Contre Zemmour : Mamère révèle que l’écologisme est un altermondialisme contre la France

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Agressé chez Ruquier, poursuivi dans les médias, Eric Zemmour vient de faire un coup d’édition avec son Suicide français. En réponse, Mamère, l’un des caciques français de l’écologisme, l’attaque dans une plaquette intitulée sobrement Contre Zemmour. En faisant un double aveu : la gauche est nulle, et il préconise l’altermondialisme contre la France.
 
200.000 exemplaires, ça donne des idées. En passant derrière la moissonneuse batteuse Zemmour, on peut peut-être glaner un petit dix pour cent de ses ventes. 20.000 exemplaires pour Contre Zemmour, réponse au suicide français, ça mettrait un peu de beurre dans les épinards du « co-auteur », en bon français le nègre, de Mamère, Patrick Farbiaz. Il le mérite bien. C’est un homme qui pense comme il faut depuis des années. A l’ultragauche. Il est l’inventeur de la semaine contre le colonialisme et le racisme, le président de l’association les pieds dans le PAF, il a piloté les affaires étrangères pour EELV pendant dix ans, et il sait jusqu’où il ne faut pas aller. En 2005 il a participé, en tant que membre du collège exécutif, à l’exclusion de Ginette Hess-Skandrani, militante écolo de toujours, cofondatrice des Verts, mais qui avait eu le tort de critiquer le sionisme et de se montrer en compagnie notamment de Dieudonné. Plus même si l’on en croit le vigilant Patrick : « Même si elle n’écrit pas elle-même, elle apparaît comme la cheville ouvrière d’un groupe de révisionnistes et d’antisémites avérés. » Donc, Farbiaz est à l’extrême gauche de l’extrême gauche, mais l’extrême gauche polie.
 

Les « délires » d’Eric Zemmour, « idiot utile de l’extrême droite »

 
On comprend que lui et son compère Mamère n’aiment pas Zemmour. Ils ne s’en cachent pas. Eux qui ne cessent de geindre contre la « haine » (« recuite », de préférence) et « l’exclusion », ne montrent pas trop d’états d’âme quand il s’agit d’étriper cet « idiot utile de l’extrême droite ». Ils n’y vont pas de main morte avec les bons vieux clichés propre à terroriser les bien pensants : un « vent mauvais » s’est levé en France, une « rage », contre « l’autre, l’étranger, l’immigré », une « croisade homophobe », qui rappelle, bien sûr, le « climat délétère des années 1930 ». Et de dénoncer comme il se doit « l’abjection », les « horreurs », les « délires » et la « rhétorique nauséeuse » de Zemmour, promis aux « poubelles de l’histoire ».
 
Je ne déteste pas Noël Mamère. Je l’ai eu pour professeur à l’école de journalisme de Bordeaux-Talence en 1977. Il portait déjà moustache, il était journaliste à la télévision, ça le posait, il était de gauche mais pas de la tendance moscovite, plutôt californienne, cela reposait à une époque où le PC et le socialisme à l’ancienne pesaient leur pesant de KGB. Il nous avait fait lire un bouquin pas inintéressant, La persuasion clandestine, qui traitait des manipulations psychologiques notamment employées en publicité. Et puis il avait une qualité, par rapport à Yves Agnès du Monde et au romancier-scénariste de BD Pierre Christin qui nous donnaient cours aussi, c’est qu’il n’était pas toujours là, plutôt du genre prof post soixante-huitard qui sèche les cours – avec les grèves de la SNCF, il avait des excuses. J’ai toujours eu de l’indulgence pour les enseignants qui me foutaient la paix. Mais il a mal vieilli et il a pris des risques en employant Farbiaz à ses travaux de plume. Bernard Henri Lévy, Jacques Attali et Patrick Poivre d’Arvor auraient du lui dire combien il importe d’avoir un bon « collaborateur » et de le payer correctement, sinon l’on s’expose à toutes sortes de déboires désagréables. Utiliser un attaché parlementaire, même Bayrou n’aurait pas fait ça.
 

Contre Zemmour : que sont les talents de la gauche devenus ?

 
Tout ça pour dire que le Contre Zemmour qui prétend river son clou au Suicide français n’en vaut pas un (de clou). C’est un libelle de quatre-vingt pages qui semble écrit avec des moufles par un esquimau engourdi par le refroidissement global. On sait que Zemmour a prétendu décrire les « quarante années qui ont défait la France » à travers 79 dates jugées symbolique qui touchent à l’économie, au droit de la famille, au sport, aux abandons de souveraineté ou à la chansonnette. Il a fait ça un peu vite et pas toujours avec un grand sens de l’ordre. Mais enfin, que cela plaise ou non, Zemmour a lu, et il a un certain talent – même s’il ne le travaille pas toujours et donne parfois dans l’étouffe-chrétien. Il fallait donc un talent pour le moucher. Il existe des talents à gauche. On lit toujours avec plaisir Anatole France, Octave Mirbeau, Laurent Tailhade, Céline, Bernard Franck, que sais-je, Sagan, et jusqu’à l’odieux Aragon avec son ode au Guépéou, ou son ennemi le poète Armand Robin qui le traitait d’ordure et parlait le ouïghour comme père et mère. Mais là, non. Pauvre Farbiaz, pauvre Mamère ! Même Jean Daniel fait moins scolaire.
 
Cette question de style réglée, leur dénonciation de Zemmour reprend exactement celle de Daniel Lindenberg dans son Enquête sur les nouveaux réactionnaires en 2002. A l’époque, la cible principale était Alain Finkielkraut, Zemmour suçait encore son pouce. Quand on n’a pas grand chose à opposer à un adversaire, quand on a subi une défaite de la pensée, il y a un vieux truc qui marche toujours, c’est de faire peur. En gros de dire que Zemmour c’est Pétain et Hitler réunis – la preuve, il a lu Maurras, les néoconservateurs américains, il a entendu parler par le neveu de sa concierge du GRECE et du Club de l’Horloge, il n’aime pas mai 68, il n’a condamné ni Dieudonné ni la manif pour tous, il est copain avec Alain Soral ! Il rassemble donc dans un même élan forcément nauséabond les « nostalgériques », les « identitaires » et les « catholiques intégristes et nationalistes », sans oublier je pense les ratons laveurs. C’est rigolo, « l’extrême droite » vue de l’extrême gauche : et tant pis si les catégories ainsi envisagées par les auteurs sont divergentes, opposées, parfois incompatibles et toujours en bisbille. Le procédé intellectuel retenu par les policiers de la pensée Mamère et Farbiaz est celui de la rafle, et leur pêche est étonnante : se retrouvent dans leur filet, il faut les citer sans coupure, « des journalistes comme Yvan Rioufol et Elisabeth Lévy, des écrivain comme Michel Houellebecq, Maurice Dantec, Renaud Camus, Richard Millet, des essayistes comme Alain Finkielkraut, Pierre-André Taguieff, Michèle Tribalat, Alain de Benoist » ! Voilà la tourbe, voilà la « galaxie » qui infecte avec Zemmour la vie publique française.
 

Mamère juge le système et démolit la gauche

 
Une fois qu’on a fait peur, on a moralement gagné. Il suffit ensuite de déconsidérer l’adversaire en montrant qu’en plus il n’est même pas très fort. Mamère et Farbiaz sont formels, Zemmour n’est qu’un « sous Finkielkraut ». L’un de leurs arguments massues est de s’en prendre à la façon dont il raconterait « l’histoire pour les nuls » afin de l’utiliser comme un mythe politique. Ce qu’ils nomment « la manipulation idéologique du passé » (1). Et de mettre les points sur les i : « L’almanach d’Eric Zemmour est un exemple d’instrumentalisation de l’histoire par des idéologies d’extrême droite ». Belle envolée méprisante, qui rend plus délicieuses encore les innombrables bourdes historiques de la paire d’auteurs (à Bègles, rieuse ville de la banlieue de Bordeaux dont il est le maire, on aime à plaisanter sur « Mamère et sa prothèse »). Après s’en être pris à « la peste noire de l’an 1000 », ils s’acharnent sur le temps « d’avant », et, pêle-mêle, « l’aristocratie des Capet », « un Dieu qui contraint les filles au mariage forcé quand elles ne sont pas violées dans l’intimité par un père incestueux », et bien d’autres données du même tabac, avant de se féliciter que « ce monde » ait disparu « dès que la crédulité en la descendance divine des monarques a été défaite par les Lumières ». Fermez le ban, voilà de l’histoire « contextualisée » ! Et dire que Mamère est l’un des pères des Verts, et que son « collaborateur » émarge sur les largesses de la république !
 
Mais laissons tout cela. Ne soyons pas injuste et surtout lassant, car si notre lecteur était tenu par probité journalistique à se farcir l’intégralité de ce Contre Zemmour, il ferait une cueillette de sottises bien plus ample que la nôtre, comparable aux sorties de champignon d’un automne divinement pluvieux. Tâchons plutôt de prendre dans cet opus ce qu’il a de positif. La longue fréquentation des politiques français à un haut niveau n’a pas été sans enseignement pour le maire de Bègles. C’est, d’une certaine façon, un déçu du système, qui signe quelques phrases que l’on pourrait contresigner. « Le succès du Suicide français est le miroir idéologique de l’impuissance d’une gauche qui a démissionné en reniant ses convictions et se principes. Elle a abandonné le terrain des idées, tétanisée par la montée d’une droitisation qu’elle a accompagnée par sa pleutrerie et sa conversion au libéralisme. » Et celle-ci : « Nous ne parlons plus à personne, ni aux jeunes, ni aux classes populaires, ni aux femmes, ni même aux classes moyennes. » En veine de lucidité, le pauvre père Noël vide sa hotte. La guerre culturelle où brilla longtemps la gauche ? Elle n’a plus « ni stratégie ni dispositifs ». Les « think tanks » subventionnés où elle est sensée renouveler ses idées ? Ils sont « peu indépendants » et ne « produisent que des contenus à faible valeur ajoutée ». Ils ont tout juste bricolé le concept de « la France de demain », conglomérat des diplômés, des jeunes issus de l’Education nationale, des habitants des quartiers, des femmes, unifié par des « valeurs culturelles progressistes », bref, les bobos politiquement corrects et les minorités qu’ils instrumentalisent.
 

La vérité de l’écologisme : l’altermondialisme

 
Pour s’en sortir, le pauvre Mamère définit trois options possibles. Un la gauche plurielle, « de Martine Aubry à Pierre Laurent » : elle est « d’un autre siècle », elle « éclatera ». Deux, le valsisme, « cette gauche de droite qui veut aller de Manuel Valls à Alain Juppé en passant par François Bayrou et Emmanuel Macron ». En fait, elle va beaucoup plus loin, jusqu’à Lemaire et Sarkozy. Ce sont les élites européistes et mondialistes modérées. Mamère n’en veut pas. Et pour cause : personne n’aime embarquer sur le Titanic à trois heures du matin. Trois, « l’écologie politique », le « nouvel horizon d’une gauche décomplexée » caractérisé par « le cosmopolitisme, l’autonomie et la fabrication du commun ». Aimablement il nous fournit un glossaire pour traduire.
 
« Les écologistes, dont la devise est agir localement, penser globalement sont des humanistes cosmopolites ». Le cosmopolite pense que la « défense de la Terre » est devenue prioritaire, c’est « avant tout un citoyen du monde » qui « cherche à dépasser la guerre de tous contre tous et l’obsession identitaire », ce qui permet de « relativiser la notion de frontière ». Il revendique une « identité ouverte » en « revisitant l’humanisme » afin de parer à la « panique identitaire ». L’autonomie, c’est un peu moins clair, je vous expliquerai la prochaine fois. Quant à la fabrication du commun, c’est du boulot. La citation est un peu longue, mais il faut ce qu’il faut : « Ce qui doit être mis en commun, c’est l’accès à des conditions, à des services, à des instituions qu’il s’agit de créer ou de garantir comme autant de droits fondamentaux : santé, éduction, alimentation, logement, travail. Cette bataille ne peut se mener à l’échelle nationale, elle est d’emblée planétaire. On n’arrête pas la pollution et la destruction de la couche d’ozone, le chômage et les délocalisations, les guerres et le terrorisme, la financiarisation et les paradis fiscaux à la frontière des Etats-nations, mais dans une fédération des communs à l’échelle du monde, en partant des initiatives locales, régionales, européennes, comme africaines, asiatiques ou latino-américaines. » Cette fois on a bien compris. L’écologisme politique, on le savait mais c’est l’un de ses grands prêtres qui l’écrit officiellement, est l’exploitation de la sympathie qu’engendre la défense de l’environnement pour mener une politique mondialiste. Dans laquelle sont volontairement mis sur le même pied le chômage et le problème systémique que constituerait la prétendue disparition de la couche d’ozone.
 

Des révolutions contre la France

 
Une fois ces définitions posées, il ne reste à Mamère qu’à jouer un peu de violon en conclusion pour emporter l’adhésion de son lecteur, en s’émouvant sur les « révolutions microscopiques et tranquilles » qui donneront « un nouveau souffle » à la France et balayeront « les prophètes de malheur ». Ainsi en opposition aux « nouveaux réacs qui veulent à tout prix réhabiliter » les « nazis et leurs complices de Vichy », ils chante les héritiers des « résistants de l’Affiche rouge, ces « métèques » (…) qui donnèrent leur vie pour sauver la France ». Ces héritiers, « ce sont les lycéens qui protègent leurs camarades sans papiers, expulsés par la police française, les jeunes « zadistes » et les agriculteurs de la Confédération paysanne qui combattent les grands projets inutiles et coûteux ( …) les éco-syndicalistes (…) les femmes qui refusent que quiconque, et surtout pas l’Etat ou les Eglises, les empêche de disposer librement de leur corps. » Et voilà le travail ! Voilà pourquoi les écolos s’occupent de tout, d’avortement, d’immigration, de droit au logement, de tout sauf d’écologie.
Merci, Noël Mamère, d’avoir ainsi défini les objectifs de l’écologisme politique. Cette fois, ce n’est pas un délire d’Eric Zemmour qui nous fixe sur vos intentions, c’est de première main.

(1) Sur cette vaste question, on lira avec profit A quoi sert l’histoire, de Hannibal, aux éditions DIE.