommer l’image – faute de gommer la réalité – de corruption. Voici le contenu du message de Mills : « Pour WJC. M. le Président. Je suis responsable du modèle d’analyse destiné à séparer les activités personnelles des autres activités (Fondation, affaires, bénévolat, politique, officiel) afin de vous aider pour l’ensemble de vos travaux. (…) Je crois qu’il serait intéressant d’organiser une réunion commune rassemblant tous ceux qui sont concernés par la mise en route de ce programme, dès la semaine prochaine. J’envoie une copie de ce courriel à John qui est, comme vous le savez, responsable de la mise en place de ce nouveau modèle à la Fondation (Clinton, NDT). (…) cdm ».
Il semble qu’il n’ait jamais sauté aux yeux de quiconque que le fait que Mills (qui travaillait pour Hillary à la Fondation) œuvrât à laver de tout conflit d’intérêt les rémunérations des conférences du mari d’Hillary, et ceci dans le cadre de son travail au Département d’Etat (où Hillary était aussi sa patronne), constituait en soi un autre conflit d’intérêt, patent. Pour couronner le tout, cela permit à Mills d’être payée deux fois pour le même travail. Et on ne saurait douter quelle était sa priorité quand elle travaillait à la fois pour Hillary Clinton (la secrétaire d’Etat) et pour Hillary Clinton (le membre du conseil d’administration de la Fondation Clinton).
Le rôle de Teneo Holding, conseil, finance, emplois de complaisance
Ken Boehm, président du Centre de législation et de politique nationales a dénoncé l’élasticité de ces frontières en ces termes : « Les nouvelles révélations contenues dans les courriels publiés par de WikiLeaks prouvent que Cheryl Mills a beaucoup travaillé avec la Fondation Clinton, son conseil d’administration, le président Clinton et Chelsea Clinton (la fille, NDT), tandis qu’en même temps elle travaillait pour le Département d’Etat. Cela constitue un sérieux conflit d’intérêt ». Boehm relève aussi que les courriels « montrent que Mme Mills n’a pas complètement dévoilé les fonctions qu’elle exerçait à la Fondation Clinton quand elle fut interrogée par la commission spéciale du Congrès enquêtant sur le drame de Benghazi ».
Le courriel de Mills cité plus haut amorçait un vaste plan destiné à faire croire à l’indépendance respective de la Fondation Clinton et de Teneo. Mills avait rédigé le mémo suivant : « A partir du 1er janvier 2012, le Président devra être considéré comme client de Teneo. Les dirigeants de Teneo seront censés procurer des conseils au président pour son évolution personnelle. » Ainsi, comble de l’ironie, Bill Clinton, après avoir été conseiller chez Teneo, devenait client des conseillers de Teneo ! Rien d’étrange dans tout cela, cela va de soi…
Mais dans l’univers des Clinton et associés, il semble que la seule règle qui vaille est celle du « fait ce que tu veux, du moment que tu arrives à t’en sortir ». Avec une telle morale, il est établi d’avance qu’une présidence Clinton n°2 sera marquée par la corruption, la violation des règles éthiques et les conflits d’intérêt. Et il y a d’ailleurs tout à parier que Mills, Abedin et Teneo Holdings seront tous de la partie.